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Hadopi : le débat biaisé

Publié le 25 avril 2009 par Edgar @edgarpoe

Certains anti Hadopi m'agacent. Bien évidemment, la loi en préparation, malgré les coups de théatre de députés socialistes, est néfaste.

Mais les opposants ciblent surtout la coupure de l'accès à Internet, dont il s'agit maintenant de savoir si c'est une atteinte aux libertés personnelles. On peut en discuter.

Ce que les opposants ne soulignent pas assez, c'est qu'avant de déterminer que tel utilisateur télécharge, le fournisseur d'accès devra avoir contrôlé les sites qu'il visite et les adresses auxquelles il se connecte. Un mécanisme fort complexe de contrôle des connexions va devoir se mettre en place, qui signalera automatiquement au fournisseur les connexions aux sites déclarés nuisibles (aujourd'hui, le fournisseur se contente d'enregistrer passivement les connexions, et ne les regarde qu'à la demande d'une autorité judiciaire). 

Là réside le véritable scandale de la loi Hadopi.

Je reviens là-dessus, non pas pour faire le ronchon (à la Philip Muray comme m'écrivait Boulgakov en commentaire), mais parce que je lis quelques lignes de Libération fort intéressantes :

"le facteur n'ouvre pas mes lettres et la compagnie de téléphone n'écoute pas mes conversations. Et pourtant, l'usage qui est fait d'Internet va souvent plus profondément que cela dans l'intimité. [...] Je veux être sûr que lorsque je clique sur un lien, cela restera entre moi et le site et que le fournisseur d'accès ne va pas immédiatement me cataloguer pour un usage publicitaire ou gouvernemental."

C'est de Tim Berners-lee, l'un des créateurs d'Internet.

Avec Hadopi, on va demander aux fournisseurs d'accès de contrôler les connexions des usagers, pour vérifier qu'ils ne vont pas sur des sites de téléchargement de musique ou de films (avec toutes les incertitudes techniques sur la chose).

Demain, on leur demandera de dénoncer les pédophiles, selon une recette inusable, puis ceux qui se connectent sur des sites terroristes. Les Julien Coupat de demain seront arrêtés grâce à Hadopi.

Pourquoi s'énerver contre les anti-hadopi qui n'ont peut-être pas envie de souligner ce point et mettent en avant un inconvénient plus palpable, l'arrêt de la connexion internet ?

D'abord parce que tant qu'à mobiliser les gens, autant les mobiliser en connaissance de cause.

Ensuite parce que, par exemple dans le manifeste des pseudo-pirates du web, ils en appellent d'une part à l'Union européenne et au droit de pétition bidon du Traité de Lisbonne pour rétablir les libertés,mélangeant des sujets qui n'ont rien à voir, et d'autre part ils semblent accepter un contrôle des connexions par les fournisseurs d'accès, à la condition que l'autorité judiciaire prenne la décision de sanction ("Le Ministère de l'Interieur envisage d'imposer aux fournisseurs d'accés une obligation de filtrage pour les contenus pédopornographiques. Cette obligation pourra ensuite être étendu [sic] à d'autres types de contenus présumés illicites, sans que l'ordre judiciaire n'intervienne dans l'établissement des listes de filtrage."  Ecrire ceci, c'est accepter le principe de listes de filtrage, et faire un grand plaisir à Nicolas Sarkozy).

Bref, les pseudos-pirates consentent par avance à un abandon de nos libertés.

Suis-je angélique ? Non. J'accepterais que les communications Internet d'un suspect de terrorisme ou de pédophilie à grande échelle fussent écoutées, après décision judiciaire. Mais ceci selon un principe d'exception et dans des cas motivés. Avec le filtrage auquel nos pirates domestiqués (des corsaires plutôt) consentent par avance, le filtrage sera le principe, et la liberté l'exception. 


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