Alors que nous avons appris hier que le film de Jan Kounen « Coco Chanel et Igor Stravinsky » clôturerait le 62ème Festival de Cannes, c’est aussi à Chanel que s’intéresse le film d’Anne Fontaine, ou plutôt à Coco, l’enfant placée dans un orphelinat avec sa sœur Adrienne (Marie Gillain), puis à la chanteuse sans voix et sans voie qui s’époumone et cherche un bon parti dans un bar interlope où se mêle une foule bigarrée et où elle rencontrera Etienne Balsan (Benoît Poelvorde), puis à la couturière dans l’arrière-boutique d’un tailleur de province, puis à l’anticonformiste, déjà, dans le château de Balsan…
La bonne idée est d’avoir choisi un moment précis et déterminant de sa vie, nous épargnant le classique biopic avec maquillage outrancier et ridicule de rigueur, et d’avoir choisi cette période qui éclaire sa personnalité, son parcours, toute une époque aussi, celle où les femmes étaient encore corsetées et avides de liberté(s)...
A la fois fière et arriviste, forte et fragile, émouvante et agaçante, frondeuse et menteuse, svelte et cassante, androgyne et symbole de féminité, comme son titre l’indique, le grand intérêt du film est de nous faire découvrir Coco avant qu’elle devienne Melle Chanel, avant qu’elle se fasse un nom, son obsession : qu’on se batte pour dîner à sa table, elle que Balsan faisait, dans un premier temps, dîner dans l’arrière-cuisine avec les domestiques. Elle s’humanise en tombant amoureuse de Boy Capel ( Alessandro Nivola, assez transparent pourtant) mais elle y perd aussi de son mordant, et le film avec elle...
Audrey Tautou prête ses traits androgynes, sa fragilité apparente, sa détermination inébranlable, son allure et son élégance à ce fabuleux destin et moi qui dois avouer avoir souvent (mal) jugé son jeu assez limité, j’ai été totalement embarquée par son personnage, oubliant Audrey Tautou pour ne plus voir que Coco, fière et rebelle, éprise de liberté et terriblement vivante.
Si la mise en scène reflète l’élégance de son personnage principal, dommage que Coco ne lui ait pas aussi insufflé sa liberté, son anticonformisme et sa modernité. Anne Fontaine nous avait habitués à des mises en scène fiévreuses, voire charnelles, mettant habilement en lumière passions destructrices et dévastatrices, d’où probablement ma déception devant cette réalisation académique même si, l’espace d’un instant, une caméra qui glisse avec sensualité sur les étoffes et caresse amoureusement le noir et blanc, nous rappelle la langueur envoûtante dont son cinéma sait faire preuve.
Le scénario qui a l’élégante simplicité de son personnage principal a été coécrit par Anne Fontaine avec Camille Fontaine et Christopher Hampton (notamment scénariste de « Chéri » et des « Liaisons dangereuses », mais, côté scénario, on lorgne ici malheureusement davantage du côté du premier) et la musique a été composée par le très demandé Alexandre Desplat (notamment nommé aux Oscars pour la musique de « L’Etrange histoire de Benjamin Button » de David Fincher) apportant au film la touche de lyrisme qui lui fait défaut.
Quant à Benoît Poelvoorde dont Anne Fontaine avait déjà révélé une autre facette dans l’excellent « Entre ses mains », il excelle à nouveau parvenant à être tour à tour odieux, touchant, désinvolte, pathétique et Emmanuelle Devos en courtisane est assez réjouissante.
Reste ce plan final où Coco devenue Chanel regarde son passé défiler en même temps que ses mannequins, un regard dans lequel se reflète une jubilation mélancolique, le regard d’une actrice qui a intelligemment su se départir du mimétisme pour incarner un personnage, faire oublier l’original tout en lui rendant hommage, et dont la forte personnalité laisse une empreinte dans son sillage, le film s’effaçant devant celle-ci, devant Chanel et celle qui l’incarne admirablement. Rien que pour cela, ce parfum entêtant d'une forte personnalité, ce film vous est recommandé par Inthemoodforcinema.com.
A suivre demain : les autres films sur Chanel … un sujet à la mode.