Certes, non. Mais notre rapport à la musique, oui.
Il n'y a pas si longtemps, chacun constituait sa discothèque avec force vinyles. Ces derniers étaient de véritables objets, on se laissait séduire par leurs pochettes, chez soi, ils remplissaient des étagères entières et on se plaisait à choisir l'album ou le morceau suivant en faisant courir ses doigts sur la tranche supérieur de ces galettes noires [front row n'est jamais que la version numérique de ce geste bien connu des mélomanes avertis !]. Chez les disquaires, les plus branchés vous autorisaient à écouter quelques précieuses secondes de votre future acquisition. Amazon s'est chargée la première de diffuser ces extraits.
Une fois rentré chez soi, l'écoute de la musique avait des airs de cérémonial : sortir la fragile galette de sa pochette, l'épousseter parfois (un rapide souffle sur toute sa surface, je vous rassure), s'assurer que le saphir était suffisamment propre pour daigner se poser sur le bel objet, et puis l'écoute... On se laissait envahir par la musique, laissant même tomber toute autre activité pour s'y consacrer exclusivement. La musique remplissait notre intérieur, chez chacun différemment du fait des équipements audio mais aussi de la position des enceintes ou de la configuration de la pièce.
Certes Apple n'est pas non plus l'inventeur de la musique à emporter, laissons à Sony, Philips et consorts la paternité de cette invention. Mais elle a contribué à nous en donner toujours plus en capacité, en miniaturisation en expérience. La musique devenue transportable suit - et accompagne - maintenant chacun de vos faits et gestes. Le cérémonial n'est plus : c'est où l'on veut, quand on veut.
C'est à un point tel que certaines sommités s'inquiètent de la possible nocivité de l'omniprésence de ces sons au creux de nos oreilles.
Et la musique que l'on se plaisait à partager devient individuelle, personnelle. Nul doute que votre playlist contient quelques prototypes qui évoquent chez vous quelque chose mais que vous ne partageriez pour rien au monde : les autres ne comprendraient pas !
"Dis-moi ce que tu écoutes, je te dirai qui tu es".
Aujourd'hui le vol de votre précieux iPod est assimilé à "un viol", un plongeon au coeur de votre intimité.
Le mélomane d'aujourd'hui est même capable d'écouter de la musique pour s'isoler du monde extérieur, des autres, du bruit ambiant. Un comble ! La musique pour masquer le bruit !
Alors c'est avec beaucoup de raccourcis que je concluerai qu'avec les derniers iPod Touch et iTunes Wi-fi, c'est la musique qui vient à vous : il y a un disquaire pourvu qu'il y ait un réseau (wi-fi j'entends !).
Apple est tout de même parvenue à modifier quelque peu nos habitudes et mon petit doigt me dit que nous n'en sommes qu'aux prémices.
Pour une prochaine fois, faites-moi aussi penser à vous donner mon point de vue sur la musique numérique. Bonne lecture !