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Villa Amalia : De l'art de la fugue…

Publié le 25 avril 2009 par Boustoune


Vous n’avez jamais eu envie de tout plaquer - boulot, vie privée, amis,… - et tout recommencer à zéro, ailleurs ? Hé bien moi, en ce moment, j’ai bien envie d’abandonner ce blog et de partir loin, très loin… Loin de la dizaine de critiques en retard qui s’accumulent peu à peu, au fur et à mesure de mes trop nombreuses expéditions cinématographiques, loin, notamment, de l’obligation de vous parler de Villa Amalia, critique pour laquelle je n’ai pas le début d’une inspiration…
Ah tiens, si je commençais par dire que dans ce film de Benoît Jacquot, le personnage principal, joué par Isabelle Huppert, a justement le courage de tout quitter et de faire le grand saut vers l’inconnu, vers une nouvelle vie, en toute liberté ?
Ann Hidden semble pourtant avoir tout pour être heureuse : un métier passionnant – elle est pianiste et compositrice de musique classique, reconnue et adulée – un bel et lumineux appartement au cœur de Paris, un compagnon attentionné – Thomas (Xavier Beauvois)…
Mais un beau jour, elle décide de tout abandonner. Elle rompt brutalement avec Thomas, le met à la porte. Elle vend l’appartement et tout ce qu’il contenait : ses pianos, ses meubles, ses vêtements, ses livres. Elle suspend tous ses abonnements téléphoniques, ferme son compte en banque et part en effaçant toutes les traces derrière elle, afin que personne ne puisse la retrouver.
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Pourquoi ? Quelle peut être la raison de cette brutale envie de changement ? L’événement déclencheur semble être la découverte de l’infidélité de Thomas, qu’elle a suivi jusqu’au petit pavillon de banlieue hébergeant sa maîtresse, et/ou les retrouvailles, par hasard, avec Georges, un ami d’enfance (Jean-Hugues Anglade). Mais il ne s’agit que de la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le malaise est plus profond et plus ancien.
On n’apprendra rien de ce qui pousse réellement Ann à s’enfuir, même si le scénario nous donne quelques indices sur les blessures qui, accumulées, auraient pu la pousser à effacer son passé : Un frère décédé dans l’enfance... Une mère murée dans une sorte de démence sénile, dont elle est la seule à s’occuper encore, présence oppressante qui la retient en quelque sorte captive du passé… Un père qui a trop vite quitté le domicile familial… La sensation de vivre un destin tout tracé, sans avoir eu l’occasion de se découvrir vraiment, d’expérimenter… L’impression d’être aimée pour ce qu’elle représente plutôt que pour ce qu’elle est réellement…
C’est l’histoire d’une quête identitaire assez étrange, où l’héroïne cherche non seulement à se retrouver, mais à se réinventer, à fuir les uns et à s’ouvrir aux autres. Avec la complicité de Georges, elle organise son exil, puis part seule parcourir l’Europe à la recherche d’un point de chute. Ce sera une petite maison accrochée à la falaise et parcourt l’Europe Elle finira par trouver cet endroit où elle peut se ressourcer, une maison rouge suspendue à une colline, sur l’île d’Ischia, surplombant la mer Tyrrhénienne. Elle a amorcé son nouveau départ par un incendie, en brûlant photos et objets la rattachant à son ancienne existence. Il lui faut maintenant « éteindre [sa] vie d’avant ». Elle le fait en plongeant dans les eaux claires situées au pied de la maison, s’y noie et y renaît… Jusqu’à ce qu’un événement brutal exige son retour en France…
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Adapter le roman de Pascal Quignard (*) était une vraie gageure, car il fallait montrer le glissement intérieur du personnage, saisir l’imperceptible – les émotions derrière l’absence d’émotions, les fêlures et l’énergie qui pousse Ann à aller de l’avant.
Benoît Jacquot a réussi son pari en s’appuyant sur une mise en scène rapide et habile, tranchante et toute en ruptures, suivant au plus près son personnage principal.
Mais il n’aurait rien pu faire sans l’aide précieuse d’une Isabelle Huppert en état de grâce – comme souvent – excellente dans le registre de la fêlure invisible, du petit décrochage à la limite de la folie. On ne voit pas qui d’autre aurait pu lire ces répliques étranges, très fidèles au roman original.
Son jeu est une petite musique – une fugue, évidemment – une partition apparemment simple, mais plus complexe et plus profonde qu’elle n’en a l’air. Un peu comme les musiques du film, où les compositions de Bruno Coulais, reposant sur d’habiles dissonances, côtoient des œuvres classiques connues (« O solitude, my sweetest choice» de Purcell)… et d’assourdissants silences.

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Villa Amalia
est en effet une œuvre de contrastes et de ruptures, un film à la fois limpide, lumineux et sinueux, aussi difficile d’accès que la maison sur la colline. Pour l’apprécier, il faut soit s’y abandonner complètement, se laisser bercer par la musique et fasciner par la beauté des images de Caroline Champetier, soit essayer d’en percer les mystères, s’accrochant à des sensations, des bribes de conversation, des regards… Mais cette cinquième collaboration entre Isabelle Huppert et Benoît Jacquot est indéniablement une œuvre maîtrisée et forte, sur laquelle plane un vent de liberté.
Bon, eh bien voilà, elle est finie, cette critique. Et vous savez quoi, je n’ai plus envie de tout plaquer… Au contraire, j’ai bien l’intention d’aller encore voir plein de films… Pour ma fugue à moi, il faudra attendre quinze jours et une escapade cannoise qui s’annonce mouvementée et culturellement enrichissante…

Note :

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(*) « Villa Amalia » de Pascal Quignard – coll. Folio – ed. Gallimard
Villa Amalia : De l'art de la fugue…

Tags : Villa Amalia,Benoît Jacquot,Pascal Quignard,Isabelle Huppert,fugue,quête identitaire,rupture

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LES COMMENTAIRES (2)

Par alexandre
posté le 20 mai à 14:00
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j'ai lu que la voix de haute contre etait de Deller et une autre fois de lesne. Qu'en est_il?

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