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Gabrielle Chanel ou l'indemodable élégance

Publié le 21 avril 2009 par Abarguillet

Gabrielle Chanel l'indemodable élégance  

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On doit à Gabrielle Chanel d'avoir inventé l'élégance moderne en rendant au corps féminin sa liberté. Femme indépendante, s'étant ciselée une légende en se fiant à son seul goût, jamais à l'air du temps, elle a été successivement en 2008/2009 l'héroïne d'un téléfilm et du dernier opus d'Anne Fontaine.
Gabrielle Bonheur Chanel vit le jour à Saumur le 19 août 1883 et passa les premières années de son existence sur les routes et les marchés, étant la fille d'un camelot issu d'une lignée de marchands forains cévenols et d'une humble couturière auvergnate. Lasse de suivre de foire en foire la carriole de son mari volage et ivrogne, sa mère confie Gabrielle, ainsi que ses trois frères et soeurs, à son frère avant de mourir à 33 ans. Après ce décès prématuré, Gabrielle, qui a alors 12 ans, monte pour la dernière fois dans la charrette de son père qui la conduit avec sa soeur aînée à l'orphelinat d'Aubazine en Corrèze, tandis qu'il place ses fils comme garçons à tout faire dans une ferme. Les années que Gabrielle va passer à l'orphelinat, bien qu'austères, ne seront pas malheureuses. Elle va y apprendre le dépouillement, la rigueur, et y recevoir une éducation qui sera, en quelque sorte, son seul et salutaire héritage. En effet, elle y découvre la beauté du dénuement, les lignes épurées et les contrastes d'un univers blanc et noir, celui des longs couloirs passés à la chaux que rythment les pavements, les fenêtres et les hautes portes ourlées de noir, contrastes qui contribueront à façonner son style.


A dix-sept ans, elle quitte l'orphelinat pour Moulins et entre dans une maison spécialisée en trousseaux et layettes afin d'y accomplir son apprentissage de couseuse. En même temps que ses premiers pas sur la scène d'un music-hall où naîtra la légende " Coco". Très courtisée par les officiers de garnison, elle finit par faire la conquête de l'un d'eux, Etienne Balsan, qui réalise son rêve en l'emmenant vivre dans son château de Royallieu, en forêt de Compiègne. C'est là, sous l'oeil amusé de son protecteur, qu'elle va  inaugurer une garde-robe personnelle et lancer sa mode d'amazone excentrique, privilégiant les polos et esquissant une ligne dépouillée et masculine qui ne tarde pas à susciter une vive curiosité dans ce petit monde guindé et aristocratique.


Mais Gabrielle s'ennuie à suivre les chasses à coure et à participer à des réceptions auprès de gens qui ne l'ont pas vraiment acceptée, et puis elle fait la connaissance d'un ami de Balsan, Arthur Capel, prénommé Boy par les intimes, dont elle tombe amoureuse. Boy l'enlève et la convainc de son talent, payant sur sa cassette son installation au 21 de la rue Cambon sous l'enseigne Chanel modes, où la jeune modéliste s'investira d'abord dans les chapeaux. Elle en couvrira les têtes des femmes qui comptent le plus dans la capitale, remplaçant les aigrettes et les plumes d'autruches par des cloches qui feront très vite fureur. Tant et si bien, qu'elle ouvre des boutiques, bientôt à Deauville, ensuite à Biarritz, raccourcit les jupes, supprime la taille, les traînes et les longues chevelures, poursuivant sa patiente pédagogie pour libérer le corps des femmes de ces signes de soumission et substituant - comme l'écrira son ami Paul Morand - l'allure à la parure. La guerre de 14, avec son lot de pénuries, aidera Chanel à faire table rase du passé et à créer une silhouette un rien androgyne pour des femmes appelées à prendre la place des hommes partis au front. Une bataille qui lui apportera la fortune, d'autant qu'à la mode vont très vite s'ajouter les parfums et les accessoires qui sont sensés apporter un supplément d'élégance à cette mode épurée.

Ayant annexé presque toute la rue Cambon, Mademoiselle - qui a renoncé au mariage après la mort accidentelle de Boy, son grand amour - est en 1939 à la tête d'une entreprise de 4000 ouvrières, contre 300 en 1918. Mais la seconde guerre va mettre un terme à cette ascension fulgurante. S'ouvre la page la plus sombre de son existence. Chanel ferme sa maison de couture, licencie son personnel, s'installe à l'hôtel Ritz et entretient de 1941 à 1944 une liaison avec un officier des services de renseignements allemands Hans Gunther von Dincklage. A la Libération, sans doute grâce à l'amitié de Winston Churchill, elle ne sera pas inquiétée. Mais il faudra attendre 1954 pour qu'elle accepte de rouvrir sa maison et, à l'âge de 71 ans, de revenir sur le devant de la scène et le monde très fermé de la Haute Couture. Si bien que les années 1960 sonneront  l'heure d'une nouvelle libération des femmes et d'une nouvelle révolution des moeurs et de la mode. Plus que jamais fidèle à sa philosophie - toujours ôter, toujours dépouiller, ne jamais ajouter - Chanel va, une fois encore, réussir à imposer au monde entier le symbole de l'élégance française : le tailleur tweed gansé assorti d'escarpins bicolores et d'un sac matelassé à chaîne dorée qui restent, en ce début de XXIe siècle, le sommet du chic et l'emblème de la femme moderne.


A LIRE L'allure Chanel  de Paul Morand   ( Folio Gallimard )

   L'irrégulière ou Mon itinéraire Chanel  d'Edmonde Charles-Roux  ( livre de poche )


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