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Hubert Nyssen, première !

Publié le 22 avril 2009 par Irigoyen
Hubert Nyssen, première !

Hubert Nyssen, première !

Les grands Hommes sont rares. Pouvoir les approcher est donc un privilège. Je m'estime donc honoré d'avoir rencontré, le 2 avril dernier, Hubert Nyssen et son épouse Christine Le Bœuf dans leur délicieux Mas.

Il y a plus d'un an, dans feu l'émission Ça me dit l'après-midi, diffusée le samedi sur France Culture, j'avais pu entendre le fondateur de la maison d’édition Actes Sud converser avec Frédéric Mitterrand. Un vrai moment de bonheur malheureusement trop bref.

Quelques mois plus tard, j'envoyais un mail à Hubert Nyssen pour lui dire que l'entendre ce jour-là m'avait marqué et enthousiasmé. Il me répondit dans l'après-midi même. Ce premier échange fut suivi d'autres dans lesquels je manifestais l'envie de le rencontrer un jour. Une invitation me fut alors lancée, ce que j'acceptais avec une joie immense. Joie doublée d'une appréhension certaine à l'idée de ne pas être à la hauteur de l’entretien.

Profitant d'un récent séjour en Provence pour aller voir mon frère et parler de mon métier dans des établissements scolaires, je me rendis donc chez ce grand Monsieur de la littérature. Entretien enregistré que vous aurez la possibilité d'écouter ici-même prochainement.

Les impatients me pardonneront, je l'espère, de ne pas leur offrir tout de suite ce délicieux moment. Après tout, que serait le plaisir d'une rencontre sans l'attente qui la précède ?

Partant du principe que les lecteurs de ce blog ne sont pas tous familiers de l'œuvre d'Hubert Nyssen, j'ai décidé de consacrer douze chroniques à ses livres. Douze livres, dont le dernier, L'Helpe mineure – sortie prévue: le 6 mai -, qui m'ont frappé, intrigué, remué, posé question, interloqué.

Lire Hubert Nyssen n'est pas toujours facile. On a beaucoup parlé, à propos de ses romans, d'une écriture gigogne qui peut désarçonner le lecteur. Les critiques littéraires ont également insisté sur le fréquent recours au très déroutant thème du double. Certes, mais que serait l'écriture si elle n’exigeait rien des lecteurs ?

Entrer dans la prose d'Hubert Nyssen c'est reconnaître que l'on a en face de soi un homme à l'érudition immense et accepter que l'on se retrouve un peu dans la peau de l'enfant qui a tout à apprendre du monde. Mais, et c'est ce que j'aime chez cet homme, pas de prétention dans sa démarche. Hubert Nyssen partage volontiers, à condition de le laisser vous accompagner.

J'espère que ces chroniques vous donneront envie de (re)lire l'œuvre de ce travailleur infatigable à qui nous devons aussi de connaître des très grands noms de la Littérature. Littérature avec un « L » majuscule, mondiale, sans drapeau : Berberova, Huston, Auster, Banks, Ogawa, Tunström... la liste est tellement longue de tous ces auteurs connus en France grâce à Hubert Nyssen.

A très vite pour l'entretien audio.

En attendant, voici donc la première chronique consacrée à :

Hubert Nyssen, première !

On trouve ce roman sous deux titres : L'Italienne au rucher ou La leçon d'apiculture.

J'ai une certaine préférence pour le deuxième car « la leçon » tendrait à camper les deux personnages principaux dans une relation de professeur à élève. Or ici, le plus sage des deux n'est pas celui auquel on pense en premier.

Jean Mouratov est le narrateur. Son père, Nicolas, chimiste et apiculteur, vient de mourir. Il laisse à son fils une collection de carnets où il parle de sa relation extraconjugale avec Aurélie Bellefleur. Dans ce livre le lecteur suit cette rencontre, cette relation compliquée, fusionnelle :

« Tu es, m'a-t-elle soufflé, le double le plus singulier que j'aie jamais rencontré. »

... et à l'opposée même de celle qui « unit » le narrateur et son père :

« Les lèvres de mon père m'apparaissaient telle une serrure sur la porte d'un monde interdit. »

Autres personnages - qu'il ne faut jamais, me semble-t-il, juger secondaires chez Hubert Nyssen - : Thérèse, la femme de Nicolas Mouratov. Elle essaie vainement de transformer Aurélie en fille adoptive afin de l'éloigner de son mari. On trouve aussi Colette Lemoine, ancienne compagne du narrateur, et « traductrice » des carnets.

Très présents dans l'œuvre d'Hubert Nyssen : la notion de double et les fameux carnets – il en sera question dans l'interview, patience ! -. Ces carnets abritent de merveilleuses phrases comme celle-ci, écrite par Nicolas Mouratov :

« Écrire c'est revivre, c'est recréer le plaisir, mais c'est aussi ressasser la défaite et convoquer la mort »

Il y a souvent, dans les livres d'Hubert Nyssen, une relation entre un homme âgé et une femme plus jeune. Femmes auxquelles l'écrivain rend hommage. Vous m'objecterez que, dans cet opus, le portrait d'Aurélie n'est pas des plus flatteurs. Certes, elle aura une relation avec un philosophe puis un clown avant de revenir au philosophe. Mais s'arrêter à cela serait dommage. Car Aurélie est avant tout un être fragilisé par le « départ » de sa mère. Cette mère qui a perdu la garde de son enfant et s'est exilée aux États-Unis où elle a refait sa vie.

Hommage pourtant indéniable dans ces lignes :

« Il y a plus de bonheur à attendre d'une femme âgée, me disais-je, que d'un homme vieillissant. Même si elle sait avec quelle injuste rapidité sa vénusté s'étiole, la femme continue de voir une source de vie dans le monde où elle se défait, alors que l'homme déclinant s'acharne à croire que c'est le monde qui autour de lui se défait. »

J'aime beaucoup ce livre parce qu'il est, à mon sens, un excellent ticket d'entrée dans le monde d'Hubert Nyssen – je ne sais pas s'il serait d'accord avec moi -, bien qu'il s'agisse de son neuvième roman. Et puis, j'ai une tendresse toute particulière pour un passage où l'écrivain évoque le sable de la voix d'un des personnages.

Aujourd'hui encore, je suis surpris par cette association de mots.


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