Steve Hanke - Le 22 avril 2009. La panique de 2008 a rendu la classe politique hyperactive. La peur de la catastrophe a permis de justifier auprès de l’opinion des politiques interventionnistes gigantesques qui ont fait gonfler les budgets publics et re-réglementé l’activité économique. Dans une certaine mesure la préparation de la réunion du G20 a été un exemple de la « tactique de la terreur économique » pour faire passer encore plus de dépenses publiques. Et c’est le FMI qui a été le grand gagnant du G20. Comme l’a dit Dominique Strauss-Kahn, « le FMI est de retour ». Et quel retour… <!--break-->
Alors qu’il n’avait absolument pas prévu la récession, et encore moins la panique, le FMI a publié des prévisions effrayantes le 19 mars – juste à temps pour le G20. Ces prévisions ont permis à cette institution internationale de faire avancer ses prescriptions… et ses intérêts en tant que bureaucratie. En effet, si les participants au G20 respectent leurs engagements, les ressources du FMI seront accrue de plus de 750 milliards de dollars. Pour remettre ce chiffre en perspective il faut noter que les lignes de crédit du FMI à la fin 2008 étaient de seulement 27 milliards de dollars.
Crises, guerres, et croissance de la sphère publique
Alors que les dirigeants politiques sont confrontés à une nouvelle crise, il se pourrait bien que des opportunistes aux beaux discours exploitent le système à leurs propres fins. La croissance de la sphère publique est généralement occasionnée par des urgences telles que les guerres ou les crises économiques. On fabrique encore plus de lois, on crée des bureaux et autres agences, et les budgets publics croissent rapidement. Très souvent ces changements « temporaires » deviennent permanents.
Comme l’a montré Robert Higgs dans son ouvrage classique de 1987 Crisis and Leviathan, les crises jouent un rôle de « cliquet » : elles légitiment une croissance de la taille de la sphère publique et de ses pouvoirs, mais qui ne reviennent pas à leurs niveaux précédent quand la crise est passée. L’histoire est pleine d’exemples très instructifs à cet égard.
Durant la Grande dépression aux USA les lobbies agricoles se servirent de la crise pour faire passer un plan de sauvetage d’urgence, l’Agricultural Ajustement Act. Alors que la mesure était censée être temporaire, soixante dix sept ans plus tard, les agriculteurs captent toujours de l’argent des contribuables et la politique agricole a même été étendue pour satisfaire les intérêts d’autres lobbies qui vivent de subventions et protections.
Durant la deuxième guerre mondiale, lorsque l’Etat américain représentait près de la moitié du PIB, de très nombreux lobbies tentèrent de profiter de l’expansion sans précédent des budgets publics. Même des agences en apparence éloignées de l’effort de guerre prétendaient effectuer un « travail de guerre essentiel » et récupérer ainsi des budgets plus importants.
Les crises et le FMI
Même les petites crises se sont révélées être des opportunités d’expansion pour de nombreux acteurs dont, bien sûr, le FMI. Établi en 1944 selon l’accord de Bretton Woods, le FMI avait pour rôle premier de prêter à court terme à des pays ayant des problèmes de balance des paiements au sein du système de changes fixes de l’après-guerre. Mais en 1971 avec la suspension de la convertibilité du dollar en or par le Président Nixon, le système de Bretton Woods prenait fin, et, aurait-on pu penser, le FMI avec. Mais ce dernier est toujours là et a profité de toutes crises pour s’étendre.
La crise pétrolière des années 70 a permis à l’institution de se réinventer : ces chocs pouvaient nécessiter plus de prêts du FMI pour des ajustements de balance de paiements. Et il y eut effectivement plus de prêts. Sur la période 1970-1980 les prêts du FMI augmentèrent de 123%. La crise de la dette mexicaine fût une autre opportunité. C’est même paradoxalement le Président Reagan qui fit personnellement pression auprès du Congrès pour obtenir l’approbation d’une augmentation du quota américain pour le FMI. Les prêts du FMI atteignirent un nouveau seuil, augmentant de 108% (en réel) durant le premier mandat de Reagan.
L’effondrement de l’empire soviétique donna une occasion au FMI de se réinventer à nouveau, cette fois-ci pour « accompagner l’intégration des économies anciennement planifiées dans le système mondial de marché ». La fin des années 90 se termina par la crise asiatique, mal diagnostiquée et mal traitée par le FMI, mais qui fût elle aussi un prétexte à plus de financements. Entre 1990 et 1999 les prêts augmentèrent de 99% en termes réels. Après le 11 septembre, le FMI se porta bien jusqu’à la baisse historique des taux d’intérêt initiés par la Fed et d’autres banques centrales. Cette marée de crédit mondial ensevelit le FMI jusqu’à ce que la bulle du crédit explose et que le FMI saisisse encore une fois l’opportunité de son expansion.
Nous voilà donc aujourd’hui avec une bureaucratie internationale aux compétences douteuses mais aux sérieuses aptitudes à grossir. Il ne reste qu’à espérer que la raison prenne rapidement le dessus pour ralentir cette bureaucratisation dépensière et les lobbies qui vont avec.
Steve Hanke est professeur d’économie appliquée à l’Université John Hopkins de Baltimore et analyste au Cato Institute.