Du haut de mes échasses, l'horizon paraît plus clair...
"Les jeunes ne s'intéressent pas au patrimoine". "C'est un trip de vieux..." Entend-on. Est-ce si sûr ? Vu de ce blog, ce n'est pas la vision que j'ai de la situation, avec quelques preuves récentes à l'appui :
Intéresser des enfants à l'architecture religieuse peut sembler un défi imposible à relever. Et pourtant c'est bien ce que viennent de réussir des Finistériens qui n'ont rien de grenouilles de bénitier !
Par un un jeu de marelle le service d'animation du patrimoine et l'équipe du conservatoire de musique pour faire découvrir aux enfants de CM1 de l'école Yves-Le Manchec, à Quimper, l'architecture d'une église. Celle de Locmaria en l'occurence. Un jeu qui relie la terre au ciel pour appréhender une édifice qui obéit à la même fonction, quoi de plus intelligent et approprié ? Je reconnais voir été fortement séduit par cette démarche dont l'ojectif était de « laisser une trace impérissable dans la tête des enfants».
Le choix de la marelle parait effectivement très judicieux. d'abord parce qu'il est bien connu des enfants. ensuite parce qu'il est lui-même un digne élément de patrimoine. Venu de la lointaine Antiquité, il a traversé les âges, comme un '"temoins" que se transmettent les enfants dans un relai jamais interrompu. On dit que les Phéniciens et les Egyptiens y jouaient. L'occident chrétien l'a adopté, lui donnant, au Moyen âge, la forme que nous lui connaissons aujourd'hui : une croix de neuf cases conduisant le joueur de la terre au ciel. Et c'est là enfin, que le choix du jeu des Finistériens s'accorde parfaitement et symboliquement au lieu visité. La croix tracée au sol est composée de neuf cases. Neuf cases, évoquant les neuf sacrements jadis pratiqués : Baptême, Euchariste, Confirmation, Pénitence (Examen de conscience), Onction des malades, Ordination, Mariage, Pardon et Réconciliation. Neuf sacrements - fixés à sept par le Concile de trente (1545 – 1563) - qui permettent au chrétien de réaliser son passage de la terre au Ciel, ou au Paradis... J'arrête là ma disgession.
Le jeu, comme principe éducatif, n'est pas une nouveauté en soi. Durant les dernières vacances scolaires, de Pâques ou de printemps comme on voudra, on ne compte plus les musées et autres lieux du patrimoine historique à en user pour attirer chez eux les plus jeunes d'entre nous et leurs parents.
Quand le jeu ne fait plus recette chez les plus âgés, il reste la découverte des lieux proches qui, tous, ont une histoire à délivrer. C'est précisément ce qu'a compris M. Carrière, professeur d'Histoire et de Géographie dans un lycée de Figeac. Cet enseignant, dont je salue ici l'exemple, conduit pour la seconde année consécutive avec ses élèves un "atelier patrimoine". A ces adolescents, il propose partir à la recherche de l'histoire de leur établissement : le lycée Jeanne d'Arc. La mémoire vivante de l'établissement, l'origine des bâtiments sont ainsi peu à peu retracés. Un travail d'enquête et de restitution utile à tous ceux qui fréquentent, ont fréquenté ou fréquenteront les lieux. Un travail qui leur permet également de s'approprier un site et un univers qui, dans le meilleur des cas, ils laisseront leur "trace", durant trois années de leur jeune vie.
De telles initiatives seront-elles suffisantes pour démentir les propos du président de l'association pour la maintenance du patrimoine du Lunellois qui récemment déclarait « Les jeunes n'ont pas conscience de l'importance du patrimoine. C'est normal, j'étais pareil à leur âge ». pourtant depuis près de vingt ans cette association se démène " pour que les monuments historiques du Lunellois soient conservés et réhabilités " et que leur histoire "soit transmise aux nouvelles générations". Combien d'associations de sauvegarde, à son instar, font-elles ainsi oeuvre d'utilité publique, avec la conscience de n'avoir pas été "le maillon faible" de cette transmission ?
Doris et Fanny, étudiantes toulonnaises, montrent que l'intérêt n'attend pas toujours l'âge de la maturité et du désir de transmettre : « Lors d'une visite guidée de l'école des Trois-quartiers à Toulon, établissement classé historique, nous avons appris que son concepteur (1889), l'architecte Charles-Maurel (1), avait également construit l'école hyéroise Anatole-France (1879), anciennement Charles-Peguy, qui n'est pas classée. On a donc décidé de monter un dossier que nous allons déposer prochainement auprès de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) en vue d'obtenir cette inscription. »
Des cas isolés ? Non si l'on juge que chaque année, ils sont plus de 4500 jeunes bénévoles français et étrangers à participer aux chantiers de retauration que propose REMPART pour ne citer que ce mouvement. Rassurons-nous la pépinière est féconde !