Le chinois est une langue décidément passionnante. Dotée d'une histoire plusieurs fois millénaire, dépourvue de grammaire comme on l'entend dans nos contrées occidentales, chaque sinogramme foisonnant par contre de significations plus ou moins (enfin, surtout moins) évidentes à relier les unes aux autres, sa prononciation est d'une exigence rare avec ses quatre tons, ses rétroflexes, sans parler de sa retranscription en caractères latins (le pinyin) qui n'a que peu de choses à voir avec la manière dont on prononce réellement (non, zh n'est pas [z], c'est [dj] comme dans Johnny fais moi mal).
Outre tous ces caractères qui lui donnent son immense intérêt, le chinois possède une autre caractéristique : putain que c'est chiant à apprendre, toutes ces conneries. Déjà quand t'es dans le bain, c'est pénible, mais alors après douze semaines de grève et une semaine de vacances, pour s'y remettre, c'est mission impossible. Ton cerveau ne PEUT pas. Et du coup, tous les prétextes sont bons pour rien branler, ou en tout cas pour ne surtout pas branler du mandarin.
Parce que déjà, au bout de deux ans, tu connais trop de choses. Par exemple, est-ce vraiment nécessaire de savoir dire « élongation du clitoris » ? Je ne suis pas sûr. En tous cas, même en français, ça n'entre que rarement dans ma conversation, alors en chinois, comme j'en suis à espérer réussir à me faire comprendre en demandant si ce sont bien des pommes, et à combien les vendez-vous, alors que je n'aime même pas les pommes, l'élongation du clitoris, je vous avoue que je m'en badigeonne le nombril avec le pinceau de l'indifférence, comme dirait l'autre (je sais plus quel autre).
Bref. En tous cas, depuis que je suis rentré de mon périple bruxellois, de ses sushis aux concombres et de ses mitraillettes baveuses, mon esprit cherche à tout prix à éviter de se remettre au chinois. Pour commencer, il a sommeil. Parce que dormir une heure et demie sur un fauteuil de gare et deux sur un canapé, en 48 heures, ça lui suffit pas.
Puis il se découvre un amour immodéré de la famille. Du coup, je vais voir mes tatas, et je les accompagne à une exposition, moi qui en fais une tous les dix ans. Et mieux, mon esprit me convainc que c'est bien, et de traîner un peu. Puis, après un repas que je suis le dernier à finir, il me pousse à accompagner une de mes tatas à la librairie. Puis à retourner à Châtelet à pied, mais en se trompant, du coup on va trop loin, on fait demi-tour, on passe à la fnac au passage, j'en profite pour me faire offrir des livres (merci tata) qui me permettront de remettre une fois de plus le chinois à plus tard.
Mais faut pas croire que je culpabilise pas, hein ! Je culpabilise à fond. Du coup, par moments, je prends le magnifique livre sur la peinture chinoise que m'a offert mon papy, et je le lis un peu. Ca me donne l'impression de faire un peu de chinois, d'ailleurs y'a des moments je reconnais des sinogrammes (parce qu'il faut pas dire caractères, même si c'est comme ça qu'on dit au mah-jongg, parce que ça veut rien dire et que c'est notre Maître de chinois classique incompréhensible parce que c'est du chinois comme celui pas classique sauf que ça a rien à voir sinon les caractères, enfin les sinogrammes quoi, qui les a nommés sinogrammes, c'est trop ouf).
Mais d'autres fois, je culpabilise tellement que je pleure dans mon oreiller, et je sanglote « Pourquoi ? Pourquoi ? » en fait non c'est pas vrai. Ceci dit, des fois j'ai tellement honte de pas travailler que j'essaye de penser à autre chose pour avoir moins honte. Je me dis « tiens, si je faisais la vaisselle », et zut, elle est faite, ou « tiens, et si je me brossais les dents », ha zut, j'ai pas envie, ou « hey, je pourrais faire une note de blog, ça fait grave longtemps que j'avais pas reparlé de Procrastinator, que c'est mon alter-ego que je suis en réalité », du coup, paf, je le fais. Ca demande pas beaucoup d'inspiration, c'est juste ce qu'il me fallait pour arriver tranquillement à l'heure de me coucher.
Et ça, j'aime bien faire, et je m'en lasse jamais.
Allez, demain, je tente de réviser. Ce serait vraiment trop dommage que j'arrive à convaincre ma tata de passer à la maison avant de rentrer au Sénégal et de pas nous revoir pendant des mois.