X 2475 - 08. 01. 09
Dans une lettre de 1866 (à Aubanel) Mallarmé se situe. Il se reconnaît
lui-même, comme une « clef de
voûte » et évoque les « fils
déjà sortis de son esprit » (une toile d’araignée l’assurant de la réalisation
future de son projet). Puis il établit la relation que son travail entretient
avec un principe directeur, la vision d’une réalité objective, qui préserve la
création du fortuit. Le tissage des mots suit un dessein où les fils se nouent
aux « points de rencontre »,
soustraits au hasard ; ils préexistent. Aussi la main du moi est-elle guidée
par l’instance d’une nécessité, apportant confirmation ; il l’appelle Beauté,
l’associant dans une vision platonicienne (ou platonisante) à une ″immortalité″
ou ″éternité″, qui ne se dérobe pas aux contingences humaines, mais les
rehausse et les transforme, les transcendant dans le retrait grâce auquel la
rencontre peut se faire. La composition, dans cette présentation, équivaudrait
à une dictée.
X 2480 - 11. 12. 08
Remerciant Heredia, le poète parnassien, de l’envoi de ses Trophées, en février 1893, Mallarmé conclut sa lettre en écrivant :
« votre oeuvre en tant qu’éternelle
vient donc spécialement à son heure :... » Un lecteur ingénu pourrait
se méprendre et y voir un éloge excessif conforme à une courtoisie littéraire,
voire un peu mondaine. Il n’en est rien ; il faut lire : « là où ([en tant que]) elle est poétique,
elle est naturellement “éternelle” » : la durée se confond avec l’essence
de l’écriture, dans ce langage, comme en témoigne abondamment la
correspondance. La Poésie traverse les âges de l’humanité, du début à la fin.
Il n’aurait pas pu écrire ″en tant que poétique...″.
©Jean Bollack
Contribution de Tristan Hordé