Ma parole, ça faisait trop longtemps qu'on l'attendait !
Bretécher revient avec Agrippine nationale plus déconfite que jamais : ça promet.
Il était une fois une infâme grand-mère qui avait lâchement piqué les boots en tatou stressé trop à la mode que sa petite-fille voulait s'acheter... Franchement, se faire tirer les chouz de ses rêves par une vioque qui radote, il y'a de quoi avoir les nerfs. Mais de là à souhaiter la mort de ladite personne, surtout en présence d'un lien de parenté aussi fort, seul Agrippine en est capable.
Le scandale se répand à la vitesse de la lumière dans la famille, et se joint à la ronde une galerie de personnages complètement farfelue. Entre les parents qui divorcent pour être mieux ensembles, le petit frère qui traverse gaiement sa période travesti à coups de soutifs et de jupes et l'AGM (arrière-grand-mère !) qui tague inexorablement les murs de sa maison de retraite, y'a de quoi devenir dingue. Jean-Million, l'oncle fauché intermittent de la télé, vient mettre son grain de sel avec « un projet émotionnel à larmes dures, tout prêt, qui enverrait un maximum de pâté ». En fait, une tentative de télé réalité foireuse autour du décès de l'aïeul.
Mais au fait, est-ce qu'elle a vraiment cassé sa pipe la mamie ?
Roland Barthes avait érigé Claire Bretécher en « meilleure sociologue de l'année ». C'était en 1976. Combien d'auteurs son restés accrochés à leur petit univers, tirant sans cesse sur les ficelles d'un succès éteint ? La plus grande qualité de cette diva de la bulle est de vivre avec son temps, d'ouvrir ses yeux et son esprit au monde pour en tirer toute la saveur. Les petites habitudes parisiennes sont épinglées avec un sourire en coin, les bobos crucifiés à l'autel du snobisme faux modeste et le milieu de la télé terrassé à grand coup de cynisme hilarant.
La tentative d'homicide verbal d'Agrippine envers sa grand-mère est un beau prétexte pour dérouler des dialogues tordus et tordants. On se délecte de la belle harmonie de répliques cinglantes ponctuée par des « je m'en bats le point G de ces boots » et des « m'énerve celui-là avec son ego en chou-fleur turgescent ».
Après cinq ans d'absence, on s'enivre à nouveau du parfum de ses dessins et de son sens du verbe, tout en se remémorant les albums qui ont bercé notre jeunesse. En attendant son prochain album, vous pouvez patienter en vous replongeant dans la lecture de ses précédents opus. Entre les Frustrés, le docteur Ventouse et les frasques d'Agrippine le lecteur n'a que l'embarras du choix.
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Agrippine déconfite, par Claire Bretécher, publié chez Dargaud, 13,5 €.