Quelques bribes rapportées d’une radio allumée pour le petit déjeuner : les séquestrations d’employeurs se multiplieraient en France. D’un cas isolé, qui aurait dû être sanctionné tel que le prévoie le code Pénal, la fanfare des médias en a fait un exemple (condamné ou pas) pour tous les salariés menacés de licenciement. Certes, les plans sociaux justifiés par la crise économique mondiale deviennent le sport entrepreneurial en vogue, mais cela autorise-t-il l’impunité de ceux qui s’en estiment victimes ? La voie judiciaire devrait être la seule qui permette le rétablissement dans ses droits. Tolérer la négociation par la force, par l’entrave à la liberté du prétendu fautif, c’est la première étape d’un délitement de l’Etat de droit, avant l’implosion du système social et le règne de la loi du plus fort. Notre pays n’ira pas jusque là tant que le système bancaire et la redistribution sociale fonctionneront, mais ces entorses à la légalité commune préfigurent une dégradation durable des conditions de vie collective.
Certaines voix politiques, jusque dans les rangs de partis de gouvernement, se complaisent dans la dangereuse compréhension des séquestrations. Les mêmes nous expliquent la légitimité de rémunérations exorbitantes de footballeurs qui distraient la masse grognonne tout en vouant au pilori les dirigeants de multinationales françaises qui perçoivent des sommes comparables à celles des coureurs du ballon rond, pour des responsabilités infiniment plus lourdes. Le populisme de gauche est là tout entier ! Accorder du crédit aux simplismes d’une population à bout qui ne souhaite qu’une seule chose : que surtout le système de fond ne change pas, qu’il redevienne la vivable vitrine d’avant la crise des subprimes, celle où chacun s’excitait pour augmenter son sacralisé pouvoir d’achat. Des fonctionnaires le réclament d’ailleurs toujours, lors de manifestations hétéroclites, ne se rendant pas encore compte du grotesque et de l’indécence de leur revendication dans ce contexte social.
Alors, sans doute, faudrait-il purger, à l’échelle mondiale, les établissements financiers et les plus grosses sociétés de pratiques délictueuses et de gens obnubilés par l’amassement pécuniaire jusqu’à l’obscénité provocatrice ; mais les remplacer par quoi et par qui ? Qui peut affirmer, et démontrer, que la vertu se concentre de telle manière chez les partisans d’un autre monde que leur confier les rênes d’une utopique direction mondiale résoudrait l’essentiel des maux de notre civilisation économique ? Leurre d’autant plus dangereux qu’il se pare de l’humaniste générosité.
L’histoire récente a connu ce genre de subterfuge idéologique qui cumule, sur des décennies, des dizaines de millions de cadavres. On est là dans une dérive autrement plus dramatique que les quelques plans sociaux qui n’empêchent personne de se lancer dans la création d’une activité. La liberté des uns, en l’occurrence des patrons, n’a jamais entravé celle de ceux dont ils louent (pour un temps limité, par définition) la force de travail et qui peuvent, à leur tour, passer la frontière imaginaire et devenir eux-mêmes entrepreneurs individuels, voire employeurs. L’étatisation de l’économie, sous couvert de protection des plus faibles, n’a produit que paupérisation généralisée au profit d’un petit groupe et la déresponsabilisation de tous ceux qui vivent par cet Etat interventionniste.