S'il est un auteur dont les amateurs de polar ne peuvent ne pas avoir entendu parler, c'est bien Raymond CHANDLER. Il suffit qu'on dresse une liste d'auteurs classiques de romans policiers ou de personnages emblématiques du genre pour le trouver en bonne position, bien souvent accompagné de son mythique détective : Philip MARLOWE. Et pourtant, je n'avais encore rien lu, malgré une série, un été dans Marianne (magazine souvent plaisant à parcourir aux mois de juillet-août pour leurs listes en tout genre (penseurs, idées, événements historiques, écrivains,...) égrennées au fil des semaines estivales, et un numéro spécial de Lire sur les polars « des classiques à Millénium » (et sûrement un Phosphore, si ma mémoire ne me joue pas trop de tour).
Heureusement, le défi littérature policière sur les 5 continents est passé par là pour combler cette lacune !
A priori, l'histoire est simple pour ne pas dire simplissime : un vieux général en retraite fait appel à un détective privé, Philip Marlowe, pour mettre fin aux agissements d'un maître chanteur, dénommé Geiger, qui s'en prend à une de ses filles, Carmen, particulièrement joueuse, et nymphomane, en menaçant de divulguer des photos pour le moins compromettantes... Voilà pour l'affaire officielle. Mais le général lui parle également de la subite disparition de son gendre, qu'il aimait bien, fiancé à son autre fille, Vivian... Il ne lui demande pas d'enquêter dessus, mais on n'expose pas innocemment des faits à un privé, non ?
Sauf que l'affaire initiale ne tarde pas à se compliquer : le maître chanteur se révèle s'adonner à un trafic de livres pornographiques, et est assassiné. Puis c'est le chauffeur des Sternwood qui est retrouvé mort dans le port (et d'après le médecin légiste ce n'est pas un accident, mais peut-être cela n'a-t-il rien à voir avec l'affaire qui nous concerne ?). D'autant qu'on – un certain Joe Brody – semble vouloir récupérer la lucrative affaire officieuse de Geiger, et qu'un gangster local, Eddie Mars, se présente comme le propriétaire de Geiger qui vient, tout simplement, récupérer son loyer. Mais dit-il la vérité ?
Bref, l'affaire se révèle bougrement plus alambiquée que prévu, jusqu'à perdre le lecteur dans ses méandres... Ce n'est donc pas un bouquin que je recommande à un n'importe qui. Une fois n'est pas coutume, le lecteur doit faire un petit effort pour s'immerger dans ce monde (peut-être pas autant que pour un PYNCHON) et mériter l'oeuvre. Mais une fois qu'on y est, ce n'est que pur délice ! Surtout si on a un petit faible pour les héros désabusés et cyniques, qui ont un sens inné de la répartie.
Une vague lueur de doute commençait à s'éveiller en elle. Elle l'ignorait encore. C'est très difficile à une femme, même une jolie femme, de se rendre compte que son corps n'est pas irrésistible.
Petit bémol, tout de même : j'ai été un peu déçu par la traduction de Boris VIAN (alors que c'était un de mes principaux critères de choix). Peut-être a-t-elle mal vieilli ? Allez savoir... mais la surabondance du verbe choir ou encore l'utilisation du passé simple plutôt que du passé composé, si elles contribuent à donner au livre un charme suranné, sonnent un peu faux. Ou peut-être le lecteur est-il un peu trop formaté par la norme contemporaine ?
Quant au grand sommeil, tout le monde a compris de quoi il s'agissait, inutile de revenir dessus...
Hasard du calendrier, j'apprends qu'un livre de nouvelles de Raymond CHANDLER vient d'être publié. Point de Philip Marlowe ici, mais des « nouvelles qui constituent ce work in progress : c’est la matrice d’une œuvre annoncée, et quelle ! ». A mettre en bonne position donc sur notre PAL.