Décollage de l’offshore marocain : la bonne fenêtre de lancement ?

Publié le 23 avril 2009 par Igrec

Le futur bâtiment de Dell à Casanearshore

Je sors de deux jours de visite des deux premiers sites marocains dédiés à l’externalisation de fonctions métier (BPO) et de prestations informatiques (développement, TMA, gestion des infrastructures). Bien sûr, tout n’est pas parfait. Les milliers de mètres carrés de bureau sortis de terre, tant à Casanearshore (à côté de la capitale économique Casablanca) qu’à Technopolis (à côté de la capitale administrative Rabat), ne sont pas tous occupés. Mais ils sont tous réservés, affirment les gestionnaires du projet. Bien sûr encore, les transports qui desservent la zone paraissent encore bien insuffisants : les trop rares bus bondés parvenant jusqu’à Casanearshore ne suffisant pas à transporter sur la zone les quelque 2 000 personnes qui y travaillent déjà, j’en ai fait l’expérience. Un point noir qui ne fera que se renforcer à mesure que les sociétés qui ont réservé des locaux - dont Capgemini, Atos ou Dell (2 500 personnes prévues pour le support technique du constructeur texan, dans un bâtiment dédié, voir photo ci-contre).

Chantiers colossaux à Casablanca et Rabat

Malgré tout, le Maroc fait indéniablement preuve de volontarisme dans sa tentative d’intégrer les quelques pays qui comptent dans l’offshore (il est ainsi entré dans le classement réalisé par AT Kierney en 2007 et a amélioré son rang en 2008). Mise en place de sites dédiés (les deux zones déjà citées seront rejointes par Fès et Marrakech, mais aussi Tetouan et Oujda pour des projets plus modestes) occasionnant des chantiers colossaux, incitations fiscales diverses (comme un impôt sur le revenu - prélevé à la source au Maroc - plafonné à 20 %), aides à la formation (jusqu’à 6 000 euro par ingénieur recruté), plan pour doper le nombre de diplômés (avec un objectif de 10 000 ingénieurs par an) : autant de mesures susceptibles de positionner le pays comme une destination de choix pour la délocalisation francophone.

La première tranche de Casanearshore.

Le développement de cette filière, dont j’ai pu discuter avec Ahmed Reda Chami, le ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies (je retranscrirai cet entretien prochainement), bénéficie donc d’une volonté réelle du royaume, à laquelle semblent croire les grands noms des services - notamment francophones - qui se sont installés ou sont en passe de le faire (citons Capgemini, Atos, Steria, GFI, Logica, Devoteam mais aussi l’Indien TCS) - ou des grands comptes à la recherche de back office à bas coût (Axa, BNP). Une liste où manquent tout de même trois noms de poids, le Top 3 mondial du secteur : IBM, HP (renforcé de EDS) et Accenture.

L’activité bénéficie de la crise en Europe ?

L'arrière des bâtiments de Casanearshore

Cette montée en puissance tombe surtout dans une fenêtre très favorable, et ce des deux côtés de la Méditerranée. En France (et dans les autres pays francophones européens), les grands comptes cherchent des solutions pour réduire leurs coûts. Pour l’avoir testée, ils savent la puissance, mais aussi les limites de l’option indienne (différences culturelles, barrière de la langue, décalage horaire). Surtout, le potentiel est énorme ; les grandes entreprises françaises ayant nettement moins externalisées leurs fonctions IT et plus encore leurs processus métier que leurs homologues anglo-saxonnes. Côté marocain, l’offshore ressort comme un domaine clef. Tout simplement parce que les autres moteurs sur lesquels comptait le gouvernement marocain pour faire décoller le pays - notamment au travers du plan Emergence - tombe peu à peu en panne, crise oblige. Standard & Poors vient par exemple de prévoir un recul de 20 % des exportations du royaume en 2009. Activité “contracyclique”, l’offshore doit donc apparaître au gouvernement comme un domaine où accentuer l’investissement. D’ailleurs, MedZ, l’aménageur et gestionnaire des zones offshore, a annoncé vouloir accélérer le chantier de Casanearshore. Ce dernier doit désormais se terminer en 2011, et non plus en 2015 comme initialement prévu.

En misant sur la délocalisation des prestations informatiques ou métier, le Maroc prend aussi un risque, celui de voir, dans plus ou moins longtemps, les SSII qui affluent dans ses centres partir vers de nouveaux horizons aussi vite qu’elles sont venues. Alors que, contrairement au mastodonte indien, l’industrie locale des services informatiques reste peu développée, les premiers acteurs émergeant à peine sur le scène internationale.

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