Dans son premier quart d'heure, Le secret de Lily Owens (The secret life of bees en VO) fait naître un certain espoir. Après un prégénérique traumatisant montrant comment, à 4 ans, Lily Owens tua sa mère d'un coup de revolver, on plonge quelques années en avant pour la retrouver en phase de pré-adolescence, vivant seule avec un père violent et un rien sadique (de quoi détester le gruau de maïs à jamais) et une nourrice noire qui l'aide à s'en sortir tout en tentant de sauver sa propre peau. Il faut dire que ce sont les années 60, et que la Caroline du Sud n'est pas l'endroit le plus accueillant qui soit pour les gens de couleur... On se prend alors à rêver à un grand drame sur le racisme et l'enfance brisée, psychologiquement éprouvant mais finalement salvateur.
Ce film-là n'existera que dans nos rêves : très vite, Lily et sa nounou fuient la ville et se réfugient dans une sorte de maison du bonheur, pleine de gentils noirs avec le coeur sur la main. Lily y apprendra la vie, l'amour, l'apiculture. Quant au film, il plongera tête la première dans le manichéisme et le pathos. Le miel dont parle si souvent le personnage de Queen Latifah (remarquable) caractérise chaque plan, collant et sucré. La réalisatrice Gina Prince-Bythewood l'étale en long en large et en travers, le film s'étirant en longueur sans raison apparente. D'autant qu'il a perdu depuis longtemps sa dimension sociopolitique, la cause noire pouvant difficilement être défendue par un film aussi angélique et binaire.
Heureusement que les interprètes s'acquittent de leur tache avec une chaleur réconfortante : la pop idol Jennifer Hudson confirme son talent d'actrice, tout comme une Alicia Keys convaincante. Dakota Fanning est elle aussi idéale en petit poussin brisé par le monde des adultes. Moins chaleureux, Paul Bettany est extrêmement inquiétant en père indigne ; mais, comme les autres personnages "négatifs", il est longtemps tenu à l'écart de l'intrigue afin de ne pas abimer le gentil mélo en train de se construire. La résolution finale des problèmes de la jeune Lily confirme la tendance du film à plonger dans un optimisme béat qui colle mal au sujet.
4/10
(également publié sur Écran Large)