Que le lecteur se rassure, je ne cherche ni à faire l'apologie de l'un des ces jeux
dangereux auxquels se livrent les adolescents dans les cours de récréation, ni à me faire l'apôtre d'une nouvelle forme incongrue de l'entraînement à la course à pied ou à la course
cycliste...
Je témoigne simplement du plaisir qu'il y a parfois à « dérouler » comme on dit dans le jargon du milieu
sportif. J'évoque ce moment de grâce où le corps n'est plus un obstacle et où il épouse parfaitement le mouvement que lui dicte la volonté. Courir sur un sentier escarpé, faire l'ascension
d'un col à cette période de l'année où les premières chaleurs commencent à faire remonter les effluves...
Alors, le monde se met à respirer, alors on perçoit de façon plus aiguë les sensations : odeurs de marée,
contrebas de falaise, cris de mouettes, « oiseaux clabaudeurs aux yeux ronds", décharge de couleurs dans les champs...
Le corps est une fibre qui engaine la palpitation du monde et, à ce moment, il faut retenir son souffle pour
faire taire la forge intérieure et laisser filtrer le vertige de la Beauté.