Eric Besson : une réforme, une rafle puis une visite

Publié le 22 avril 2009 par Juan
En prenant ses fonctions de ministre de l'Identité nationale en janvier dernier, Eric Besson laissait entendre qu'il privilégierait dialogue et intégration, après les 18 mois d'expulsions et quotas ethniques de son prédécesseur Brice Hortefeux. Assez rapidement, les actes ne suivirent pas ces belles intentions. Et le ministre fut rattrapé par de multiples polémiques, de la sortie du film Welcome aux quotas d'interpellation d'aidants, sans oublier l'attribution volontairement disséminée des mandats d'aide aux sans-papiers dans les centre de rétention.
La mauvaise réforme des naturalisations
Lundi 20 avril, le ministre achevait les derniers espoirs d'apaisement en présentant sa réforme des naturalisation à Rezé, près de Nantes.
Premier changement, la procédure de naturalisation sera désormais sous l'entière responsabilité des préfectures. Actuellement, ces dernières la partage avec la sous-direction de l'accès à la nationalité française (SDANF), basée justement à Rezé. Un étranger fait sa demande à la préfecture de son lieu de résidence, qui instruit une enquête, émet un avis et transmet le dossier à la SDANF pour la décision finale. Même si l'avis est négatif, la SDANF  peut décider de naturaliser l'immigré. Elle le fait d'ailleurs dans 44% des cas d'avis négatifs. Eric Besson argumente que les délais sont trop longs: "Ce qui va changer, c'est qu'il y aura dorénavant séparation de l'instruction, faite par les préfets, et de la mission de contrôle, de pilotage et d'harmonisation qui va relever de l'administration centrale de mon ministère".
Second changement, en cas de refus de naturalisation par la préfecture, l'étranger devra engager une démarche de contestation auprès de la SDANF .
Ce renforcement du rôle des préfectures appelle deux remarques : primo, les préfectures sont plus habituées à gérer des expulsions. Leurs agents ne risquent-ils pas la schizophrénie ? Deuxio, les situations locales sont différentes d'un département à l'autre, là où la SDANF garantissait un traitement national cohérent.
Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur dans 20 départements dès janvier 2010, pour être étendues à l'ensemble du territoire en 2011. Juste prêt pour l'élection présidentielle... En 2008, quelques 108 000 étrangers ont été naturalisés. Mais demain ? Le ministre s'abrite derrière une volonté d'économie pour l'Etat. Est-ce à dire que la SDANF devra réduire ses effectifs prochainement ?
Vrais mensonges sur le délit de solidarité
Jeudi 23 avril, Eric Besson se rend à Calais. "Le ministre de l'immigration fera part de ses analyses et de ses premières propositions sur la situation" a-t-on indiqué à son ministère. Mardi, place nette a été faite : dans la nuit de lundi à mardi, quelques 33 migrants, pour la plupart Afghans, ont été traqués puis arrêtés sur les aires d'autoroute de la région. Le lendemain matin, une "vaste opération" de police a eu lieu : 150 migrants supplémentaires avaient été interpelés en placés en garde à vue. Une véritable rafle ("Arrestations massives faites à l'improviste par la police") organisée pour une belle opération de communication quelques heures avant l'arrivée du ministre. Eric Besson s'est déclaré "entièrement solidaire" et a expliqué que cette opération, qui a mobilisé 300 policiers et gendarmes, visait à démanteler des filières clandestines.  Quelques heures auparavant, un responsable d'association humanitaire, Jean-Claude Lenoir, vice-président de Salam, dénonçait le climat délétère qui règne dans la région : « Samedi, des bénévoles ont transporté une migrante enceinte au centre hospitalier de Calais. La jeune femme avait été aspergée de gaz lacrymogène par les forces de l'ordre près des maisons des éclusiers, face au quai de la Moselle. » (...) « Depuis quelques jours, les policiers ont musclé leurs interventions, n'hésitant pas à gazer les migrants de manière répétitive, même pendant leur sommeil. » (...) « Les forces de l'ordre tentent d'intimider les migrants mais aussi les bénévoles, en les arrêtant. Ils veulent les décourager de venir en aide aux réfugiés. » Jean-Claude Lenoir est justement l'un des contre-exemples aux affirmations du ministre de l'Identité Nationale sur le "délit de solidarité" : il a été condamné en 2003 pour "aide au séjour irrégulier". Selon ses dires, il s'était porté caution à la Poste pour des sans-papier qui voulaient retirer de "petites sommes". Comme passeur clandestin, on a vu mieux...
Le GISTI publie d'ailleurs une liste d'aidants condamnés par la justice, un "inventaire non exhaustif" des condamnations prononcées depuis 1986. Eric Besson a-t-il travaillé ses dossiers ? Il avait expliqué qu'"en 65 années d'application de la loi, personne en France n'a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière".
Un dernier conseil au ministre : avant d'aller à Calais, peut-être pourrait-il se préoccuper du sort d'Hassan, 22 ans, expulsé vers le Maroc le 10 mars dernier. Hassan vivait en France depuis 2003 avec son père, invalide, et son frère, tous deux en situation régulière. Il suivait une formation de mécano. Au Maroc, Hassan erre sans attache, ni famille.

Sarkoland - Gérald Dahan
par kit-kath
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