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Piraterie au large de la Terre promise

Publié le 25 avril 2009 par Tanjaawi
Les Britanniques affectionnent l’opérette Les Pirates de Penzance, de William Schwenck Gilbert et Sir Arthur Seymour Sullivan. Ces pirates sont de joyeux coquins. On ne peut pas en dire autant des pirates de Somalie et encore moins des pirates du Levant, la marine israélienne.

Piraterie : pratique d’attaquer et de voler les navires en mer (Oxford dictionnaire anglais compact)

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Pirates sur les côtes somaliennes. (TimesOnline)
Un coup porté à la dignité dans l’intention manifeste de tuer

Une large publicité a été accordée à la piraterie dans les eaux somaliennes depuis que le capitaine du cargo américain Maersk Alabama, Richard Phillips, a été capturé. Avec l’arrivée d’un croiseur lance-missiles et d’un destroyer américains, tout était là pour fait monter la tension et le prestige nécessaires à la Confédération d’Hollywood. L’assassinat de trois jeunes Somaliens et la libération du capitaine fournissaient le sang et le triomphe à la Bannière étoilée entachée.

La piraterie dans le Golfe d’Aden et le long de la côte somalienne a commencé en 1995, en réaction aux rapaces de la pêche, pour la plupart des bateaux chinois, taiwanais et coréens. Le déversement de déchets toxiques par les nations européennes a accumulé plus de ressentiment (1). Les navires de pêche étrangers ont été les premières cibles, mais lorsque ceux-ci ont reçu une protection contre les seigneurs de la guerre locaux, les pirates somaliens se sont retournés contre les bateaux de commerce et de croisière. Avec au moins 20 000 navires à croiser dans ces eaux, ils avaient pleinement de quoi choisir. Depuis que les Seals US ont tiré sur les pirates, plus de soixante marins ont été pris en otage.

Pourquoi entend-on si peu parler de la piraterie au large des côtes de l’entité sioniste et de la bande de terre qu’elle contrôle appelée Gaza ? Contrairement aux jeunes pêcheurs musulmans de la nation somalienne, appauvrie et brisée, les sionistes exercent leur piraterie au nom d’une Force d’occupation israélienne, d’un pays qui dispose des plus grandes ressources, et d’un simulacre de système juridique établi. En fait, son droit maritime est celui de la marine britannique de 1856, un héritage du Mandat britannique.

Le mouvement Free Gaza a avancé la date de la mise à la mer du Dignity - son bateau à moteur de 50 tonneaux et 20 m de long - du 6 janvier 2009 au 29 décembre 2008, en réaction à la promesse en février 2008 du vice-ministre de la Défense Matan Vilnai, d’une « plus grande shoah » (holocauste) ; cette tuerie commençant le 27 décembre par le meurtre de plus de 200 personnes dans les quinze premières minutes de la guerre éclair.

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Les dégâts à bâbord du Dignity, éperonné par la canonnière israélienne.
(photo H. Bahsoun - Free Gaza)

Le capitaine britannique et son second grec ont pu partir dès que leurs 14 passagers les eurent rejoints à Larnaca. L’un d’eux était Cynthia McKinney. Cette ancienne membre du Congrès et très récente candidate aux présidentielles s’est décidée en 24 h pour venir des Etats-Unis. Il y a aussi deux chirurgiens [dont l’auteur - ndt] et un médecin palestinien. 3 tonnes et demi de fournitures médicales sont embarquées, dont la plus grande partie a été donnée par le gouvernement chypriote. Les agents des douanes et du fisc chypriotes ont inspecté le navire et sa cargaison. A 7 h, dans la nuit, le Dignity largue ses amarres et ses 2 moteurs Detroit de 840 CV le propulsent hardiment cap au sud, direction Gaza.

A 4 h 55, le 30 décembre, des projecteurs nous éclairent de l’arrière. Ce sont deux canonnières israéliennes. Elles se portent à notre hauteur, tournent en cercle autour de nous et restent près de nous. Ces bateaux peuvent filer à plus de 45 nœuds, disposant de dix tonnes de carburant et possédant tout un armement sophistiqué, notamment des missiles Hellfire. Des balles traçantes sont tirées vers le ciel, formant des ellipses, et des fusées éclairantes sont lancées. Vers 5h30, une canonnière fixe son projecteur sur le bâbord du Dignity. Soudain, il y a un énorme choc à l’avant et presque aussitôt, un autre choc à bâbord - où l’auteur se trouvait et a passé huit heures à vomir. L’avant se met à s’enfoncer, on dirait que le bateau va se briser. Il fait nuit, le vent est de force 4 à 5, et il y a des creux de 3 mètres. Le capitaine se met à crier « Nous avons été éperonnés ». On craint le naufrage. Il lance un signal de détresse Mayday, qui reste sans réponse. Cynthia McKinney et Caoimhe Butterly ne savent pas nager ; les gilets de sauvetages sont rapidement distribués à tous. La coque se met à prendre l’eau mais les pompes de cale fonctionnent. Les premiers mots du commandant de l’un des bateaux de guerre nous arrivent par radio. D’abord, il accuse les passagers et l’équipage du bateau de s’être compromis avec les terroristes et d’être des éléments subversifs. Alors arrive la menace de tirer. Le capitaine a l’interdiction de se rendre à Gaza et à El Arish, plus au sud, en Egypte. Il reçoit l’ordre de retourner à Larnaca - environ 160 miles, alors que le bateau vient d’être gravement endommagé et que les Israéliens ne savent pas où nous pourrions trouver suffisamment de carburant. Le capitaine fixe un cap, le bateau continue de bien tenir une mer qui s’est calmée. Un membre de l’équipage se met d’accord avec les autorités libanaises pour qu’on rejoigne un port sûr, Sour (Tyr), où une foule en liesse va envahir les quais.
Y a-t-il eu intention de tuer ?

Un navire de guerre surgit dans la nuit tous feux éteints pendant que le projecteur d’un autre navire balaye notre carène, nous prenant pour cible. Il nous approche à environ 30°, à bâbord du Dignity et à sa vitesse. L’intention de couler le Dignity et donc de noyer ses passagers était claire. Si la coque avait été en GRP (plastique renforcé de fibre de verre), elle aurait éclaté et le bateau aurait coulé comme une pierre et sombré à 53 miles nautiques d’Haïfa. Heureusement, la coque avait été construite en épaisses membrures de bois et tout le monde a été sauvé. L’entité sioniste ne supporte pas que quiconque puisse venir en aide à la population native, quelle que soit l’étendue de sa souffrance, et la soif de guerre devenait de plus en plus grande, de jour en jour.

Un navire libanais, le Tali, 1 500 tonneaux, avec dans sa cale de la nourriture, de l’aide médicale, du plasma, des jouets, des matelas, etc. appareille de Tripoli, destination finale Gaza, via Larnaca. L’entité exige le 5 février qu’il prenne la direction d’El Arish. Le capitaine garde son objectif et prend le cap de Gaza. Des coups de semonce sont tirés et le bateau est arraisonné par des soldats en arme. Il a été dit qu’ils avaient frappé certaines des vingt personnes qui étaient à bord. Le navire est contraint d’aller se mettre à quai à Ashdod, où on leur dit que les 1 000 unités de plasma ont été transférées à Gaza. L’entité devrait transférer le reste des aides plus tard. Les passagers et l’équipage du bateau sont rapatriés, sauf une Ecossaise décidée, Theresa McDermott. Elle fut emprisonnée discrètement à la prison de Ramleh. Et quand le consulat britannique en Israël est contacté pour qu’il aide à retrouver Theresa, son personnel refuse d’aider à localiser Theresa disant qu’il ne peut porter assistance à une citoyenne du Royaume-Uni, à moins que celle-ci ne le demande personnellement. Elle est libérée six jours plus tard, son « crime » ayat été probablement d’être membre d’ISM (International Solidarity Movement), comme Rachel Corrie avant elle [jeune américaine assassinée par les Israéliens le 16 mars 2003 à Rafah, bande de Gaza].

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Une Super Dvora Mark III, vaisseau patrouilleur israélien.
Ces comportements de l’entité sioniste sont bien fades à coté de la piraterie dont souffrent les pêcheurs de Gaza depuis que le déclanchement de la deuxième Intifada suite à la venue de Sharon au Mont du Temple, accompagné de dizaines de gardes frontière, en septembre 2000. Les désastreux Accords d’Oslo en 1993 n’ont pas « autorisé » les pêcheurs à aller au-delà de 20 miles nautiques ni vers le sud, le long du Sinaï. Au total, ils ont accès à 75 000 kilomètres carré de mer. Le nombre des agressions augmente (vidéo) contre les hommes et leurs bateaux ; maintenant les attaques viennent de la côte. Depuis 2000, 15 hommes ont été tués et plus de 200 ont été blessés. Les enfants qui souffrent souvent de malnutrition se trouvent ainsi privés de précieuses protéines de grande qualité. Selon certains, la découverte de plus de 30 millions de mètres cube de gaz naturel par BP au large de Gaza serait la raison principale pour boucler de force les pêcheurs. Certains à Gaza croient que le gaz arrive déjà en Israël, à Ashkelon.

Depuis mi-mars, 20 hommes et un bateau ont été enlevés par l’entité. Les marins ont été forcés de se dévêtir et de nager jusqu’au navire de guerre israélien. Ils ont été emmenés pour interrogatoire à Ashdod puis relâchés, mais certains bateaux ont été saisis. Tout cela est l’équivalent en mer des vols perpétrés dans la mal nommée « West Bank » [Cisjordanie, rive occidentale du Jourdain] et à Silwan [au sud de la vieille ville, à Jérusalem-Est], ainsi que de l’emprisonnement des milliers de Palestiniens dans les geôles israéliennes (quelquefois sans chef d’accusation) et des un million cinq cent mille Palestiniens du camp de concentration qu’est Gaza.

Les pirates somaliens ramassent environ 100 millions de dollars par an mais c’est très peu comparés à tous ces milliards brûlés par les banques des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Et aucun des otages n’a été tué par ses ravisseurs. La quatrième résolution du Conseil de sécurité sur la piraterie somalienne a été présentée en 2008 par Condoleeza Rice. « Le Conseil de sécurité des Nations-Unies a adopté à l’unanimité une résolution autorisant les Etats membres à combattre les pirates sur le territoire somalien par terre, mer et air. » Et le 18 décembre 2008, certains des onze navires de l’OTAN, 4 de l’organisation de coopération de Shanghai (OCS) et d’autres de 4 autres pays ont été déployés dans la région pour servir d’escorte et décourager les actes de piraterie.

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8 juin 1967, le USS Liberty vire pour tenter d’échapper à une torpille (israélienne).

Que font les Nations unies et toutes les nations occidentales contre la plus dangereuse des pirateries, celle de l’Etat israélien ? Ces nations se taisent et ne lèvent même pas le petit doigt pour dire qu’elles approuvent les actions meurtrières d’Israël contre les pêcheurs palestiniens et les ressortissants étrangers qui leur apportent leur aide. Ce n’est qu’une grotesque hypocrisie et la preuve que « la loi appartient au plus fort », pour le moment.

Le plus grand acte de piraterie de l’Etat israélien, entre toutes les attaques, est celui contre le navire de transmission USS Liberty, le 8 juin 1967. A coups de roquettes, de napalm et de torpilles, 34 membres de l’équipage ont été tués, plus de 170 blessés et le navire gravement endommagé. Celui-ci se trouvait dans les eaux internationales, au nord de la péninsule du Sinaï, à environ 25,5 miles nautiques au nord-ouest de la ville égyptienne d’El Arish. Il y a eu des enquêtes et de nombreux écrits. Les membres de l’équipage ont été réduits au silence.

Une commission indépendante a rendu ses conclusions au Congrès américain en octobre 2003. Alison Weir les a publiées sur CounterPunch mais les médias US les ont enterrées. Ces résultats sont les suivants :

  • l’attaque, par un allié des Etats-Unis, fut une « tentative délibérée de détruire un navire américain et de tuer tout son équipage » ;
  • l’allié a perpétré « des actes d’assassinats contre des militaires américains et un acte de guerre contre les Etats-Unis » ;
  • ’attaque a comporté le mitraillage des brancardiers et des radeaux de sauvetage ;
  • la «  Maison-Blanche a empêché délibérément la marine US à venir au secours du (navire), jamais auparavant dans l’histoire de la marine américaine, une mission de sauvetage avait été annulée quand un navire américain était attaqué » ;
  • les membres survivants de l’équipage ont été par la suite menacés de «  cour martiale, de prison ou pire » s’ils parlaient à qui que ce soit de ce qui leur était arrivé ; et ils furent « abandonnés par leur propre gouvernement » ;
  • c’est en raison de l’influence « des puissants amis de cet allié au sein des Etats-Unis que la Maison-Blanche a délibérément dissimulé les faits de cette attaque contre le peuple américain » ;
  • c’est à cause des pressions continues de ce lobby que cette agression est «  le seul incident naval grave qui n’a jamais fait l’objet d’enquêtes minutieuses par le Congrès » ;
  • «  ce fut une opération de camouflage officielle sans précédent dans l’histoire de la marine américaine » ;

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  • « la vérité sur l’attaque israélienne et l’opération de camouflage de la Maison-Blanche continue jusqu’à aujourd’hui d’être officiellement dissimulée au peuple américain et c’est une honte nationale » ;

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  • «  il y a danger pour la sécurité nationale chaque fois que nos élus sont prêts à subordonner les intérêts américains à ceux d’une nation étrangère », et cette politique « met en danger la sécurité des Américains et celle des Etats-Unis ».

Rien n’a changé. Chez les Bleu et Blanc, quand on chasse le naturel, il revient au galop.
1) - Infos BBC, Roger Middleton. « Cependant, les gens, abandonnés par le monde, qui apprennent que des déchets toxiques sont déversés sur leurs plages et que des étrangers volent leurs poissons, ont quelque mal à s’inquiéter quand des ressortissants de ce monde sont pris en otages. »

21 avril 2009 - Dissident Voice - traduction : JPP

David Halpin / Dissident Voice / 24 avril 2009 / Info-palestine


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