« Le colonel Sassi, une haute et noble figure de notre génération de Soldats, c’est ce que furent nos aventures et nos drames ». Hélie de Saint Marc.
« Haute et noble figure », « notre génération de Soldats », « nos aventures et nous drames »… Quand une personne comme Hélie de Saint Marc, officier parachutiste de la Légion Etrangère et ancien résistant (ce qui lui valu, notamment, d’être déporté à Buchenwald), tient ce genre de propos concernant un colonel dont le nom n’évoque pas grand-chose aux béotiens de l’histoire militaire, la curiosité n’est que plus grande de connaître Jean Sassi.
Le livre témoignage du colonel Sassi, écrit avec Jean-Louis Tremblais (Editions Nimrod), est plus que l’histoire d’un soldat. C’est aussi l’histoire d’un pays. De « l’été de la honte », en 1940, à la Résistance, en Afrique du Nord, dans les Hautes-Alpes… Puis la guerre en Indochine, pour finir en Algérie…
La vie du colonel Sassi se confond aussi avec celles des plus prestigieuses troupes militaires. Ainsi, en 1943, lorsque le commandant Saint-Jacques, chargé par le Bureau central de renseignement et d’action de sélectionner des volontaires pour les commandos parachutistes qui devaient libérer la France au sein des forces spéciales interalliées, Sassi se porte volontaire. Le discours de Saint-Jacques est pourtant on ne peut plus clair : « nous ferons de vous des combattants d’élite. Vous serez les premiers à combattre sur le sol français, mais il vous faudra payer très cher cet honneur. 75 % d’entre vous périront sur les champs de bataille dans les semaines à venir. Ceux qui survivront n’auront aucun droit particulier, ni prime, ni décoration, ni avancement, ni gloire. Quant à ceux qui seront tués, ils ne seront dans l’anonymat, la solitude. Ils connaîtront la mort lente, infamante, dans la douleur, la torture, l’épouvante, et jamais personne ne saura ni où, ni quand, ni comment. Ils crèveront comme des chiens ! ». Quelques mois plus tard, Sassi devenait un prestigieux Jedburgh. Par la suite, il intégrait le 11ème Choc en 1949, à Perpignan, troupe d’élite qui servit d’exemple à la création du Psychologic Warfare Center de Fort Bragg, l’école des Bérets verts.
En 1950, Sassi était envoyé par le Service action diriger des maquis hmongs, alliés historiques de la France, au Laos indochinois. La structuration des réseaux de résistance, le harcèlement de l’ennemi vietminh, etc. Toute une stratégie que le Colonel Sassi a pu appliquer avec pertinence et efficacité et qui, dans le contexte actuel de la guerre en Afghanistan, redevient une référence. En face d’une guerre de guérilla, une stratégie militaire contre-insurrectionnelle doit être pensée et appliquée.
Sassi, entier, fort en gueule et « marié à l’armée » tentera même de sauver, avec ses 2000 Hmongs dans une opération commando, les troupes françaises encerclées dans la cuvette de Diên Biên Phu en mars 1954. Mais les atermoiements et l’impéritie du commandement fera échouer cette mission de la dernière chance. L’Etat-major, comme le dit Sassi, pensait trop à une guerre conventionnelle là où c’était une guérilla. Les Américains connaîtront le même échec.
Jean-Louis Tremblais résume bien les sentiments de Jean Sassi. Celui-ci a souhaité raconter ce qui a été sa vie, « celle d’un soldat qui fait son devoir pour la patrie, sans gloire mais dans l’honneur ». Et cela donne un livre poignant qui raconte simplement ce qui a été une aventure humaine exceptionnelle.