On a parlé d’Enron à l’indienne : début janvier, la quatrième SSII du sous-continent s’est trouvé au cœur d’un important scandale financier né des malversations de son ancien PDG, Ramalinga Raju, jusqu’après avoir été exclue des marchés publics de la Banque Mondial pour une sombre affaire de corruption. Ramalinga Raju aurait rien moins détourné que plus d’un milliard de dollars au travers d’un réseau de plusieurs centaines de sociétés. Le tout en gonflant sur plusieurs années les comptes de la SSII afin de dissimuler le détournement. Le rachat, abandonné, de deux sociétés spécialisées dans le BTP et appartenant à la famille Raju, devait, en décembre, permettre de rééquilibrer les comptes pour faire un trait sur les falsifications passées. Aujourd’hui, Satyam est en passe d’être rachetée par une autre SSII indienne, Tech Mahindra.
Le cas de Satyam est-il isolé ? Eclaire-t-il sur des défauts profonds de gouvernance dans pays connu pour son capitalisme familial ? Les avis sont clairement partagés. Pour le Nasscom, l’association professionnelle représentant les acteurs de l’IT et du BPO indiens, « cet incident est particulièrement malheureux alors que l’industrie indienne de l’IT et du BPO a mis en place des standards très élevés en matière de gouvernance et d’éthique. » Ce qui ne l’a pas empêché, mi-février, de mettre en place un comité dédié à la gouvernance et à l’éthique.
Pour Gilles Moutounet, vice-président de la stratégie et de l’international pour Gitanjali Group (spécialisé dans le luxe), il ne faut pas « regarder ce scandale comme un potentiel problème indien. » Se voulant rassurant, le ministère indien chargé des entreprises a assuré début janvier que seraient prises « toutes les actions nécessaires pour que ce type de scandale ne se reproduise pas. »
Pour le journaliste indien Devidas Deshpande, qui collabore au Pune Mirror, une publication locale du groupe Times, le scandale Satyam renvoie à un héritage culturel profond, le syndrome de Dhritrashtra, l’histoire d’un roi du Mahabharata déchu pour avoir aveuglément suivi et supporté ses fils dans leurs turpitudes. Et notre confrère de trouver des exemples récents et nombreux de ce syndrome dans les mondes politique et des affaires indiens modernes.
La journaliste Sucheta Delal, spécialiste des affaires financière et de la gouvernance, relevait, mi-décembre, que l’attitude cavalière de la direction de Satyam à l’égard de ses actionnaires n’a rien d’isolé : « such anti-investor actions are not new to them, but investors’ Memory, especially that of found managers, is very short ! » Et de donner plus loin la parole à un dirigeant d’entreprise technologique indienne, anonyme, dénonçant la manière dont certaines réglementations fiscales locales encouragent, selon lui, les détournements de fonds et autres abus de biens sociaux.
De son côté, l’Asia Development Bank a insisté, début mars, sur le fait que « The Satyam scandal in India highlights the need for sound enforcement of rigorous accountg standards. A particular area for close study is monitoring family-run businesses. » Le cas Satyam ne serait peut-être pas aussi isolé que certains pourraient ou voudraient le penser.
C’est dans ce contexte tendu que l’actuel premier ministre indien, Manmohan Singh, est monté au créneau mi-avril pour affirmer sa « confiance » dans la capacité des systèmes de régulation indiens de prévenir de nouveaux scandales tels que celui de Satyam. Las, les règles de gouvernance imposées aux sociétés côtés en Inde en pousseraient un nombre toujours plus grand à quitter les marchés boursiers. Une code de gouvernance pour sociétés non cotées ferait actuellement l’objet de réflexions. Et si rien de concret ne devrait aboutir avant 2010 - sinon plus -, l’Intitute of Company Secretaries of India s’est lancé dans l’étude des pratiques internationales de gouvernance corporate afin de les comparer aux pratiques locales.