On apprend par Le Monde que le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, appelle les avocats à plaider la nullité des procédures en raison de l’état de l’insalubrité du dépôt et de la “souricière” du palais de justice, après une visite au dépôt de Paris, qui donne lieu à un rapport accablant:
“Il sera communiqué aux responsables de toutes les juridictions de Paris, au garde des sceaux, au premier ministre, au président de la République , aux parlementaires, au haut commissariat des droits de l’homme auprès de l’ONU. Personne ne pourra demain dire : « je ne savais pas ! ».
Il nous appartient, à nous, avocats, de plaider la nullité des procédures et de mettre les juridictions en face de leur responsabilité : nul ne devrait juger ni condamner une personne humaine qui a passé jusqu’à vingt-trois heures (au lieu du délai légal maximum de vingt heures) dans une cellule de trois mètres carrés, avec deux autres personnes, sur un banc en bois, qui n’a disposé ni d’eau courante, ni de lavabo, ni de W.C. isolé, qui a été soumise à des fouilles à répétition, le tout dans un local dont la saleté et la puanteur sont repoussantes. Le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, Monsieur Jean-Marie Delarue, a souligné avec courage cette situation misérable. La nullité de la procédure devrait être prononcée.” (Christian Charrière-Bournazel, “ La Conférence , la souricière et le dépôt” , Editorial du Bulletin n°14 du 24 avril 2009.)
La souricière, sous contrôle de l’administration pénitentiaire, est une zone d’attente des détenus écroués qui sont extraits des diverses maisons d’arrêt en vue de leur comparution devant une juridiction de jugement, de leur audition par un magistrat instructeur ou de toute audience devant la chambre de l’instruction ou le juge des libertés et de la détention. Elle est composée de 60 cellules côté hommes et 16 côté femmes.
Le dépôt du palais de Justice de Paris est placé sous le contrôle de la Préfecture de police de Paris.
Se trouvent au dépôt les personnes déférées à l’issue de leur garde à vue. Entre 60 et 90 personnes transitent ainsi en moyenne par jour par ce lieu côté hommes, une dizaine côté femmes.
Ce rapport a été remis le 21 avril 2009 par les Secrétaires de la Conférence au Conseil de l’Ordre un rapport sur la visite au dépôt et à la souricière du palais de justice de Paris qu’ils ont effectuée le 26 février 2009
Il est disponible sur le blog de la conférence de stage .
ou là en PDF sur le site de l’Ordre
Sur la base de leurs propres constatations, le 16 avril dernier [voir la dépêche AFP sur le blog de la conférence], les Secrétaires de la Conférence ont dénoncé devant la chambre 23-1 du tribunal correctionnel de Paris l’insalubrité du dépôt et la violation de l’article 803-3 alin.1er du CPP qui prévoit qu’à l’issue de la garde à vue la personne qui comparaît devant le tribunal doit être retenue dans des locaux spécialement aménagés (article 803-3 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale).
Le tribunal a rejeté cette première demande.
Fin 2008, le tribunal de Créteil avait fait libérer des détenus en raison de l’insalubrité des locaux du dépôt du palais de justice (Au tribunal de Créteil, le dépôt de la honte, LE MONDE | 18.11.08; Comparutions immédiates annulées pour insalubrité du dépôt du tribunal, NOUVELOBS.COM | 21.11.2008).
La Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS) a déjà rendu plusieurs recommandations sur le dépôt de la préfecture de Police de Paris mais il semble que ces recommandations ne soient pas encore disponibles sur son site dans la mesure où les ministères concernés n’auraient pas encore communiqués leurs réponses (en tout cas pas trouvées sur cette page dont l’indexation est absolument affligeante: http://www.cnds.fr/pages/actualites.htm ).
Rappelons un autre précédent : en 1994, suite à la visite du dépôt de la préfecture de Police de Paris réservé aux hommes étrangers (qui est un local de rétention administrative) par le Comité de prévention de la torture, des avocats du Gisti avaient assigné l’agent judiciaire du trésor dans l’affaire Dulangi et Gisti (TC 24 avril 1994, n°02920) sur les conditions insalubres du dépôt de la préfecture de Police de Paris en 1994 (v. la vidéo sur le site de l’INA avec i tunes).
Même si le tribunal des conflits n’avait pas retenu la voie de fait, cette action avait abouti à une première fermeture du dépôt masculin de la préfecture de Paris et a une rénovation.
On se rappelle que dix ans après le commissaire européen aux droits de l’homme, Alvaro Gil-Robles, avait déclaré lors d’une campagne de visite en 2005 à propos du dépôt de la préfecture de Police de Paris :
«Sauf en Moldavie, je n’ai vu de prison pire que ça»
Le dépôt des hommes étrangers avait de nouveau été fermé. Celui des femmes reste géré par des nones. Néanmoins, depuis l’incendie du centre de rétention de Vincennes, il reçoit également des hommes.
Les mêmes difficultés se posent pour le dépôt du Palais de Justice et la souricière.
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- Christian Charrière-Bournazel, “ La Conférence , la souricière et le dépôt” , Editorial du Bulletin n°14 du 24 avril 2009.
- “De jeunes avocats dénoncent l’insalubrité du Dépôt du TGI de Paris”, AFP, 17 avril 2009.
- “Le bâtonnier de Paris dénonce l’état du dépôt du palais de justice“, LE MONDE | 24.04.09
- “Rapport Hammaberg sur les politiques carcérale et d’immigration en France (visite 21-23 mai 2008)” , CPDH, 20 novembre 2008.
- “Le contrôleur des lieux privatifs de liberté rend un rapport sévère après six mois d’exercice”, AP | 08.04.2009.
- “Le Contrôleur des prisons veut la fin des conditions indignes du dépôt de Bobigny “, APF, 14 avril 2009