Juan Carlos Hidalgo - Le 24 avril 2009. De nombreux commentateurs ont pu railler le Président Obama pour son attitude envers les dirigeants latino-américains au Sommet des Amériques à Trinidad : manque de substance, refus de répondre aux américains sceptiques, apparition amicale avec le tempétueux Hugo Chavez. Il faut d’abord noter une chose à propose du Sommet des Amériques : aujourd’hui il tient plus du théâtre que des politiques de fond. Le but des dirigeants de gauche au sommet était de bousculer M. Obama. Mais ce dernier a agi de la bonne manière et a fait en réalité du beau boulot en éludant la rhétorique belliciste et en refusant d’être attiré sur un terrain conflictuel. Sa performance est en réalité un plus à long terme pour la politique extérieure américaine.
Les conservateurs qui ont critiqué le président oublient que les bolivariens cherchent précisément la confrontation. L’anti-américanisme est une composante essentielle du populisme latino-américain : faire porter le chapeau aux Etats-Unis pour tous les problèmes de l’Amérique Latine est devenu depuis de nombreuses années un passe-temps pour la gauche de la région. C’est même le thème central du livre que Chavez a offert à M. Obama : Les veines ouvertes de l’Amérique latine. Attiser le sentiment anti-américain sert d’écran de fumée pour ces dirigeants, pour cacher leur propre corruption, leur mauvaise gestion et leur abus du pouvoir.
Durant les huit dernières années Chavez et ses acolytes pouvaient facilement concentrer leur anti-américanisme sur la personne de George W. Bush. Maintenant qu’il est parti, et qu’un nouveau président américain très populaire est aux commandes, il est leur est plus difficile de trouver un bouc émissaire. Voilà sans doute pourquoi des semaines avant le sommet Chavez a appelé M. Obama ignoramus et que Morales a même accusé les Etats-Unis la semaine dernière de financer une tentative d’assassinat contre lui. Mais le tango se danse à deux, et M. Obama a correctement évité une querelle publique avec les populistes. Ce n’était pas un signe de faiblesse mais une marque de diplomatie intelligente.
Il est clair désormais que le Sommet des Amériques n’est pas l’endroit approprié pour les Etats-Unis pour lancer une initiative de politique extérieure en direction de l’Amérique Latine. Depuis la mort de la zone de libre échange des Amériques au sommet de Mar del Plata en 2005, ce forum a perdu toute utilité collective. A la place de cela il a été détourné par les dirigeants populistes tels que Chavez, Ortega et Morales pour s’époumoner contre « l’impérialisme américain » et « l’interventionnisme yankee » en Amérique latine. Ce coup-ci, l’escouade bolivarienne avait annoncé qu’elle mènerait « l’artillerie » pour attaquer M.Obama sur l’embargo américain contre Cuba. Or, en levant les restrictions de voyages et de transferts d’argent pour les américains cubains et en annonçant sa volonté de renouer le dialogue avec l’île, M. Obama a coupé l’herbe sous les pieds des populistes qui voulaient sans doute faire du sommet un champ de mines de rancœur contre la politique américaine envers Cuba.
Cependant l’administration Obama devrait compléter sa bonne stratégie en termes de relations publiques avec une politique saine envers l’Amérique latine. Tout en évitant les conflits avec ces dirigeants qui cherchent la bagarre avec les USA, M. Obama devrait tendre la main aux pays qui veulent faire des affaires avec les USA. Le Président américain a pu se rendre compte lui-même que les « amitiés » dans la région ne devaient pas être tenus pour acquises. C’est la raison pour laquelle il devrait faire pression pour l’approbation de deux accords de libre échange en attente, avec la Colombie et le Panama.
M. Obama devrait aussi faire pression en faveur d’une réforme complète de l’immigration qui permettrait aux sans-papiers étrangers de légaliser leur statut aux USA, ainsi que de donner assez de visas aux travailleurs étrangers temporaires. Cela pourrait renforcer les signes de bonne volonté qu’il a reçus jusqu’ici de la part de nombreux hispaniques, en particulier au Mexique et en Amérique centrale.
Enfin, M. Obama devrait être encore plus audacieux à l’égard de Cuba. Tout en condamnant les violations des droits de l’homme et le manque de liberté économique et politique dans l’île, et tout en demandant aux autres pays de faire de même, il devrait se diriger vers une levée totale de l’embargo et des interdictions de voyage. Cela ne laisserait plus aucune chance au régime castriste de tenir les USA responsables de l’état calamiteux de l’économie cubaine, et cela permettrait de couper l’herbe sous les pieds de ceux en Amérique latine qui préfèrent critiquer les USA plutôt que la répression cubaine.
Le voyage diplomatique de M. Obama à Trinidad et Tobago doit donc être applaudi. Mais le président américain devra désormais aussi mettre en place des politiques bénéficiant à toutes les parties.
Juan Carlos Hidalgo est analyste au Cato Institute.