Histoire chronologique
Bien que les premiers écrits mentionnant la chasserie (eh, pourquoi pas?) royale datent de 1319 (Jean de Luxembourg y organisait des joutes équestres), elle aurait été crée dans les années 60 du XIII ème siècle par le roi "Přemysl Otakar II" qui en avait marre du centre ville. Tiens, dans un appel téléphonique à sa maman il lui disait: "Je vends des robes, des pulls et des manteaux, des bas, des gants, des jupes, des pantalons, des sacs, des ceinturons, des slips et des manchons de toute espèce, qui me font tourner en bourrique...". Avant de terminer par: "si j'aurais pu, j'aurais aimé, vivre à la campagne, vivre à la campagne, si j'aurais pu, j'aurais aimé, vivre à la campagne toute l'année..." Pour l'anecdote, l'enregistrement de cet appel sera retrouvé en 1969 par un certain Nino Ferrer qui le mettra en musique pour en faire un tube énorme à l'époque yéyé. Retour au "Přemysl Otakar II". Bon, et comme les bestiaux dans sa chasse ne faisaient rien d'autre que de s'en échapper (ben tiens, tu m'étonnes), il fit construire un mur tout autour vers l'an 1270 (pour info, cette idée bonarde du roi sera à l'origine de la solution à un problème identique d'évasion, à Berlin, en août 1961). Pis après le mur, le roi y fit édifier une résidence d'été parce que le camping, comme il disait, "ça va bien une saison ou deux, mais après, le ronflement des ours qui dorment et le bramement des cerfs qui forniquent, commencent à peser". Pendant les guerres hussites, le domaine, le mur et le pavillon furent sérieusement dévastés (comme le jouxtant couvent St Georges, "svatojiřský klášter", parfois appelé "ovenecký dvůr", à "Přední Ovenec", attenant au moulin impérial), et il faudra attendre le roi W ("Vladislav II Jagellonský") pour que quelqu'un y passe un coup de balais, de pinceau, reconstruise le mur et récupère les bestiaux éparpillés aux 4 vents. Même mieux, W fera construire un vrai pavillon de chasse vers la fin du XV ème siècle et dont je vous parlerai plus en détail et plus loin. Sachez encore pour l'anecdote, que la chasse royale (et donc privée) était, depuis la fin des guerres hussites, ouverte au public lors des festivités de la St Gothard, parce que selon le dicton populaire, "à la St Gothard, en l'Arbrerie mène tes moutards". Trouvant la surface de quelques 85 ha trop petite, Ferdinand 1er fit agrandir sa chasse royale vers 1540, et construire une route la reliant directement au château de Prague, bien délimitée par des tilleuls, parce que comme il disait "au moins ça se voit bien même sous 3 m de neige". En cette époque, l'on y planta également dedans la chasse des arbres à écureuils (qui sont toujours là, les cureils), des étangs à poissons, et encore plus tard un verger à fruits. Puis arriva sur le trône l'excentrique Rudolf II. Comme le "Přemysl Otakar II", Rudolf II aurait aimé, s'il aurait pu, vivre à la campagne. Sauf que lui, il s'en donna les moyens et requinqua fichtrement propre l'Arbrerie. D'abord fin des années 90 du XVI ème siècle, il fit transformer le pavillon de chasse en pavillon d'été panoramique de style renaissance, au motif que "d'toute façon on n'y dort même plus maintenant qu'on a une route jusqu'à la maison, alors goupillons-nous en une coquette chaumière pour observer la reproduction de nos bestiaux.". Eh oui, parce que l'excentrique Rudolf II avait fait étendre le grand
Místodržitelský letohrádek
Ce pavillon d'été au nom totalement imprononçable pour un francophone, est aujourd'hui inaccessible et non visitable (enfin presque). J'y suis allé récemment, me disant que quand même, que c'est pas possible crénom di diou qu'il ne soit pas visitable, eh bien si, figurez-vous que si, le truc est fermé. Enfin je vous ai quand même pris des photos du dehors. Il s'agit du pavillon dit "du gouverneur" ("Místodržitel" = place-tenancier, "Místodržitelský" = de celui qui tient la place = gouverneur), et qui remonte à... on ne sait même pas. L'on pense (mais sans certitude) que déjà au XIII ème siècle, il y avait à cet emplacement un castelet qui permettait aux rois de se reposer après la chasse, et boire un coup tranquillement au chaud. Sous W, le castelet prit une apparence gothique (tardif, vers 1500), mais personne n'est fiche de dire s'il s'agissait d'une construction nouvelle, ou d'une reconstruction d'un édifice déjà existant. Sous l'excentrique Rudolf II, l'on transforma l'édifice en castelet panoramique renaissance (entre 1580 et 1594), afin que les Suédois puissent le dévaster lors de la guerre de 30 ans, et que les Prussiens puissent y mettre le feu en 1744 lors de la guerre de succession d'Autriche. Le bâtiment resta délabré, et personne ne savait pas quoi en faire, sinon rien. Jusqu'au jour où le gouverneur de la place réclama un pavillon d'été, et qu'un petit futé alla lui refourguer les susdites ruines. Le comte "Jan Rudolf Chotek, Chotek z Chotkova a Vojnína" ne se dégonfla pas, releva le défit, et mit "Jiří Fischer" sur le coup (diplômé des beaux-arts de Vienne, officier du génie dans l'armée, professeur à l'université des ponts et chaussées, puis à partir de 1811, directeur de l'administration du génie civil du royaume). Or bien que talentueux en théorie, aux dires de ses élèves, le pauvre gars n'avait jamais rien mis en pratique. Aussi, il fit appel à un grand architecte pour mener la reconstruction selon sa théorie, entre 1805 et 1811. Et c'est là que ça se complique, parce que selon les sources, on ne se parle pas du même architecte. Autant pour le nom c'est généralement le même, mais pour les prénoms, vous trouverez de tout avec du n'importe quoi. Dans la célèbre famille d'architectes et sculpteurs "Palliardi", il y eut le père, "Ignác Michael Palliardi" (1702 - 1751) avec ses 11 enfants (j'aurais aimé rencontrer sa femme). Si l'on écarte les femelles qui en ces temps-là faisaient de la broderie lorsqu'elles ne s'occupaient pas du foyer (et c'est pas du sexisme, c'est un fait), il nous reste 4 fils. Si l'on écarte ceux qui sont décédés avant la date de la fin de la construction (1811), soit "Antonín Fidelis Palliardi" (1732 - 1757) et "Jan Jiří Palliardi" (1744 - 1810), il nous reste "Petr Antonín Palliardi" (1731 - ?) et le plus connu de tous, "Ignác Jan Nepomuk Palliardi" (1737 - 1821). L'emprunte de ce dernier "Palliardi" se retrouve sur le "Strahovský klášter", le "Trauttmannsdorfský palác (Staré Město)", le "Thunovský palác", le "Lobkowiczýký palác (Malá Strana)", le "Malý Buquoyský palác (Malá Strana)" pour ne citer que les plus connus. Ensuite il y eut aussi son fils, "Ignác Alois Palliardi" mais il serait mort en 1806. Bref, tout ça pour dire qu'entre les "Alois Palliardi", "Ignác Palliardi" et "Antonín Palliardi" qui sont nommés dans mes sources, je n'ai aucune idée de qui a réellement reconstruit ce pavillon, mais ce qui est sûr, c'est qu'on lui doit l'apparence d'aujourd'hui et que c'est depuis cette époque qu'on l'appelle le "pavillon d'été du gouverneur". Et pour compliquer encore le tout, d'autres sources tout aussi fiables que les précédentes affirment que l'architecte maître d'oeuvre ne serait aucunement un "Palliardi", mais "Jan Filip Jöndl" qui, sous la direction "Jiří Fischer" et pour le compte du même comte "Jan Rudolf Chotek", retapa le palace de "Kačína". Enfin si jamais vous avez la réponse, pensez à moi please. Depuis la seconde guerre mondiale, et encore aujourd'hui, le pavillon d'été du gouverneur sert d'archive au département des journaux et magasines de la bibliothèque du musée national, et ce n'est que dans le cadre d'une recherche en cette matière que vous pourrez accéder à l'intérieur du pavillon, une fois par semaine, le mercredi, et encore pas pendant les vacances.
Une première
Eh ouais, et ça vous ne le savez sans doute pas, mais si oui, passez à la suite. Dans l'après-midi du 31 octobre 1790, une importante foule de curieux commençait à s'entasser épais au bas du jardin de l'Arbrerie, attirés (les curieux) là par le bouche-à-oreille qui circulait en ville. Sur l'herbe s'étendait une sorte de long préservatif multicolore. De solides gaillards attisaient vigoureusement un feu sur une sorte de barbecue à 1m de distance de l'extrémité du présa, et l'on pouvait voir à côté d'eux, un panier insolite dans lequel l'on aurait pu mettre un boeuf (à défaut ma belle-mère). Les témoins se demandaient mais qu'est-ce qu'on allait bien cuire, pourquoi ce panier, quid du préservatif, enfin les rumeurs les plus loufoques allaient grand train. Pis soudain, à l'aide d'un énorme soufflet, certains des solides gaillards poussaient l'air chaud dans le préservatif de 2700 m³ maintenu ouvert par d'autres solides gaillards. Doucement, le préservatif se gonflait, prenait une forme de poire renversée, tandis qu'une bonne vingtaine d'autres solides gaillards maintenait le diabolique objet de 340 kg au sol par des cordes. La curiosité et l'excitation des spectateurs étaient à leur comble, lorsque vers 17h, 2 hommes prirent place dans le panier ficelé au préservatif. L'un d'eux était le comte "Jáchym ze Šternberka", érudit homme de sciences naturelles comme physiques, mathématiques, et astronomiques, voyageur curieux et intrépide. L'autre était Français, Jean-Pierre Blanchard, qui avait traversé la manche en ballon 5 ans auparavant. Eh oui, ce jour là avait lieu en le parc de l'Arbrerie le premier vol en ballon habité en êtres humains sur le sol de la Bohême. Le vol fut... comment dire... mouvementé. Le comte de "Šternberk" avait emporté dans la nacelle plusieurs kilos d'instruments de mesures, boussole, sextant, longue-vue, thermomètre, baromètre, et compteur Geiger ("on ne sait jamais d'où vient le vent" avait-il dit) alors que Jean-Pierre lui avait recommandé de faire "léger" pour d'évidentes raisons de charge. Lorsque Blanchard s'écria "lâchez tout" (en Français dans le texte), l'aérostat se souleva si rapidement dans les airs, que le comte de "Šternberk" perdit l'équilibre, se rattrapa au dernier moment aux cordages alors que sa perruque et sa boussole finirent dans le brasier du milieu de la nacelle, destiné à chauffer l'air dans le ballon. Après seulement une minute de vol, l'équipage fut pris dans une rafale de vent et le panier se décrocha en 2 attaches, forçant les 2 téméraires à prendre place sur le rebord du cockpit resté arrimé au ballon. "Merde, ma lunette!" (en Tchèque dans le texte) s'était alors exclamé le comte. Pis arrivés à une hauteur de 1833 m selon le baromètre que Joachim n'avait pas encore perdu, les aéronautes furent alors surpris par un pas-de-vent, tandis que la température approchait les 0°C sur le thermomètre de monsieur le comte. "T'aurais mieux fait d'emmener une bouteille de slivovice plutôt que tout ce bordel inutile" ronchonnait Jean-Pierre. Ils restèrent ainsi une bonne demi-heure, se balançant peinards sur le rebord de la nacelle, à quelques 2 km de distance de leur lieu de départ, au dessus de "Bubeneč", le temps pour notre sieur de "Šternberk" de faire tomber son thermomètre et de se rassurer sur l'absence de radioactivité dans le ciel de Prague. "Bon, hein, fait chier maintenant. Je vais te nous faire redescendre vite fait, tu vas voir!" avait lancé le Français au Tchèque, en même temps que le sextant du comte contre l'enveloppe du ballon. Celle-ci se déchira sur quelques 50 cm provoquant la descente incontrôlée de l'embarcation. Les 2 gaillards finirent sans dommage dans un champ fraîchement épandu en lisier odorant, et malgré le fumet répulsif, de nombreux spectateurs se précipitèrent pour féliciter les 2 casse-cou et effleurer de leurs doigts les restes du ballon comme s'il s'agissait d'une sainte relique.
Et tiens, mieux que ça, parce que le Jean-Pierre Blanchard remit le couvert un an plus tard pour le couronnement du Léopold II, en 1791, sous la pression de sa première femme. "Va y avoir plein de beau monde, on va se faire un pognon monstrueux, Blanchard, faut absolument que tu y ailles" avait-elle insisté. Et Jean-Pierre y alla, pas le choix. La ville grouillait de monde, d'une foule compacte et téroclite de tous les pays d'Europe et du monde (lecture: F. L. Věk, Alois Jirásek). Le malicieux gaillard commença par exposer son engin en l'église St Nicolas (place de la vieille ville, désacralisée comme nombreuses autres par Joseph II, prédécesseur et frère ainé du couronné Léopold), pour une somme dérisoire, à peine quelques kreuzer. Là, il mettait l'eau à la bouche du curieux. Par contre, l'entrée pour voir le vol en l'Arbrerie était nettement plus salée: de 20 kreuzer pour les places debout sous les arbres où l'on ne voyait rien sinon le fignard des pigeons qui vous faisaient dessus, jusqu'à un ducat pour les places V.I.P. tout devant, chauffées par une brique, en passant par 1/2 taler pour les places du milieu où se bousculait la plèbe plus aisée. Et là, il plumait le curieux après lui avoir mis l'eau à la bouche. Eh bien malgré l'entrée salée, quelques 15.000 personnes auraient assisté à l'envol de l'aérostat, la famille impériale la première. Pour l'anecdote, lorsque le comte "Jáchym ze Šternberka" se présenta avant l'envol avec une valise pleine d'instruments de mesure en double, voire en triple, pour le cas où il en perdrait, Jean-Pierre l'aurait invité à visiter les îles grecques muni d'un tube de vaseline. Vers 18h, l'aérostier seul prit son envol, pour atterrir dans la soirée vers "Kněževes" (une dizaine de km à l'ouest de Prague) et revenir en taxi à Prague où il avait réservé une table pour dîner.
Et toujours pour l'anecdote, un certain Wolfgang Amadeus fut tellement impressionné par ce vol, qu'il s'empressa d'en parler au metteur en scène de son opéra "La Flûte Enchantée" ("Die Zauberflöte") lequel eut tout juste le temps (à peine quelques jours) d'inclure un aérostat dans les décors de la première représentation qui eut lieu à Vienne le 30 septembre 1791 (dans l'acte 2, scène 12, air 15, au moment où dans la grande salle se déplace une machine volante contenant les 3 garçons tandis que Tamino et Papageno doivent garder le silence).
Ca fout les boules
Si vous allez vous promener dans le parc de l'Arbrerie, alors si vous suivez l'allée principale, sur votre gauche, vous allez tomber au bout d'un moment sur une ruine. Une vraie, inaccessible à cause des palissades portant mention "défense d'entrer, danger de mort" (même si on est poursuivi par un transformateur électrique appelé en renfort par les policiers de Clichy-sous-Bois). Ca fout les boules. C'est l'ancien restaurant dit "Šlechtovka" (parfois lusthaus inférieur, par opposition au "Místodržitelský letohrádek", lusthaus supérieur). A l'origine, il s'agirait d'un pavillon de chasse baroque du grand "Jean Baptiste Mathey" ("Toskánský palác", "Arcibiskupský palác", "Strahovský klášter", "Trója"...) que l'empereur Léopold Ier se serait laissé construire dans les années 1689 à 1691 (les autres édifices du parc ayant été dévastés par la chienlit soldatesque). Encore que... selon d'autres sources, l'architecte est inconnu, et le pavillon ne serait pas né sous l'impulsion de Léopold, mais sous l'insistance du président de la chambre des états "Kryštof František Wratislav z Mitrovic", après qu'une partie de chasse organisée par son altesse impériale Léopold Ier se soit terminée par la cinglante critique: "Qu'est-ce que c'est que ce foutu bordel qu'en cette foutue forêt qu'il n'y ait même pas une foutue cahute que nous puissions sécher que nos impériales frusques de cette foutue pluie, que tout en buvant un bon coup et que tout en pissoyant dru?" (Léopold parlait un dialecte autrichien dont la traduction française est peu aisée). La grande salle de l'édifice fut décorée au plafond par le peintre à la cour impériale "Jan Jakub Steinfels ze Steinfelsu" (fresques sur les voûtes de la basilique mineure de "Břevnov", "Lobkovický palác" côté "Malá Strana"...), et selon les bienheureux qui eurent l'occasion de pénétrer (en loucedé, à leur risque et puéril) à l'intérieur, l'on en verrait encore des bouts. Le thème est certes classique (mythologie grecque, Apollon, Venus, Diane, Mercure Jupiter, Mars et autres Saturne), mais la réalisation serait (semble-t-il) splendide. En face de l'entrée se trouverait une alcôve, avec une fontaine en bronze représentant Poséidon. En 1791, le pavillon fut remanié en restaurant par le professeur d'à la faculté des sciences techniques "František Antonín Leonard Herget" (canalisations de Prague, ou la briqueterie dite "Hergetova cihelna"), mais attention, en restaurant pour la haute (n'oubliez pas que le jardin ne devint public qu'en 1804). En 1806, c'est l'aubergiste "Václav Steinitz", propriétaire du fameux café "U Steiniců" (aujourd'hui disparu, dans la maison "Saský dům, čp. 55/III" rue "Saská", auparavant "na Menším Městě" devenu "Malá Strana" plus tard) qui convoita l'édifice. Mais le pauvre bougre ne fit pas la bonne affaire. Le loyer était élevé, la grande salle servait de grenier au propriétaire, et les rats attirés par les foins (stockés dans le grenier de la grande salle) faisaient fuir une clientèle plutôt tiède (d'où le dicton populaire à propos de la gargote les rats se promènent en l'Olympe, en référence aux fresques du plafond). Mais le gaillard apporta une flopée d'améliorations des plus modernes, comme un nouveau puits, des toilettes à fosse odorante, un frigidaire refroidi par glace... et persuada le proprio de déménager son foin ailleurs. Le restaurant prit de l'importance à partir des années 20 du XIX millième siècle. Entre 1855 et 1858, "Bernard Grueber" (le pavillon d'été de la reine Anne) mit la couche définitive en style néogothique, principalement par l'ajout d'un jardin d'hiver (véranda) tout du long de la façade, pour devenir la ruine définitive que vous pouvez voir actuellement. En 1882, c'est un autre "Václav" qui prit la gérance du restaurant, "Václav Šlechta", et qui donna par là-même son nom à l'édifice, "Šlechtovka". A sa mort en 1909, son fils "Antonín" reprit la suite de son père, et fit de l'établissement aux aurores de la première république (l'entre 2 guerres) un café réputé et couru par tous les praguois. La famille en garda la gérance jusqu'en 1950, lorsque l'immonde chienlit con-muniste confisqua et étatisa la totalité des biens immobiliers du pays. A partir de ce moment, l'édifice se dégrada par manque d'investissement (comme beaucoup d'autres). Le restaurant resta en service jusqu'aux années 1970, puis fut abandonné à son triste sort qui ne manqua pas de s'acharner sur le bâtiment: il y eut le feu, 2 fois pour faire vraiment bien, en 1978 et 1980. Après le retour de la démocratie, l'on essaya plusieurs fois d'en faire quelque chose. Mais compte tenu des coûts de restauration, des contraintes liées à l'environnement (parc), aucun des projets n'aboutit. Afin de limiter les dégâts, la mairie de Prague 7 (propriétaire du bâtiment depuis 1996) investit dans l'indispensable vers 2001, canalisation, eau, gaz et lectricité. Super. En 2002 arrivèrent les inondations du millénaire, et selon les dernières estimations, ce ne sont plus 150 millions de CzK qui devraient être investis dans le chantier pour une totale réfection, mais 250 millions (9 millions d'€). Du coup, ben les investisseurs ne se précipitent pas. La priorité de la mairie est aujourd'hui le contournement souterrain de la ville de Prague, contournement qui passe justement sous la "Šlechtovka", et adviendra ce qu'adviendra de ce patrimoine culturel qui est aujourd'hui classé sur la liste rouge des monuments historiques en voix d'extinction sous le numéro 1-1560/3. Ca fout les boules moi j'dis.
Mais on est encore loin du cas "Císařský mlýn" (le moulin impérial), car avec la "Šlechtovka" il y a encore un peu d'espoir. Je ne vais pas m'étendre sur le cas du moulin (chantier interdit au public), parce qu'il n'y a plus rien à dire, et plus rien à faire. Si vous comprenez le Tchèque, lisez toute l'affaire dans les publies détaillées du "Klub Za starou Prahu". Story line en bref: l'édifice en mauvais état juste après la révolution, a été volontairement saccagé par les fumiers qui en avaient la gérance (même pas la propriété) dans un but purement spéculatif: foutre tout par terre afin d'éviter les contraintes liées aux édifices classés et reconstruire sur ce terrain lucratif un bâtiment merdeux à rendement maximum. Et ils y sont parvenus après 10 ans, les fumiers. Ni la mairie, ni le ministère de la culture n'a pu (voulu?) empêcher ce désastre. Aujourd'hui, sur l'emplacement se construisent des appartements de luxe dans un immeuble neuf dont à peine 10% (la façade) ont été plus ou moins conservés. Il ne reste plus qu'à chialer à grosses gouttes sur la disparition d'un remarquable édifice, témoin du maniérisme à la Rudolf II et dorénavant chaînon manquant entre la renaissance du XV ème et le baroque du XVII ème siècle. Soyez maudits par la Sainte histoire tas d'fumiers sans conscience.
Rudolfova štola
Alors de la galerie d'à Rudolf II (encore lui), je vous en avais déjà parlé dans une précédente publie, mais j'y reviens quand même, plus en détail. Passionné de pêche à la ligne en été et de patin à glace en hiver, le fantasque Rudolf II avait donc fait construire (étendre) son étang. Mais il fallait bien l'approvisionner en eau, propre de préférence pour y pêcher du poisson goûteux, et en quantité suffisante (l'eau) pour que la tanche ne schlingue pas la carpe et inversement. Et c'est en regardant une
La construction commença en 1584 pour se terminer en 1593. L'on fit appel aux plus meilleurs mineurs de "Kutná Hora" qui avaient une grande expérience de la mine, du creusement en sous-sol qui pue, et pour gagner en temps, le creusement de la galerie se fit de façon étonnante. Au dessus de la colline de "Letná", l'on creusa 5 puits verticaux de profondeur variant entre 22 et 49 m. Une fois au bout du fond qui va bien, les mineurs commencèrent à creuser horizontalement et dans les 2 sens opposés, ainsi l'on entamait 12 abattages de roche en même temps (2 x 5 puits, plus les 2 orifices). Pour l'anecdote, le 3 ème puits ne fut jamais terminé car les eaux souterraines étaient trop fortes (risque de noyage), et l'on reboucha le trou creusé. Au dessus de chaque puits se trouvait une petite cabanembois avec un treuil pour évacuer la roche, la terre, l'eau, mais également monter et descendre les besogneux. Au tiers de la hauteur de chaque puits, l'on creusa perpendiculairement de petites galeries d'aération dans lesquelles l'on faisait du feu afin d'obtenir le fameux appel d'air frais dans le fond du trou. Ingénioux. L'on creusa à l'ancienne, au marteau, à la barre à mine, à l'huile de coude et au coup de pied au cul les quelques 1100 m de galerie. Chaque semaine, le rapporteur "Isaac Phendler" reportait sur son plan l'avancement des travaux, et rapportait tout retard à son altesse Rudolf qui faisait chier du coup de bambou derrière les oreilles des faignants. Une fois le tunnel terminé, l'on construisit devant l'entrée de la galerie ("Helmovský jez", quai "Edvard Beneš") une maison (dite "havírna", la maison du mineur, qui existe toujours, pas celle d'époque, celle qui existe date de 1803) pour le concierge du trou, dont la fonction (du concierge) consistait à surveiller que des malveillants ne viennent pas dégrader l'endroit. Il lui incombait également de retirer le bataclan que le fleuve pouvait charrier devant l'entrée de la galerie (et la boucher). Aujourd'hui l'on peut encore voir dans l'Arbrerie l'entrée de la sortie du tunnel, de style renaissance (ah ouais?), avec sur le haut de l'arcade une couronne chapeautant un grand R (comme Rudolf) et le nombre romain MDLXXXXIII. La galerie est malheureusement fermée au public, à cause de l'humidité, de l'instabilité, et de son étroitesse (en 1997, après une partielle restauration, les premiers 350 m étaient accessibles un temps). Curiosité: les plus sagaces d'entres-vous auront sans aucun doute remarqué que le fameux plan d'"Isaac Phendler" est écrit en Espagnol. Ah bon? Ben flûte alors, et pourquoi? Il semblerait que l'Espagnol était la langue que l'original empereur maîtrisait le mieux, d'abord de par l'espagnolerie de sa maman (Marie d'Espagne), ensuite parce qu'il reçu 8 ans d'élevage chez son oncle Philippe II (frère de maman Marie) à la cour d'Espagne (entre les âges de 11 et 19 ans). Et pour l'inclinaison d'un millimètre par mètre linéaire, z'ont fait comment les gars? Ben on ne sait pas, j'ai rien trouvé là-dessus.
Divers
En 1891, l'on supprima une partie du domaine afin d'y construire le palais des expositions sur quelques 320.000 m² (32 ha). En 1897 l'on construisit un canal de navigation sur quelques 3 km au nord de l'Arbrerie, créant ainsi la nouvelle île de l'empereur ("Císařský ostrov"). Les inondations d'été 2002 ont dévasté 1/3 du domaine. 200 arbres furent immédiatement détruits (déracinés, emportés...) et 500 autres périrent de mort lente dans les semaines (mois) qui suivirent. L'on en replanta quelques autres, achetés neufs, en compensation, mais pas dans la même quantité que ceux qui furent détruits, et non plus pas les espèces exotiques qui furent introduites en 1835. En fait pour faire plaisir aux nombreux écureuils qui peuplent l'Arbrerie et votent massivement pour l'actuelle majorité municipale, on planta des chênes pour les glands (nourriture principale) et l'habitat (principal), des tilleuls pour les sucres et la vitamine C (en hiver, pour lorsque l'écureuil chope la grippe, mais aussi pour soigner ses fatigues, angoisses, neurasthénies, migraines, et insomnies), et des frênes car leur écorce et leurs feuilles ont des vertus diurétiques (l'écureuil mâle souffre de la prostate) et anti-inflammatoires contre la goutte et les rhumatismes (dont l'écureuil vieux pâtit souvent). En tout, et suite aux inondations, la mairie dut investir quelques 50 millions de CzK (1,8 millions d'€) et le parc fut fermé au public (et aux écureuils) jusqu'en avril 2003.
C'est sur le gazon de l'Arbrerie qu'au XVIII ème siècle, le fameux comte "František Antonín Nostic" s'en alla régler son compte au pauvre chevalier "Karel Felix Sekerka ze Sedčic" parce que ce dernier avait découvert que le précédent bourriquait sa femme à couilles rabattues. Ils arrivèrent aux aurores en compagnie de leurs témoins respectifs, alors que la brume matinale enveloppait encore le parc de son manteau diaphane. Après avoir fait en sens opposé les 20 pas réglementaires dûment comptés par l'arbitre, les 2 hommes se retournèrent l'un vers l'autre et firent feu. Pan. Le chevalier cocu tomba au sol, le plomb ayant si bien pénétré dans son abdomen que le morticole n'eut plus qu'à constater le décès quelques heures plus tard. Aussitôt le comte se retrouva en infraction avec la loi interdisant formellement le duel sous peine de mort, afin de ne pas amaigrir la noblesse. Courageux, il s'enfuit et trouva un temps refuge dans le couvent des capucins "na Hradčanech" (près l'église "Panny Marie Andělské", place de la Lorette). Il finit par être rattrapé par le bras de la justice, et écroué en la tour blanche du château de Prague (gnouf à gotha). Mais bien qu'aveugle, la justice n'en est pas pour autant sourde, et sous la pression des appels des nombreux potes du comte, la peine capitale fut commuée en détention perpétuelle. Le duelliste homicide fut assigné à résidence à vie à "Trmice" où il possédait gentilhommière. Evidemment, cette anecdote est peu connue du public, et vous n'en trouverez pratiquement jamais mention afin de ne pas entacher la réputation du comte "František Antonín Nostic", plus haut burgrave impérial et président des états de Bohême, dont le nom est intimement lié au théâtre dit "Stavovské" et à "Josef Dobrovský" (précepteur de ses enfants, et leader de la renaissance nationale tchèque). Ah oui, et pareil, personne ne sait ce qu'est advenue la veuve du chevalier cocu trucidé (lecture: Královská obora, Antonín Novotný, l'historien 1891-1978, pas l'autre fumier con-muniste).
Et donc à l'Arbrerie, il faut vous y rendre sans aucun doute, car comme dit, ce parc est intimement lié à l'histoire de Prague. Et si vous y allez tôt, alors dans les environs (à distance pédestre) se trouvent encore le quartier de "Troja" (à 1 km au nord, le zoo, le jardin botanique, la serre tropicale, le palais), le parc des expositions (il jouxte l'Arbrerie à l'est, fête foraine, le monde de la mer), la fantastique usine d'assainissement (1,3 km à l'ouest), le quartier de "Bubeneč" (500 m au sud-ouest, avec ses édifices art-nouveau absolument fabuleux), l'exceptionnel château d'eau "letenská vodárna" (800 m au sud), enfin il y a de quoi faire pendant plusieurs heures (même journées si vous êtes un furieux). Donc si vous souhaitez oublier le centre-ville et découvrir un côté de Prague totalement méconnu du tourisme de masse, ou tout simplement suivre les saines recommandations du dicton populaire "en bel après-midi, mène tes gniards en l'Arbrerie", courrez-y vite vite à "Stromovka".