Fait inhabituel, la conférence du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU contre le racisme, conférence dite de Durban II, occupe le devant de la scène alors que depuis la conférence de Durban en 2001, ce sujet était assez confidentiel. Ceci en partie grâce au président iranien qui en accusant dans son discours Israël d’être un Etat raciste, a mis les pieds dans le plat, provoquant le départ des représentants de l’Union Européenne présents - certains pays comme l’Allemagne, la Suède mais aussi les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie ayant boycotté cette conférence. Grâce aussi à une chaîne comme Arte qui n’hésite pas à aborder les sujets qui fâchent. Ainsi hier on a pu voir un Théma très intéressant sur le sujet avec un documentaire de Caroline Fourest (situation, historique, forces en présence…) suivi d’un débat sur l’universalité des droits humains, avec Daniel Cohn Bendit, François Zimeray et Saïd Saadi. Pour ceux qui l’ont ratée, cette émission est rediffusée sur le site Arte +7.
Cette visibilité médiatique a permis d’étaler au grand jour un certain nombre de phénomènes.
Ce type de conférence apparait comme une vaste fumisterie, ne serait ce que parce que le conseil des droits de l’Homme (CDH) comprend des pays qui violent ces droits vis à vis de leurs ressortissants (Chine, Arabie Saoudite, Pakistan par ex.). Les archives vidéos du conseil sont à ce titre édifiantes - l’équipe de tournage d’Arte ayant été interdite de filmer les débats en janvier malgrè son accréditation, suite à une demande du Nigéria, elle a pu ensuite, après excuses de l’ONU, accéder aux archives vidéos. On y voit des représentants d’ONG se faire interrompre par les représentants des pays critiqués qui obtiennent que l’on revienne à “l’ordre du jour” ou que l’on en reste à des cas concernant plusieurs pays ! On y voit le médecin palestinien Ashraf Ahmad Jum’a (celui qui avait été pris en otage avec les infirmière bulgares par Kadhafi) se faire censurer par la présidente libyenne du CDH !
Les rapports de force à l’ONU ont changé. Le nombre de pays a été multiplié par quatre depuis 1945. Les pays occidentaux sont minoritaires et les autres pays se repartissent en gros en trois blocs - pays musulmans de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), pays de l’Union africaine et pays du Mouvement des non alignés - qui se retrouvent souvent sur des positions anti-occidentales, notamment sur les droits humains, présentés comme des valeurs occidentales et non plus universelles.
Ainsi à Durban en 2001 ils se sont focalisés sur le passé et sur un seul passé (traite négrière atlantique, esclavage, colonisation) dans une sorte d’esprit revanchard contre l’occident, sur Israël et la religion avec une prédilection pour l’islam (assimilation entre sionisme et racisme, notion d’”islamophobie”). En mars 2008 une résolution contre la diffamation des religions, et en particulier l’islam, a été adoptée par le CDH, assimilant blasphème et critique de la religion à du racisme !
Outre que c’est n’importe quoi, ceci est une hypocrisie. Car les pays en pointe dans ce combat (Pakistan, Egypte, Iran) sont ceux qui traitent le plus mal leurs minorités religieuses. En fait c’est juste un moyen de sacraliser l’islam pour lutter contre les autres religions ou les opposants laïques. C’est aussi un moyen pour des pays non démocratiques de ne pas parler des discriminations contre les femmes ou les homosexuels. De même que la focalisation sur le passé esclavagiste de l’occident est un moyen de ne pas parler de l’esclavage actuel, en Mauritanie par exemple.
Les pays occidentaux et les valeurs portées par la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 sont sur la défensive - il faut dire que les pays occidentaux, et notamment les Etats-Unis avec Guantanamo ou les cas de tortures en Irak, ont fourni le bâton pour se faire battre. Comme le faisait remarquer une intervenante (dont je ne me rappelle plus le nom), l’ONU est financé à 90 % par des pays démocratiques et aide la propagande de pays non démocratiques majoritaires… Certains pays voudraient des droits de l’Homme sur mesure, adaptés à leur culture. Ainsi l’OCI, dont le poids augmente, a élaboré une déclaration des droits de l’homme basée sur la charia et il devient de plus en plus difficile de critiquer celle-ci au sein du CDH quand il y a incompatibilité avec les droits humains, sur les femmes par exemple.
L’universalité des droits est remise en question. Et les mots perdent leur sens.
Peut-être pour sortir de cette impasse faudrait-il revenir à la définition des mots, à une clarification des notions.
Lors du débat François Zimeray a cité Camus (comme Lomig d’ailleurs) : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Très juste.
Pour plus d’infos et de détails on peut aller chez Tristan Mendés-France et Caroline Fourest, qui ne manqueront pas de commenter la déclaration finale de cette conférence. A suivre.