« [Il faut] poursuivre un but unique : épurer la terre russe de tous les insectes Nuisibles, des puces (les filous), des punaises (les riches) (…) Ici on mettra en prison une dizaine de riches, une douzaine de filous, une demi-douzaine d’ouvriers qui tirent au flanc. Là, on les enverra nettoyer les latrines. Ailleurs, on les munira, au sortir du cachot, d’une carte jaune afin que le peuple entier puisse surveiller ces gens nuisibles jusqu’à ce qu’ils se soient corrigés. Ou encore on fusillera sur place un individu sur dix coupables de parasitisme. »
Vladimir Illicth Oulianov, dit Lénine, « Comment organiser l’émulation ? », décembre 1917
Renovatio LHCis
Je viens de m’apercevoir que LHC, réseau libéral-sympathique depuis qu’il s’est éclairci de quelques têtes, s’est refait un nouveau visage en recrutant deux nouveaux membres dans son directoire. L’ »occident de parcours » est donc derrière eux. Le premier des deux grands manitous est Libertas, pour qui j’ai plutôt de l’estime. Quant à l’autre – un certain Lime – ne le connaissant pas, je suis allé sur son blog.
Je suis alors tombé sur un billet sur « l’anti-France ». un concept emprunté à Gotlib, qui n’en demandait sans doute pas tant. Dans la série « Super-Dupont », ce dernier, fils du Soldat Inconnu, est ultra-patriote, voire chauvin. Il est doté de super-pouvoirs qui lui permettent de remplir sa difficile mission : défendre son pays contre l’Anti-France, une sorte de mouvement sectaire et terroriste dont l’unique but est de détruire le pays des Droits de l’homme.
Saalime Malekoum, Malekoum Saalime…J’ai lu le billet, et j’ai découvert le « Liméralisme »...
Plus les Pré-Lime-inaires sont longs, plus le charter est accueillant**
En fait, Lime s’est trompé de bédé. Uderzo/Goscinny aurait été plus indiqués, avec ces misérables gaulois qui refusent de s’assimiler. Car la thèse de Lime est que la montée de « l’anti-France » (ne pas confondre avec « l’anti-race’, concept développé par Adolf Hitler) est lié à la présence d’une forte population d’origine immigrée qui ne se sent pas française parce qu’elle a été confite dans une culture d’assistanat – Lime utilise aussi le mot de « parasite ».
Elle se complète par une autre frange de la population dite « française » (la première l’est tout autant, mais il faut comprendre « non issue de l’immigration » sans que soit mentionné d’ailleurs à quel niveau générationnel il faille remonter), elle aussi très passive et dans l’assistanat, marquée par une culture d’auto-dénigrement.
Sur ce premier aspect du raisonnement, outre les réserves susmentionnées, je me contenterai de souligner que toutes les théories sociales visant à pointer une minorité parasite par rapport à une société se sont toujours terminées en bain de sang. Je pense aux hérétiques cathares et aux juifs d’Espagne; aux nobles, que Robespierre et Sieyès considéraient comme des parasites de la Nation; aux koulaks et aux bourgeois pointés par les bolchéviks en ex-URSS (cf. ma citation); aux juifs (qu’Hitler qualifie de « parasites » dans Mein Kampf), homosexuels et tziganes pendant la seconde guerre mondiale…
Je suis donc circonspect.
Allimez le feu…
Après cette brillante démonstration, qui pourrait se résumer en « il y a des parasites en France« , Lime enchaîne sur les moyens d’y remédier. Il récuse l’idée de couper les vannes – ce serait, dit-il, la révolution – puis envisage l’enfermement en cité ghettos ou en prison, du style américain.
Notez qu’il y a là un glissement sémantique inquiétant, car à ma connaissance le « crime d’assistanat » n’existe pas encore. Je ne vois donc guère au nom de quoi on pourrait les enfermer. Quant à la solution du cité ghetto, elle suppose que les « parasites » soient pauvres. Or, moi, j’ai à soumettre à la future Gestapo qui sera en charge d’établir la liste des parasites des noms de riches parasites. Notamment dans quelques établissements bancaires.
Liméralisme à l’orange sanguine
La bonne solution, continue Lime, réside, pour la partie « sauvable » dans la responsabilisation, c’est à dire la libéralisation. Lime enchaîne en expliquant que libéralisation et patriotisme vont de pair dans bon nombre de pays.
Premièrement, je suis étonné de découvrir que la responsabilisation de l’individu passe forcément par la dérèglementation et la libéralisation. Regardez donc comment les financiers « libres » se sont montrés responsables.
L’exemple américain qui apparaît en filigrane du billet est d’ailleurs assez mal choisi puisqu’un peu plus haut, notre pro-France a lui-même reconnu que ce pays parquait ses assistés dans des ghettos. Comment diable l’assistanat survit-il dans une société libérale, donc responsable ?
Quant à lier patriotisme et libéralisation, c’est assez comique. Le pays le plus nationaliste du globe s’appelle sans doute la Chine. Suivi du Japon. Les qualifier de pays libéraux me semble assez imprudent. A l’inverse, les Pays-Bas sont un pays très libéral et les Néerlandais sont relativement peu enclins à goûter à la tentation du chauvinisme.
En conclusion, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi, en France, le libéralisme économique se double assez systématiquement d’un clône néo-culturalo-nationaliste (cf. ce billet-ci ou celui-là de Lomig). La croyance en un progrès lié à l’absence de barrières devrait au contraire plaider pour une approche décomplexée de la société. Les Américains aiment à mettre en avant le melting pot. Les Britanniques se réjouissent d’être une terre d’accueil.
Ce qui transparaît dans le billet de Lime – la critique de l’assistanat – c’est finalement une transposition de l’égoïsme individuel (le refus de la solidarité) à l’échelon national.
Au fait, saviez vous pourquoi la série « Super Dupont »‘ a été arrêtée au milieu des années 1990 ? Elle fut exploité à des fins politiques par le Front national, au grand dam de Gotlib.
* Pour ceux qui ne comprennent pas le jeu de mots, c’est le nom de la région PACA, prononcée avec l’accent allemand des films de guerre des années 50
** Bon alors celle-ci, je ne peux vraiment pas l’expliquer au risque d’être foudroyé par les censeurs de l’ordre moral…
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