Le soleil a éclairé sa face réelle, la laissant nue au devant de tous.

Par Celinouchka
Le coeur vide et l'esprit trop plein, ou serait-ce le contraire ?
Liszt a résonné, subitement, au réveil, puis plus tard, vers midi, avec le soleil bien haut, bien chaud, prenant la place des mots de Serge Reggiani, de Boris Vian, d'Arthur Rimbaud. Des mots chantés, des mots dansés, des mots de rébellion, de confrontation.
Des mots profonds, comme ceux que j'ai omis, oublié de dire.
Des mots qui font réfléchir (la différence entre le rêve et l'utopie), qui font pleurer, qui font rire comme le chant des enfants ce matin, leur voix égrennant les mots de Georges Brassens et des Choristes.
Des mots qui résonnent dans ce nouveau bâtiment, au son de notes, de leur nom. Ces noms mal épelés, mal répétés.
Quinte, sixte, le mélange, les rires, les temps à côtés, et puis la réalité: moins de deux mois.
Deux mois, si peu, si grand, si vaste, si profond.
Si vain ?
Deux mois.
Et puis, les notes de piano sortant de la salle, passer le pas de la porte, quitter ce corridor jaune-vert fluo, qui fait mal aux yeux, qui brûle, ces yeux qui retiennent leurs larmes en repensant à l'autre, l'autre bâtiment.
Usine.
Les sourires échangés avec le pianiste qui quitte la salle à la recherche d'un autre lieu pour travailler, mon regard désolé.
Il aurait dû rester.
Regarder, regarder, observer. Dehors se présentent les voies de train, envie d'évasion, de partir. Les mots du professeur résonnent, le Transsibérien, il avait si raison, Cendrars, si raison.
Les notes qui sortent avec peine, les études techniques, mes doigts ont perdu de leur vivacité, par ma faute, par un manque de motivation qui me tue.
Une heure.
Le souffle trop court, deux pièces massacrées à coups de couteau, siffle, siffle, instrument, cesse !
Une heure et demie.
Le regard sur la montre, l'attente du professeur, toujours pas là. J'ouvre un livre, jette les yeux dans l'histoire de ces hommes, de ces époques, de cette langue qui m'échappe tant et plus.
Deux heures.
La porte s'ouvre lentement, la leçon peut commencer.
Jouer avec la résonnance du piano, voir mes notes se prolonger, inlassablement, dans ce corps si vaste, si puissant, au lieu de s'épuiser.
Massacrer, couper, casser, qu'a fait la musique pour mériter cela ?
Un mois, le temps qu'il me reste, le couperet tombera à ce moment là. Je ne veux pas, j'ai peur. Fautive.
Je n'ai pas compris, je n'ai jamais compris, et elle partira, et je n'aurai toujours pas compris, pas saisi.
Et ces mots, toujours présents, qui m'échappent à présent, qui ne veulent plus de moi.
J'ai grandi, j'ai vieilli, où est donc ma place, à présent ?