En stage en Hopital Psychiatrique, un nouveau patient viens d’arriver. Il est en Hospitalisation Libre, c’est à dire qu’il est venu de son plein grès et qu’il peut repartir à tout moment. Il dit être là parce qu’il a des hallucinations visuelles et auditives. Il est vu par un psychiatre qui met en place un traitement à base de neuroleptiques.
C’est le matin, et en discutant avec le patient il m’avoue qu’il simule, qu’il a voulu se faire hospitaliser parce qu’il en avait marre de son boulot, qu’il avait besoin de repos, alors il a inventé cette histoire d’hallucinations.
J’en parle à l’équipe et après un long débat, on pense qu’il dit peut-être vrai. En tout cas moi, j’en suis persuadé. Ca ne fait pas longtemps que je “fréquente” des psychotiques et des schizophrène, mais lui, n’a pas l’air comme les autres, il est sociable, cultivé et je lui trouve même peut-être de la sympathie. C’est un des seuls patients avec qui on peut tenir une conversation censée. Mais, on décide quand même de se laisser du temps avant d’en parler au médecin et de bien l’observer.
Quelques jours se passent, je suis avec une infirmière que je n’avais pas encore vu. Elle me parait un peu bizarre. Son regard est froid, elle est assez renfermée. Je me dis qu’elle est peut-être mal lunée, ou que c’est son caractère habituel.
A l’heure du repas, je suis donc en poste “d’observation”. J’épie les moindres faits et gestes de ce patient, je me prend un peu pour Colombo (la schizophrénie est-elle contagieuse?!?). Et là, il fait un faut pas. Je le surprend en pleine conversation avec…
…son assiette : “Comment tu vas aujourd’hui? […] Tu aurais dû mettre un pull, il fait pas chaud dehors[…] Oui, la serpillère est propre[…]”.
Je vais voir l’infirmière, et lui dis :
“Il simule peut-être pas tant que ça en fait…”
“J’en étais sûre”
“Il parle à son assiette, regarde”
“Tu sais, dit-elle d’un air supérieur, ça se voit pas sur la tête des gens si on est schizophrène”
“Oui, mais il y’a quand même des attitudes qui trompent pas…”
“Ah bon?!? Et d’après toi est-ce que j’ai l’air folle???”
Hésitation, “Euh… ben…non…” baragouinais-je.
“Ben dis toi que j’ai un traitement 3 fois plus lourd que le sien!” O_o !
J’ai cru que mes yeux allaient quitter mes orbites, et qu’ils allaient rouler sous la table.