Sri Lanka:Ils font appel à d'anciens braconniers !

Publié le 11 septembre 2007 par Chantal Doumont

Sri Lanka: pour sauver les tortues, les scientifiques font appel à d'anciens braconniers !

Plus d'une douzaine d'anciens pilleurs d'oeufs de tortue travaillent aujourd'hui pour un groupe de sauvegarde des tortues marines en surveillant les nids de la plage de Rekawa, au sud du Sri Lanka. 

Avant que le Projet de préservation des tortues ne soit créé en 1993 par Tushan Kapurusinghe, actuel directeur, le biologiste britannique Peter Richardson et sa femme, les nids de la plage de Rekawa étaient régulièrement pillés par des braconniers qui se battaient pour les oeufs. 

"Ils étaient considérés comme des moins que rien, c'était les mauvais garçons du village", raconte Peter Richardson, biologiste à la Société de préservation marine, qui a eu trois ans de longues discussions sur la biologie et la conservation des tortues pour les convaincre de devenir les gardiens des nids de tortue. 

"Au début, il était juste question d'argent, mais le programme se développant, leur statut a évolué et ils ont pu améliorer leur vie de famille", explique-t-il. L'opportunité de revenus réguliers a encouragé la majorité d'entre eux, leur permettant de devenir des agents de surveillance (environ 3 dollars par tour de garde) puis de vrais défenseurs de l'environnement. 

Siripala Edisuriya, 59 ans, a fait du braconnage d'oeufs de tortue pendant 15 ans, les vendant aux boutiques de thé et sur les marchés parce qu'il n'arrivait pas à trouver de travail. A présent, il surveille les nids pendant la nuit. 

"C'est un travail difficile, mais je suis fier de ce que je fais", témoigne-t-il, même si, en tant que bouddhiste, il est rongé par la culpabilité sur ses années passées à braconner. "C'est un grand péché, je ne sais pas combien de temps cela prendra pour m'en acquitter". 

Ce projet, fondé sur l'implication de la population locale dans la sauvegarde de son propre patrimoine naturel, est un exemple du changement actuel de philosophie dans la protection de environnement, car elle porte ses fruits, selon les experts. 

Ceux-ci estiment entre 200 et 300 le nombre de nids sur la plage de Rekawa, dont ceux de tortues caouanne, tortues caret, tortues luth, tortues de Ridley, et principalement de tortues vertes, déclarées en danger. En 2006, la plage, longue d'un kilomètre et demi, est devenue la première réserve naturelle pour les tortues marines, du fait d'un milieu très adapté à la ponte, préservé des lumières des habitations qui font fuir les tortues. 

Chaque année près de 100 000 oeufs y seraient pondus, environ 100 par couvée, qui mettront près de deux mois pour éclore. Seul un bébé tortue pour 1 000 nés chaque année atteindra l'âge adulte. Les chances de survie des tortues sont aujourd'hui bien plus grandes sur la plage de Rekawa que sur les autres sites de ponte du pays, où les braconniers rôdent toujours. 

Le Projet de préservation des tortues à Rekawa, qui a essaimé dans d'autres lieux au Sri Lanka, comptait fonctionner grâce au tourisme, mais celui-ci a beaucoup diminué du fait du tsunami et de la guerre civile qui ne fait que s'amplifier. Il fonctionne donc surtout grâce aux subventions. 

Vendre des oeufs de tortue sur le marché noir est toujours assez courant au Sri Lanka, même si c'est interdit par la loi depuis 1972. Comme au Costa Rica ou en Jamaïque, où on les mélange respectivement avec de la tequila ou du rhum, dans de nombreux pays du monde, on attribue à ces oeufs, crus ou cuits, des bienfaits pour la santé.

Par Sam Dolnick.