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Les Impromptus Littéraires - au régime!

Par Sandy458

Cette semaine, les impromptus littéraires nous proposent de nous mettre au régime .
Après les agapes chocolatées de Pâques, sage décision...
 

Saint Régime, priez pour nous !

 

L'autre pétasse n'arrêtait pas de me le seriner :

 
- Mets-toi au régime, Cochonou!

Cette espèce de salope poussait le sadisme jusqu'à m'appeler « Herta » devant les autres. Ou « pâté Hénaff » lorsqu'elle avait décidé de changer un peu de moquerie.

Et je ne trouvais rien à redire, je me contentais de baisser la tête, le regard fixé au sol, espérant que la terre allait s'ouvrir pour m'engloutir.

J'avais honte de mon gras expansif, de ma taille défigurée par la graisse, de mes yeux qui s'enfonçaient dans le saindoux.

Lipides sur patte j'étais,  alors qu'elle affichait une outrageante silhouette filiforme.

Je supposais que je devais ma propension à enfler, même en me nourrissant exclusivement de quintaux de salade sans sauce, à des gènes familiaux mal fagotés et roturiers.

La garce venait d'une famille aristocratique  de Bayeux, ça se sentait dans l'attache déliée de ses chevilles et de ses épaules jusqu'à sa poitrine menue et  bien ferme. Ça tenait tout seul, pas un flageolement visible !

A vomir de perfection...

Alors, le jour où elle a chanté à tue-tête « Cochonou, le saucisson pur-porc comme on l'aime chez nous » en m'entraînant dans une farandole humiliante, j'ai décidé de prendre le taureau par les cornes.

Les « mâââââles » comme elle aimait les nommer avec une bouche gourmande, riaient sous cape en nous observant pendant qu'elle frappait ma croupe dodue et soupesait ma poitrine d'une main obscène.

Des pourceaux mal embouchés et crétins, voilà tout ce qu'ils étaient !

Je l'ai plantée sur place, la poufiasse à particule, je me suis sauvée, rouge de honte, en sanglotant de douleur.

Ça a pris la journée pour que la pelote d'aiguilles qui fourrageait mon cœur se calme assez pour me laisser réfléchir.

Le soir même, j'avais déjà conçu mon plan d'attaque anti-capitons.

Pendant trois mois, j'ai absorbé des litres d'eau plate à m'en noyer les cellules adipeuses.

J'ai mastiqué 36 fois avant d'avaler chaque bouchée de ce qui ressemblait à un repas festif pour oiseaux éthiopiens au régime.

J'ai fais de l'exercice à en épuiser Véronique, Davina, Jane Fonda et consœurs...

Et j'ai fondu comme fond la banquise de l'antarctique : avec régularité et méthode.

Fonte des glaces et fonte des graisses, même combat ! Réchauffez-moi !

Curieusement, alors que je maigrissais à vue d'œil, mon bourreau se bouffissait dans les mêmes proportions.

Ouvrage insondable et mystérieux de la nature, il semblait que nous étions reliées par une sorte de vase communicant.  La graisse qui me quittait, emplissait peu à peu son corps auparavant si délicat.

Ça faisait des poches  sous sa peau, comme des réserves de lard sous-cutané.

Ses fesses étaient devenues énormes, gonflées, prêtes à craquer sous la dent où la main qui s'y aventurerait. Sa poitrine avait triplé de volume, elle présentait d'énormes mamelles distendues qui pendaient et débordaient sur ce qui fut sa taille.

En effet, son ventre était devenu si proéminent qu'une gigantesque bouée avait gommé les anciennes formes si distinguées.

Etrangement, elle jubilait de sa transformation.

C'était vraiment à n'y rien comprendre jusqu'à ce que j'assiste à ses déambulations entre les « mââââles » : elle leur tournait littéralement la tête, ils se battaient pour l'admirer, la toucher et obtenir un rendez-vous coquin.

Des courbes, du dodu, du rebondi, de la matière à triturer et où enfoncer leur sale museau d'obsédé, c'était donc ce qu'ils voulaient !

Et pourquoi pas du cuir tant qu'ils y étaient ?

Elle l'avait compris, la garce, et elle m'avait évincée lorsque j'avais pris la tête dans la course à la séduction.

J'étais anéantie.

Tout ça, pour ça ?

Pour passer de Mae West à une Twiggy souffreteuse qui puait du bec à force de picorer du grain et qui suintait de l'eau insipide par tous ses pores ?

Entre vomir mes tripes à ses pieds et m'immoler  sur place, je ne savais plus quelle option choisir.

Ma vengeance est arrivée de façon tout à fait imprévue le jour où elle a été sélectionnée pour un concours de beauté.

Un matin, elle est partie dans un beau véhicule rutilant et on ne l'a plus jamais revue.

J'ai appris plus tard qu'elle avait donné des kilos de bon jambon bien rose, avec une couenne délicate estampillée « premier choix ».

Avec un joli tatouage bleu.

Sexy, non ?

Tout ce qu'apprécient les hommes en effet...

 

Les Impromptus Littéraires - au régime!


photo de Joshua Lutz, Wikimedia Commons, domaine public

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