Marie Lebrun

Par Deslivres.fr
Je perds mes livres, je les donne parce qu'on ne me les rend pas et je ne rends pas ceux qu'on me prête, prise de remords je les rachète et je les offre à un autre. Brisons là, un livre tout fourré d'acariens, je ne garde pas. Faites l'expérience de tous les donner. « Han ! Jamais, ô grand dieu jamais ! Les livres, c'est ma vie, c'est le parcours de moi, c'est moi ». Et bien justement, s'en débarrasser, c'est l'occasion de se refaire une petite beauté.
Toutefois, j'ai gardé tous mes Ines Cagnati, mon Barbey d'Aurevilly, celui d'Une vieille maîtresse, je vole les Tennessee Williams chez les gens, je me sens toute petite à côté de Sylvie Germain, j'entasse les Antoine Volodine et les guette du coin de l'oeil, je passe l'aspirateur sur les Giono mais j'ai perdu Regain et jamais lu Le Hussard sur le toit, j'admire Robert Badinter, je tremble avant de recommencer Stig Dagerman, j'anticipe la perte de mémoire en essayant de mémoriser deux vers d'affilé de Saint-John Perse. Je voudrais qu'on me lise des pages entières de Beckett, qu'on me filme L'assassin de Liam O'Flaherty. J'aime bien savoir que le truc gris, sous mon lit, c'est Benacquista qui copine avec Zoé Valdes. J'aime être surprise par une écriture, des mots rares, des feintes qui nous laissent croire qu'on parle familier, qu'on est naïf pour en fait susciter des réflexions qui titillent les angoisses mal oubliées et les réflexions inachevées. J'aime rire mais les clichés, pas du tout. J'aime beaucoup Claude Ponti. 
J'ai étudié des livres mais peu m'ont fait frémir, même si beaucoup m'ont intéressée. J'ai lu des livres d'hommes qui racontaient leur désir d'homme – mais les hommes en papier se froissent. Alors j'ai pensé qu'il existait une littérature de femmes. Mais si une femme écrivait bien, j'oubliais alors qu'elle en était une. Je lis, je lis Gala chez le médecin, je lis les notices des médicaments, leurs effets indésirables. Je compte les lettres dans les mots.
J'ai découvert la littérature pour adolescents. Petits veinards, petites veinardes, serez-vous des adultes plus éclairés après l'avoir parcourue ? 
Je m'appelle Marie Lebrun-Marchal. J'habite en Normandie, à Douvres-la-Délivrande. Je me baigne sur les plages du débarquement mais ça n'a rien a voir.