La technique ? Mais qui s'en soucie ? On comprend très vite que L'idiot, avec sa courte durée (1h01) et son drôle de non-rythme, n'est pas un film conventionnel. C'est une expérience, voulue comme telle, une quête de l'esprit dostoievskien, un marivaudage volontairement léthargique où les comédiens ont des gueules pas possibles. D'improbables barbus, de beaux mâles sortis de la cuisse de Jean-Pierre Léaud, et cette grande perche peu ordinaire qu'est Jeanne Balibar. Tout ce petit monde s'amuse à jouer à côté de la plaque, pas tout à fait comme au théâtre, pas tout à fait comme au cinéma. C'est un spectacle intemporel, d'abord truffé de monologues grandioses sur des choses banales, puis se concentrant sur les choses de l'amour, le tout tournant autour de la divine (?) Nastassia Philippovna, qui fait languir les hommes et joue un jeu cruel avec eux.
On pourra s'exalter ou s'emmerder copieusement, être réjoui ou affligé par le ton et la mise en scène (ou par son absence), trouver compréhensible ou non l'idée d'avoir adapté un pan de bouquin. Mais finalement peu importe : L'idiot est véritablement une expérience, un truc qu'on est content d'avoir vu comme on est content d'avoir fait telle ou telle attraction de la fête foraine. On ne peut nier sa totale désuétude ou le profond vide qu'il laisse derrière lui. Mais c'est presque ce qui fait le charme de cette oeuvre, qui fera peut-être fondre les connaisseurs de Dostoievski, dont le texte est paraît-il respecté à la virgule près. Tant mieux pour lui.
5/10
(également publié sur Écran Large)
(autre critique sur Stardust memories)