J'aime les bigorneaux, enfin j'aime beaucoup le mot « bigorneau ». Je l'aime plus pour ce qu'il évoque d'ailleurs, que pour son goût. Dans le même genre de gastéropodes marins garnissant le plateau de fruits de mer je préfère les bulots, l'effort est mieux récompensé. Pour l'un la fine aiguille ne ramènera du tréfonds de la coquille qu'un minuscule bout de viande tendre mais un peu trop poivré, pour l'autre caché derrière l'opercule un gros ver bien dodu mais un peu ferme qu'une mayonnaise onctueuse viendra attendrir.
Le bigorneau, le petit bigorneau, mon petit bigorneau. Il y a de la tendresse dans l'expression, peut-être à cause du « b » comme dans bébé qui tend les lèvres comme pour un baiser. Autre tendresse plus leste, montre- moi ton petit bigorneau, que personnellement je préfère à abricot car plus à propos, si on y réfléchit bien, en tout cas moi je le sens mieux ! Mais là nous dérivons vers le grivois, de bon ton, mais grivois quand même et je ne vous ai pas habitués à ce genre de propos ici.
Mais le mot que j'associe facilement à la douceur et à l'intimité, peut aussi se montrer plus violent. Bigorner c'est abîmer, amocher, esquinter et par extension se bigorner c'est se battre. Néanmoins si je devais me bigorner avec un quidam, je sens que nous ne nous ferions pas grand mal ; je crains plus de me faire amocher ou esquinter, que bigorner. Pas vous ?
Revenons-en à mon bigorneau, ou au votre, peu importe. Pour votre gouverne, sachez que cette petite bestiole marine est aussi appelée « cagouille » en Vendée, « bigorne » en Basse-Bretagne, « vigneau » en Normandie et « caricole » à Bruxelles, ainsi que « borlicoco » au Québec. C'est pas mignon tout ça ?