Cope, en dissidence du parti présidentiel hégémonique, arrivera-t-il à créer une nouvelle force politique crédible aux côtés de son grand frère bien établi ? C’est un peu l’enjeu de la vie politique aujourd’hui. Première partie.
Non, ne vous trompez pas, je ne parle pas de Jean-François Copé ni de l’UMP. Je ne parle pas de la France, mais de l’Afrique du Sud. Et du Cope, le Congrès du peuple, un nouveau parti sud-africain issu d’une scission de l’ANC en fin 2008. Des élections générales Ce mercredi 22 avril 2009 est férié car c'est un jour crucial pour les 23 millions d’électeurs sud-africains : ils vont voter pour des élections législatives (et par voie de conséquence, indirectement pour leur futur Président de la République élu par les députés). Cette consultation va peut-être mettre fin à la zone de turbulences politiques que subit l’Afrique du Sud depuis sept mois. Transition post-Mbeki En effet, mettant fin à des querelles politiques de plusieurs années, le Président sud-africain Thabo Mbeki (67 ans aujourd’hui) a dû donner sa démission le 20 septembre 2008 après le retrait du soutien du parti ultra-majoritaire ANC (Congrès national africain). Dans la grande indifférence des médias français, ce fut pourtant la première grande discontinuité politique en Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid. Le 25 septembre 2008, le numéro deux de l’ANC, Kgalema Motlanthe (59 ans aujourd’hui), Vice-Président, fut élu Président sud-africain avec les pleins pouvoirs par une large majorité parlementaire (269 pour, 50 contre et 41 bulletins blancs sur 400) pour assurer l’intérim jusqu’à ces élections de ce 22 avril 2009. Il nomma Vice-Présidente Baleka Mbete (59 ans), Présidente du Parlement, et tenta de garder un gouvernement relativement stable par rapport au précédent. Mais avant de rentrer dans les détails de cette nouvelle donne, revenons en arrière et présentons très succinctement la politique intérieure de l’Afrique du Sud. Rapide historique politique de l’Afrique du Sud depuis 1989 L’Afrique du Sud est un pays politiquement extraordinaire si l’on regarde le chemin parcouru depuis seulement une vingtaine d’années. Un régime autoritaire et minoritaire, politiquement et ethniquement, basé sur une odieuse et immorale ségrégation qui cède la place, sans révolution, assez pacifiquement, sans bain de sang, à un régime démocratique multiethnique, ce qui nécessitait donc forcément de laisser le pouvoir à l’opposant le plus résolu de l’apartheid, à savoir l’ANC. Tout se passa avec la maladie (congestion cérébrale) de Pieter Botha qui fut conduit à démissionner le 15 août 1989 (Pieter Botha mourut le 31 octobre 2006 à 90 ans). Son successeur Frederik De Klerk (73 ans aujourd’hui) alla très vite. Instauration du "multiethnisme" Après l’élection d’un nouveau Parlement tricaméral (à trois chambres "ethniquement homogènes" : une pour les Blancs, une pour les Indiens et une pour les métis, rien pour les Noirs) le 6 septembre 1989, il légalisa l’ANC et son allié, le Parti communiste sud-africain et libéra Nelson Mandela (presque 91 ans aujourd’hui), leader noir historique, en février 1990 et abolit définitivement l’apartheid en juin 1991 (soit moins de deux ans après son accession au pouvoir). Le 17 mars 1992, De Klerk organisa un référendum pour ratifier le principe des négociations avec l’ANC : 68,7% des Blancs approuvèrent avec une participation de 85,1%. Ces négociations eurent lieu les mois qui suivirent avec quelques provocations de l’extrême droite qui voulait tout faire capoter. Pour avoir mené ces négociations malgré toutes les difficultés, De Klerk et Mandela obtinrent le Prix Nobel de la Paix 1993, un an avant Shimon Peres, Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. Elles aboutirent le 27 avril 1994 aux premières élections libres et multiethniques qui se déroulèrent dans un climat de grande tension et de guerre civile (avec beaucoup d’attentats). La République sud-africaine devint donc une république parlementaire et fédérale où sont élus les parlementaires tous les cinq ans (ce 22 avril 2009 est donc la quatrième échéance générale de ce régime). L’ANC et le NP Parmi les partis les plus importants, au début, il y avait donc l’ANC (progressiste et "noir") et le NP (Parti national), l’ancien parti de l’apartheid, celui de Pieter Botha et de Frederik De Klerk (nationaliste et "blanc"). En 1994, l’ANC est devenue majoritaire, représentant deux tiers de l’électorat. Le NP (qui s’effondra au fil des élections) forma une coalition d’union nationale avec l’ANC puis se positionna dans l’opposition (en 1996) mais la prépondérance de l’ANC engendra l’échec de l’Alliance démocratique, conglomérat de partis d’opposition incluant le NP qui fusionna finalement le 7 août 2004 dans l’ANC. Au bout de quinze ans, le NP, "blanc", autoritaire, ségrégationniste et hégémonique, a fini intégré à l’ANC, ce mouvement "ennemi", "noir", progressiste et devenu lui aussi hégémonique. Cocasserie de l’histoire. Les nouveaux dirigeants du NP avaient compris que les enjeux de pouvoirs se situaient désormais à l’intérieur de l’ANC en oubliant le clivage ethnique d’origine. Présidence de Mandela De façon moralement et électoralement logique, Nelson Mandela accéda à la Présidence de l’Afrique du Sud le 10 mai 1994 (en tant que président de l’ANC). Le système lui accola de façon transitoire deux Vice-Présidents, Thabo Mbeki et Frederik De Klerk et institua la fameuse "Commission Vérité et Réconciliation" qui pourrait être un modèle dans la résolution d’autres conflits comme le conflit israélo-palestinien. En pratique, à déjà 76 ans, Mandela "régna" plus que gouverna (le Président sud-africain est aussi chef du gouvernement), laissant Thabo Mbeki prendre les décisions sociales et économiques. Le 30 juin 1996, le parti de De Klerk quitta la coalition, Thabo Mbeki restant l’unique Vice-Président. De nouvelles institutions Une nouvelle Constitution fut adoptée le 9 mai 1996, approuvée par la Cour constitutionnelle le 4 décembre 1996 et mise en application le 4 février 1997 : le Président (limité à deux mandats) est élu par les quatre cents membres de l’Assemblée Nationale élus à la proportionnelle pour cinq ans et il est instituée une seconde chambre (anciennement Sénat) nommée Conseil national des provinces avec quatre-vingt-dix membres (dix par provinces) élus pour cinq ans aussi. Parmi les étrangetés institutionnelles de l’Afrique du Sud, il y a les lieux : Pretoria est le siège du gouvernement sud-africain et Le Cap le siège de son Parlement, ce qui est fort peu pratique pour la présence des ministres auprès des parlementaires (une tentative de ramener le siège du Parlement à Pretoria a été vite abandonnée après la trop vive contestation des habitants du Cap). Le siège officiel de la Présidence de la République est donc double : l’Union Buildings à Pretoria et le Tuynhuys au Cap. L’autre étrangeté, c’est que la vie des partis est intériorisée au sein même des institutions républicaines. Ainsi, si un élu veut changer de parti sans démissionner de son siège, il n’a le droit de le faire que pendant une courte période dans l’année, ce qui permet de stabiliser les coalitions gouvernementales (et provinciales). Cette pratique appelée "floor crossing" existe depuis une loi de novembre 2001 et a toujours favorisé l’ANC. Cette pratique a été abrogée en janvier 2009 mais pouvait se comprendre dans la mesure où les élus le sont que proportionnellement sur des listes de partis et donc, ne doivent leurs élections qu’à leur parti, ce qui leur interdisait soit de changer de parti, soit de rester en place en quittant leur parti d’origine. Mais le "floor crossing" fut trop contesté car considéré comme de la trahison vis-à-vis des électeurs (qui votent pour un parti et c’est un autre parti qui obtient les sièges). Dans la deuxième partie de l’article, je poursuivrai avec la mise sur orbite de Thabo Mbeki comme successeur de Nelson Mandela. Aussi sur le blog. Sylvain Rakotoarison (22 avril 2009) Pour aller plus loin : Nouveau Président de la République sud-africaine. Dissidence. Élections le 22 avril 2009. Mandela soutient Zuma. Site officiel de la Présidence de la République d’Afrique du Sud. (NB : Cet article a été rédigé avant la connaissance des résultats électoraux du 22 avril 2009).