Histoire chronologique
Bien que les premiers écrits mentionnant la chasserie (eh, pourquoi pas?) royale datent de 1319 (Jean de Luxembourg y organisait des joutes équestres), elle aurait été crée dans les années 60 du XIII ème siècle par le roi "Přemysl Otakar II" qui en avait marre du centre ville.
Místodržitelský letohrádek
Ce pavillon d'été au nom totalement imprononçable pour un francophone, est aujourd'hui inaccessible et non visitable (enfin presque). J'y suis allé récemment, me disant que quand même, que c'est pas possible crénom di diou qu'il ne soit pas visitable, eh bien si, figurez-vous que si, le truc est fermé. Enfin je vous ai quand même pris des photos du dehors. Il s'agit du pavillon dit "du gouverneur" ("Místodržitel" = place-tenancier, "Místodržitelský" = de celui qui tient la place = gouverneur), et qui remonte à... on ne sait même pas. L'on pense (mais sans certitude) que déjà au XIII ème siècle, il y avait à cet emplacement un castelet qui permettait aux rois de se reposer après la chasse, et boire un coup tranquillement au chaud. Sous W, le castelet prit une apparence gothique (tardif, vers 1500), mais personne n'est fiche de dire s'il s'agissait d'une construction nouvelle, ou d'une reconstruction d'un édifice déjà existant. Sous l'excentrique Rudolf II, l'on transforma l'édifice en castelet panoramique renaissance
Une première
Eh ouais, et ça vous ne le savez sans doute pas, mais si oui, passez à la suite. Dans l'après-midi du 31 octobre 1790, une importante foule de curieux commençait à s'entasser épais au bas du jardin de l'Arbrerie, attirés (les curieux) là par le bouche-à-oreille qui circulait en ville. Sur l'herbe s'étendait une sorte de long préservatif multicolore. De solides gaillards attisaient vigoureusement un feu sur une sorte de barbecue à 1m de distance de l'extrémité du présa, et l'on pouvait voir à côté d'eux, un panier insolite dans lequel l'on aurait pu mettre un boeuf (à défaut ma belle-mère). Les témoins se demandaient mais qu'est-ce qu'on allait bien cuire, pourquoi ce panier, quid du préservatif, enfin les rumeurs les plus loufoques allaient grand train. Pis soudain, à l'aide d'un énorme soufflet, certains des solides gaillards poussaient l'air chaud dans le préservatif de 2700 m³ maintenu ouvert par d'autres solides gaillards. Doucement, le préservatif se gonflait, prenait une forme de poire renversée, tandis qu'une bonne vingtaine d'autres solides gaillards maintenait le diabolique objet de 340 kg au sol par des cordes. La curiosité et l'excitation des spectateurs étaient à leur comble, lorsque vers 17h, 2 hommes prirent place dans le panier ficelé au préservatif.
Et tiens, mieux que ça, parce que le Jean-Pierre Blanchard remit le couvert un an plus tard pour le couronnement du Léopold II, en 1791, sous la pression de sa première femme. "Va y avoir plein de beau monde, on va se faire un pognon monstrueux, Blanchard, faut absolument que tu y ailles" avait-elle insisté. Et Jean-Pierre y alla, pas le choix. La ville grouillait de monde, d'une foule compacte et téroclite de tous les pays d'Europe et du monde (lecture: F. L. Věk, Alois Jirásek). Le malicieux gaillard commença par exposer son engin en l'église St Nicolas (place de la vieille ville, désacralisée comme nombreuses autres par Joseph II, prédécesseur et frère ainé du couronné Léopold), pour une somme dérisoire, à peine quelques kreuzer. Là, il mettait l'eau à la bouche du curieux. Par contre, l'entrée pour voir le vol en l'Arbrerie était nettement plus salée: de 20 kreuzer pour les places debout sous les arbres où l'on ne voyait rien sinon le fignard des pigeons qui vous faisaient dessus, jusqu'à un ducat pour les places V.I.P. tout devant, chauffées par une brique, en passant par 1/2 taler pour les places du milieu où se bousculait la plèbe plus aisée.
Et toujours pour l'anecdote, un certain Wolfgang Amadeus fut tellement impressionné par ce vol, qu'il s'empressa d'en parler au metteur en scène de son opéra "La Flûte Enchantée" ("Die Zauberflöte") lequel eut tout juste le temps (à peine quelques jours) d'inclure un aérostat dans les décors de la première représentation qui eut lieu à Vienne le 30 septembre 1791 (dans l'acte 2, scène 12, air 15, au moment où dans la grande salle se déplace une machine volante contenant les 3 garçons tandis que Tamino et Papageno doivent garder le silence).
Ca fout les boules
Si vous allez vous promener dans le parc de l'Arbrerie, alors si vous suivez l'allée principale, sur votre gauche, vous allez tomber au bout d'un moment sur une ruine. Une vraie, inaccessible à cause des palissades portant mention "défense d'entrer, danger de mort" (même si on est poursuivi par un transformateur électrique appelé en renfort par les policiers de Clichy-sous-Bois). Ca fout les boules. C'est l'ancien restaurant dit "Šlechtovka" (parfois lusthaus inférieur, par opposition au "Místodržitelský letohrádek", lusthaus supérieur). A l'origine, il s'agirait d'un pavillon de chasse baroque du grand "Jean Baptiste Mathey" ("Toskánský palác", "Arcibiskupský palác", "Strahovský klášter", "Trója"...) que l'empereur Léopold Ier se serait laissé construire dans les années 1689 à 1691 (les autres édifices du parc ayant été dévastés par la chienlit soldatesque). Encore que... selon d'autres sources, l'architecte est inconnu, et le pavillon ne serait pas né sous l'impulsion de Léopold, mais sous l'insistance du président de la chambre des états
Mais on est encore loin du cas "Císařský mlýn" (le moulin impérial), car avec la "Šlechtovka" il y a encore un peu d'espoir. Je ne vais pas m'étendre sur le cas du moulin (chantier interdit au public), parce qu'il n'y a plus rien à dire, et plus rien à faire. Si vous comprenez le Tchèque, lisez toute l'affaire dans les publies détaillées du "Klub Za starou Prahu". Story line en bref: l'édifice en mauvais état juste après la révolution, a été volontairement saccagé par les fumiers qui en avaient la gérance
Rudolfova štola
Alors de la galerie d'à Rudolf II (encore lui), je vous en avais déjà parlé dans une précédente publie, mais j'y reviens quand même, plus en détail. Passionné de pêche à la ligne en été et de patin à glace en hiver, le fantasque Rudolf II avait donc fait construire (étendre) son étang. Mais il fallait bien l'approvisionner en eau, propre de préférence pour y pêcher du poisson goûteux, et en quantité suffisante (l'eau) pour que la tanche ne schlingue pas la carpe et inversement. Et c'est en regardant une
La construction commença en 1584 pour se terminer en 1593. L'on fit appel aux plus meilleurs mineurs de "Kutná Hora" qui avaient une grande expérience de la mine, du creusement en sous-sol qui pue, et pour gagner en temps, le creusement de la galerie se fit de façon étonnante. Au dessus de la colline de "Letná", l'on creusa 5 puits verticaux de profondeur variant entre 22 et 49 m. Une fois au bout du fond qui va bien, les mineurs commencèrent à creuser horizontalement et dans les 2 sens opposés, ainsi l'on entamait 12 abattages de roche en même temps (2 x 5 puits, plus les 2 orifices).
Divers
En 1891, l'on supprima une partie du domaine afin d'y construire le palais des expositions sur quelques 320.000 m² (32 ha). En 1897 l'on construisit un canal de navigation sur quelques 3 km au nord de l'Arbrerie, créant ainsi la nouvelle île de l'empereur ("Císařský ostrov"). Les inondations d'été 2002 ont dévasté 1/3 du domaine. 200 arbres furent immédiatement détruits (déracinés, emportés...) et 500 autres périrent de mort lente dans les semaines (mois) qui suivirent. L'on en replanta quelques autres, achetés neufs, en compensation, mais pas dans la même quantité que ceux qui furent détruits, et non plus pas les espèces exotiques qui furent introduites en 1835. En fait pour faire plaisir aux nombreux écureuils qui peuplent l'Arbrerie et votent massivement pour l'actuelle majorité municipale, on planta des chênes pour les glands (nourriture principale) et l'habitat (principal), des tilleuls pour les sucres et la vitamine C (en hiver, pour lorsque l'écureuil chope la grippe, mais aussi pour soigner ses fatigues, angoisses, neurasthénies, migraines, et insomnies), et des frênes car leur écorce et leurs feuilles ont des vertus diurétiques (l'écureuil mâle souffre de la prostate) et anti-inflammatoires contre la goutte et les rhumatismes (dont l'écureuil vieux pâtit souvent). En tout, et suite aux inondations, la mairie dut investir quelques 50 millions de CzK (1,8 millions d'€) et le parc fut fermé au public (et aux écureuils) jusqu'en avril 2003.
C'est sur le gazon de l'Arbrerie qu'au XVIII ème siècle, le fameux comte "František Antonín Nostic" s'en alla régler son compte au pauvre chevalier "Karel Felix Sekerka ze Sedčic" parce que ce dernier avait découvert que le précédent bourriquait sa femme à couilles rabattues. Ils arrivèrent aux aurores en compagnie de leurs témoins respectifs, alors que la brume matinale enveloppait encore le parc de son manteau diaphane. Après avoir fait en sens opposé les 20 pas réglementaires dûment comptés par l'arbitre, les 2 hommes se retournèrent l'un vers l'autre et firent feu. Pan. Le chevalier cocu tomba au sol, le plomb ayant si bien pénétré dans son abdomen que le morticole n'eut plus qu'à constater le décès quelques heures plus tard. Aussitôt le comte se retrouva en infraction avec la loi interdisant formellement le duel sous peine de mort, afin de ne pas amaigrir la noblesse. Courageux, il s'enfuit et trouva un temps refuge dans le couvent des capucins "na Hradčanech" (près l'église "Panny Marie Andělské", place de la Lorette). Il finit par être rattrapé par le bras de la justice, et écroué en la tour blanche du château de Prague (gnouf à gotha). Mais bien qu'aveugle, la justice n'en est pas pour autant sourde, et sous la pression des appels des nombreux potes du comte, la peine capitale fut commuée en détention perpétuelle. Le duelliste homicide fut assigné à résidence à vie à "Trmice" où il possédait gentilhommière. Evidemment, cette anecdote est peu connue du public, et vous n'en trouverez pratiquement jamais mention afin de ne pas entacher la réputation du comte "František Antonín Nostic", plus haut burgrave impérial et président des états de Bohême, dont le nom est intimement lié au théâtre dit "Stavovské" et à "Josef Dobrovský" (précepteur de ses enfants, et leader de la renaissance nationale tchèque). Ah oui, et pareil, personne ne sait ce qu'est advenue la veuve du chevalier cocu trucidé (lecture: Královská obora, Antonín Novotný, l'historien 1891-1978, pas l'autre fumier con-muniste).
Et donc à l'Arbrerie, il faut vous y rendre sans aucun doute, car comme dit, ce parc est intimement lié à l'histoire de Prague. Et si vous y allez tôt, alors dans les environs (à distance pédestre) se trouvent encore le quartier de "Troja" (à 1 km au nord, le zoo, le jardin botanique, la serre tropicale, le palais), le parc des expositions (il jouxte l'Arbrerie à l'est, fête foraine, le monde de la mer), la fantastique usine d'assainissement (1,3 km à l'ouest), le quartier de "Bubeneč" (500 m au sud-ouest, avec ses édifices art-nouveau absolument fabuleux), l'exceptionnel château d'eau "letenská vodárna" (800 m au sud), enfin il y a de quoi faire pendant plusieurs heures (même journées si vous êtes un furieux). Donc si vous souhaitez oublier le centre-ville et découvrir un côté de Prague totalement méconnu du tourisme de masse, ou tout simplement suivre les saines recommandations du dicton populaire "en bel après-midi, mène tes gniards en l'Arbrerie", courrez-y vite vite à "Stromovka".