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Toyotartagueule à la rentrée

Publié le 24 avril 2009 par H16

Je profite de ce billet pour relayer un document rare : la lettre d'un patron au comité de grève qui agit dans son usine. Et je dois dire, ça claque.

Et pour l'aspect "rare", je maintiens. Et à plus d'un titre, même, parce qu'en France, les éléments de discussion entre les grévistes et le patronat sont soigneusement gardés sous silence : on ne sait rien des tractations en coulisses, des compromis et autres ententes plus ou moins délicates qui permettent d'aboutir à un texte d'accord entre le propriétaire de l'entreprise et ceux des salariés qui y font grève.
C'est même une caractéristique essentielle du "dialogue social" en France : avec l'usage systématique de la force, de l'intimidation et des gros bras velus, le secret joue un rôle prépondérant dans les négociations syndicales puisqu'il permet aux nervis des syndicats collectivistes de continuer à toucher les pots-de-vins d'un patronat trop content de compromettre plutôt que la jouer cartes sur table. Il est d'ailleurs assez étonnant que le dindon de la farce, le salarié, ne s'émeuve jamais de cet aspect secret. Mais, tout comme le contribuable, le salarié est l'entité la moins représentée en France (on ne se demandera plus, ensuite, pourquoi la démocrassie s'y porte si bien).

Toyotartagueule à la rentrée

Ceci n'est pas une grève
Mais pour en revenir à la lettre, elle est aussi rare dans son contenu. Les patrons français ont depuis longtemps perdu la bataille du droit et le savent ; comme tout propriétaire en France, le patron est un être qui sera, par défaut, soit jalousé, soit conspué. Dès lors, s'engager fermement, par écrit, sur des sanctions, avec une ligne claire et des motivations parfaitement dénuées de toute ambigüité chafouine et vasouillarde permettant toute latitude de négociation, c'est du Plus Vu Depuis 100 Ans. En somme, assumer franchement le statut de propriétaire de son entreprise, c'est à ce point tabou, en France, que la lettre qui suit y est vue comme ... scandaleuse.
La lettre, ci-dessous, est donc celle d'un Japonais, M. Nonaka, vice président de TMMF, représentant Toyota en France.
Toyotartagueule à la rentrée

Toyotartagueule à la rentrée

Toyotartagueule à la rentrée

Le Jap attaque
Eh oui, au moins, on ne peut pas lui reprocher la moindre langue de bois. Ok, ce n'est pas du H16 ;) mais je dois avouer avoir pris pas mal de plaisir à lire la prose claquante de ce nippon effervescent. Et évidemment, dans la presse française, les quelques articles qu'on peut trouver sont - on s'en doute - horrifiés qu'un patron puisse parler ainsi à ses employés grévistes.
Pensez donc !
Les jours de grèves ne seront pas payés ! Arghl. Mais c'est horrible ça môssieur de dire que quand on ne bosse pas, on n'est pas payé ! Ca ne se fait plus, voyons, en Fraônce, des choses comme ça. Tout le monde sait qu'un jour de grève, c'est une journée passée à griller des merguez pour défendre le travail et le salaire de ceux qui ne peuvent pas faire grève et qu'à ce titre, et par solidarité, la grève doit être payée !
La grève profite d'abord aux leaders syndicaux ! Mais enfin M. Nonaka, vous n'vous rîndez pas compte ! Si on commence à dire tout haut ce qui se trame en coulisse, on ne va jamais s'en sortir ! Si vous voulez graisser la patte des mafieux, il ne faut pas les mettre sous les feux des projecteurs, enfin. Tout le monde sait que les cafards ont peur de la lumière !
Envahir les plateaux et perturber les salariés non-grévistes ne sera plus toléré ! Saperlipopette, M. Nonaka, vous allez trop loin ! Vous devriez savoir qu'en France, la liberté de faire grève est toujours strictement supérieure à la liberté de travailler ! Vous devriez savoir, M. Nonaka, qu'intimider des non-grévistes, saccager des préfectures, séquestrer des patrons, tout ça, c'est la panoplie normale, quasi-règlementaire, d'une bonne petite grève des familles, version Bon Enfant, enfin !
Si l'on ajoute l'affichage au grand jour des visées électorales des leaders syndicaux pour les Européennes, on se dit, M. Nonaka, que vraiment, vous n'avez rien compris à la corruption politique telle qu'elle est pratiquée en Fraônce.
C'est pourtant simple. Et comme vous êtes Japonais, je vais vous expliquer comment on fait une bonne grève, en Fraônce.
Une grève normale, dans ce merveilleux pays où l'état emploie près d'une personne sur 4, consiste dans un premier temps à ce qu'une petite poignée des salariés empêchent complètement les autres salariés de travailler. Dans un second temps, la grève consiste à séquestrer le patron, ou à défaut, les cadres les plus dodus qui passent par là. Dans un troisième temps (et pas avant), à poser des conditions de négociation, qui seront découpées en deux volets.
Le premier volet, officiel, consistera à demander des augmentations, ou des packages de licenciement très au-delà de ce qui est prévu contractuellement (un contrat, c'est pour les honnêtes gens, voyons), voire l'abandon complet de ces licenciements ou, si l'enjeu est suffisamment médiatisé, à demander l'intervention des pouvoirs publics (avec venue d'un ministre pour une PME assez importante ou même de Sarkozy pour une grosse entreprise) pour éviter la faillite pure et simple.
Eh oui, mon cher M. Nonaka : on est comme ça en Fraônce. Une boîte qui carafe, ce n'est pas une fatalité : vous séquestrez le patron et la conjoncture économique repart ou, à défaut, l'Etat crache au bassinet. Fastoche.
Le second volet des négociations, purement officieux, consistera à négocier de juteux dessous-de-table pour que le conflit ne s'enlise pas. Je sais que vous doutez, M. Nonaka ; contentez-vous de googler "scandale UIMM".
Et bien évidemment, si la presse doit intervenir, faites livrer des pizzas au lieu de mails incendiaires.
Vous voyez, la grève en Fraônce, c'est tout sur du velours. Oui. Je sais. Vu du Japon, la culture fraônçaise semble bien compliquée à saisir.
Mais une fois qu'on a compris que le pays est aux mains de profiteurs et de cancrelats, qu'ils soient élus ou syndiqués, on saisit mieux pourquoi tout l'édifice ne fonctionne qu'avec ... l'argent des autres.
Que me dites-vous, M. Nonaka ?
En France, Toyota est foutu ?


Source initiale de la lettre
NouvelObs


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