J’ai accepté, mais…
Quand en entrant dans le salon je réponds aux bonjours, tout en moi me crie de m’enfuir.
Comme souvent dans ce cas, je tente de noyer ces voix dans un mauvais Médoc, repéré au milieu des immenses salades qui recouvrent la table.
Il faudra bien que trois grands gobelets plastiques passent par mon gosier pour que celui-ci se desserre et que je cesse de déraper dans le fausset.
Mais pas de répit : à peine le temps de considérer la bibliothèque - pour commencer, toujours -, l’espace offert par cette maison bourgeoise du quinzième arrondissement, la décoration soignée au conformisme sophistiqué.
Finies les observations, on appelle les braves, la lecture va commencer.
Dans mes tremblements qui reprennent, j’essaie de me sentir fort.
Il faut se ressaisir foutrejupe !
Mon idée de la virilité s’accommode mal des ces petites défaillances. Idée qu’il aura d’ailleurs déjà fallu convaincre que lire ses délicates bafouilles devant un parterre de gens aux prétentions littéraires similaires aux siennes et se rêver en Eastwood ne présentaient pas, forcément, de radicales incompatibilités.
Et puis, honnêtement, il est trop tard pour filer maintenant.
Au point où nous en sommes, la honte sera de toute façon moins intense si je balance mon texte plutôt que partir en courant avec ou sans prétexte.
Le tirage au sort me favorise, j’ouvre le bal : perspective d'un débarras rapide, c’est parfait !
Allons : voix claire, regard droit devant comme un funambule, c'est parti.