Brèves : impressions de Seattle

Publié le 24 avril 2009 par Objectifliberte

Voici  en vrac quelques impressions de Seattle, sans ordre particulier.
Seattle n’est pas toute l’Amérique, et le panel d’auditeurs de la conférence « preserving the american dream », très orienté « conservateur & libertarien », n’est certainement pas représentatif de l’opinion publique américaine en général.
Bref, inutile de vouloir tirer des conclusions trop générales de mon court séjour à l’autre bout de l’hémisphère Nord. Juste une palette de couleurs, comme ça, pour la route...
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Tea Parties -- Parmi les quelques sujets nationaux qui troublaient la quiétude de la télé  locale, très polarisée sur les résultats de l’équipe locale de Base Ball et la construction d’un pont pour desservir le campus Microsoft, figurait l’audience croissante des « tea parties », rassemblement de gens dans toute l’union pour protester contre la politique fiscale et budgétaire de la nouvelle administration. Inspirées par la Tea Party de Boston de 1773, qui marqua le début de la révolte des 13 colonies contre la couronne britannique, ces manifestations  réunissent des milliers des milliers de personnes au cœur des villes qui expriment  leur inquiétude et leur ras-le-bol au cri de « Born Free, Taxed to Death ». Elles sont en tout cas devenues suffisamment importantes pour mobiliser une pleine page de l’édition papier du WSJ.

Ces tea parties sont minimisées par les chaines de télévision proches des démocrates (CNN, MSNBC), qui n’hésitent pas à décrire les participants de ces rencontres comme des extrémistes quasi paranoïaques, ce qui ne les honore guère, et sur-exposées par Fox News, qui tombe dans l'exagération inverse en évoquant une ambiance pré-révolutionnaire. Sauf à ce que Seattle soit hors de l’union, le moins qu’on puisse dire est que l’ambiance y est tout à fait normale, pour ne pas dire, de façon surprenante, cool. Pour la révolution, il faudra repasser.

Ceci dit, selon les organisateurs de l’ADC, jamais l’ambiance générale n’avait été aussi pessimiste, à la fois morose mais aussi remontée contre le gouvernement. Celui-ci se retrouve coincé entre des recettes fiscales en chute libre, qui affectent aussi les gouvernements locaux, et ses annonces d’hyper-dépenses qu’il fera financer si nécessaire par la création de dollars ex-Nihilo par la Fed, ce qui ramènera tôt ou tard une inflation à deux chiffres. Certains participants estimaient que ce mouvement était déjà engagé. Trop tôt pour le dire, mais le moins que l’on puisse dire est que tant à Seattle qu’à Bellevue, sa proche et très chic banlieue, les étiquettes sont… lourdes. Là encore, aucune conclusion à tirer pour toute l’union.

Le consensus général qui prévalait à la conférence annuelle de l'ADC est que les Tea Parties allaient s’essouffler sans que le gouvernement en ait tenu compte, mais qu’elles aller donner le top départ d’une recrudescence de l’activisme "anti-big government", qui était quelque peu en perte de vitesse il y a peu. Bref, entre 2012 et 2020, on peut espérer une nouvelle période de sursaut libéral des USA, comparable aux années Reagan.

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Looking for the next Reagan -- Reste à savoir qui portera le flambeau de cette nouvelle « révolution ». Ron Paul étant désormais trop vieux, les regards se tournent vers le gouverneur de Caroline du Nord, Mark Sanford, qui semble actuellement le mieux placé pour incarner un retour du parti républicain à des valeurs plus proches de la constitution des USA. Son seul problème, s’il en a l’intention, sera de convaincre les républicains dégoutés de l’évolution de leur propre parti qu’il n’est pas qu’un politicien de plus. Pas gagné.

Un autre prétendant à la refondation du parti républicain a sans doute fait un faux pas qu’il aura du mal à rattraper, en prononçant, dans une interview impromptue, le mot interdit, le « S. Word ».

Sécession. Tim Perry, gouverneur du Texas, un des seuls avec Sanford à avoir refusé l’argent du Stimulus Package fédéral, a rappelé que le Texas pouvait faire sécession si d’aventure l’Union s’enfonçait dans le chaos. Politiquement excessifs, ces propos ne lui seront jamais pardonnés en dehors de l’état aux 6 drapeaux, même si il a tenté ensuite de se justifier en disant qu’il avait juste voulu dire qu’il comprenait les texans qui évoquaient la sécession parce qu’ils en avaient assez des idioties de Washington. Ron Paul lui-même, élu du Texas, en a remis une couche, estimant sur CNN que la sécession n’était certes pas une option sérieuse aujourd’hui, mais que si Washington écroulait le Dollar, ruinant des milliers d’épargnants, alors oui, la question de la sécession pourrait se poser. Cela semble parfaitement excessif même aux yeux de la plupart des libertariens et conservateurs présents à la conférence ADC, pour lesquels on est américain bien avant d’être Texan ou Californien… Mais qui sait. En tout cas, un tabou vient de tomber.

Bon, m’est avis que le futur Ronald Reagan surgira de nulle part à quelque mois d’une prochaine élection, comme souvent aux USA où un concours de circonstance peut propulser une figure locale peu connue au premier plan en peu de temps.

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Mobility  rules -- Retour à Seattle. En dehors du centre ville, très compact, plein de gratte ciels de toutes époques, aux architectures souvent soignées, parfois sous-occupés (la crise…), et du mini Centre de la banlieue chic de Bellevue, de l’autre côté du lac Washington, l’agglomération est essentiellement composée de quartiers d’habitat individuel, parfois de petit collectif, dans un grand maillage de rues perpendiculaires à l’américaine. Certains lotissements fleurent bon la construction standardisée, d’autres au contraire, semblent obliger chaque propriétaire à construire une maison qui se distingue fortement de celle de son voisin. Le plus surprenant, à Bellevue du moins, est la coexistence harmonieuse de maisons de très haut standing avec des « cabanes », il n’y a pas d’autre mot, de petite taille construites en bois.


Un quartier de Bellevue

Ceci dit, depuis quelques années, comme en bien des endroits, Seattle et Bellevue ont connu une inflation immobilière qui a chassé bien des ménages vers des villes moins réputées comme Renton (le fief de Boeing) ou Tacoma. De même, le développement "champignon" de cités situées à plus de 25 miles de la frontière de l’agglomération, telles que Snoqualmie (1600 habitants en 2000, 6300 en 2005, prévision de 14000 en 2014 !), doit tout à la bulle immobilière, les villes lointaines jouant le rôle de marché immobilier de secours pour familles n’ayant plus les moyens de payer 614 000 dollars (au sommet de la bulle) pour la maison « médiane » de  Bellevue, ou même 340 000 dollars pour la même à Renton.


Snoqualmie Ridge

Un tel étoilement urbain rend la question des déplacements particulièrement importante.  Malgré le discours autophobe ambiant (voir mon post précédent), et les délirants programmes de transport collectif au rapport coût efficacité pour le moins contestable (en termes de prix par passager x km), le programme autoroutier du comté de King et des zones avoisinantes reste colossal. Les échangeurs « à l’américaine », tellement impressionnants en photo, le sont encore plus en vrai. La métropole de Seattle souffre malgré tout de congestion aux heures de pointe, car la densité d’emplois à Downtown Seattle y est telle que trop de voitures veulent s’y engouffrer au même moment. Là encore, l’ADC, ou les gens du Washington Policy Center, un think tank libertarien de l’état présent à la conférence, estiment qu’un relâchement des règlementations du sol autour de la ville permettrait aux emplois de mieux se répartir entre Seattle Downtown et Bellevue, Redmond (le siège de Microsoft), Renton, Tacoma, etc… Mais évidemment, la ville de Seattle ne voit pas nécessairement cette évolution d’un très bon œil.

Force est de constater que les réflexions sur la mobilité urbaine sont bien plus riches de point de vue divergents aux USA qu’en France, au moins y a-t-il encore des gens pour défendre avec moult arguments parfaitement rationnels la supériorité de l’automobile sur l’hystérie pro « transports-en-communiste » qui étouffe tout débat sérieux sur la question chez nous. Quand bien même, aujourd’hui, le rapport de force est défavorable aux pro-autos et aux pro-dezoning, il existe une bonne base de chercheurs et de militants activistes capables de faire progresser des idées différentes en la matière, base qui manque cruellement chez nous, où des travaux de personnalités comme les professeurs Prud’homme ou Fritsch restent hélas confidentiels.

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Mortgage crisis -- La crise est surtout visible à travers les pancartes « for sale » ou sur les avis de « foreclosure » sur les façades de certaines maisons. Si Bellevue semblait relativement épargnée par le phénomène, d’autres quartiers, comme Mercer Island, paraissaient plus touchés. Ceci dit, il y a beaucoup moins de SDF visibles dans le centre de Seattle que dans celui de Paris. Ce qui ne veut rien dire, d’ailleurs, vu que je n’ai aucune idée des critères du choix de « résidence » des SDF à Seattle : ils sont peut être ailleurs. A moins que la police ne les évacue vers des quartiers moins touristiques, comme cela se pratique hélas dans certaines villes du sud de la France. je n'en sais à vrai dire rien.

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I definitely love Seattle ! -- Autant le dire tout de suite, zoning ou pas, I love Seattle ! L’agglomération est construite au cœur d’un Fjord à la suédoise, entouré de montagnes de type jeunes, avec en point d’orgue le spectaculaire Mount Rainier, volcan endormi et enneigé dont la silhouette imposante semble sortie de nulle part… Impossible à bien prendre en photo avec un appareil standard, tant la luminosité y est particulière. L’habitat à l’américaine, avec ses maisons de bois de toutes les couleurs, se marie particulièrement bien à ce type de paysage. C’est tout simplement beau, en toute subjectivité.


Mount Rainier

Et, pour moi qui suis généralement rétif à toute forme d’architecture moderne, je dois avouer que le centre de Seattle, avec ses gratte-ciel hyper soignés au niveau du détail, de toutes époques, « en jette ».


Seattle Downtown

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Food -- Seattle est une ville cosmopolite, avec notamment une présence asiatique importante. Cela se traduit par un foisonnement de restaurants de tous les pays, et par l’éclosion d’une « international cooking » qui ne ressemble plus à grand-chose, diront ses détracteurs, ou au contraire recrée un nouveau courant culinaire, si on n’est pas trop difficile. Disons que sauf à consacrer des sommes astronomiques à la nourriture, manger à Seattle n’est pas le meilleur moment de la journée… Sauf  si vous dégottez des pinces de crabe royal géantes pour pas cher, ici, dans l'assiette, la mer est reine.


Ah, le Roll-Sushi Mayonnaise aux oeufs de lump...

Sinon, les steaks sont en général hors de prix (mais copieux) et le vin aussi. Et le café... Demander impérativement un expresso !

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Drive -- L’on dit souvent que les américains respectent scrupuleusement les limitations de vitesse. C’est faux. Comme chez nous, ils observent couramment une marge de sécurité de +/- 10 mph par rapport à la vitesse autorisée. Mais celles-ci sont tellement basses… Cela rend la conduite très reposante, très calme, surtout que personne ne vous klaxonne si vous êtes encore plus lent que la limite. Mais je me demande comment ne pas s’endormir sur un parcours long.

Ce conditionnement à conduire le pied léger permet aux urbanistes de dessiner des rues très larges sans que le danger perçu y soit important, alors qu’en France, le courant dominant ne conçoit la réduction des vitesses que par la réduction du nombre de voies et des largeurs roulables, ce qui est certes efficace pour ralentir les automobiles, mais aussi pénalisant en terme d’écoulement du trafic.

De même, les américains respectent scrupuleusement la dernière voie des autoroutes (à partir de trois voies)  lorsque celle-ci est réservée aux voitures avec au moins deux passagers et aux cars. On n’imagine pas un tel respect spontané de mesures similaires dans l’hexagone…

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Bon, c'est tout pour le dépliant touristique, je reviendrai plus tard avec des choses plus sérieuses. Un peu fainéant, moi, en retour de voyage...