Faut-il repenser globalement le CGO et les rapports de la périphérie de Strasbourgeoise avec la circulation ? Un usage quotidien, une analyse des données existantes, un souci de la prospective me pousse à aller plus loin que l'immédiateté et à penser les conséquences des choix émis.
Reconnu d’utilité publique en 2007 et intégré parmi les priorités du Gouvernement Fillon dans le cadre du plan de relance de l’économie, le Grand Contournement Ouest de Strasbourg, plus connu sous le nom de GCO, n’a pas fini aujourd’hui de faire couler de l’encre, ni demain du bitume.
Si son objectif noble, sous le nom de A355 est bien de fluidifier la circulation autour de Strasbourg et d’optimiser les liaisons vers d’autres villes moyennes du département, rien n’assure aujourd’hui qu’il le remplira à lui seul.
Penser résoudre la problématique des transports et des services collectifs en créant une route de plus pourrait donc être une « fausse bonne » solution ayant, qui plus est, autant l’apparence de la facilité qu’un coût non négligeable.
Solution recevable de prime abord, le GCO est porteur d’un défaut majeur dont on voudrait qu’il en soit l’atout, en ce qu’il fluidifie la circulation.
On pourrait effectivement d’abord clairement s’en réjouir ; sauf qu’à courte échéance, une telle fluidification de la circulation porte naturellement en elle, une persistance des habitudes périurbaines de transports, mais plus encore un renforcement de l’offre de transport à l’échelle de la périphérie de la capitale alsacienne (ce alors même qu’il faudrait un maîtrise).
A une époque où l’on prend conscience de l’impact de la production de CO² et de gaz polluants, le GCO viendrait finalement renforcer et faciliter le transport routier, donc la production des dits précédents.
La nature ayant horreur du vide, il y a ainsi donc fort à parier que tout nouveau tronçon routier, même payant (on prendra en exemple le péage londonien qui n’a permis de décongestionner la ville que de façon temporaire, tout en générant des effets collatéraux importants) serait vite rempli avec pour effet paradoxal de congestionner la circulation à de nouveaux points.
Repenser le plurimodal ?
A ce stade, on peut donc s’interroger sur la compatibilité d’une voie favorisant et fluidifiant le choix de la route alors que les collectivités (CUS, Conseil Général, et Conseil Régional) semblaient vouloir favoriser une vision multimodale de la circulation des biens et des personnes.
Enfin, comment ne pas penser que le fait de fluidifier sans les modifier les habitudes de transports concurrent au développement de l’étalement urbain et à la création, non plus de cités dortoirs mais de villages dortoirs ? En effet, qu’on le veuille ou non, la mobilité renforcée, les déplacements fluidifiés favorisent la création de bassin mort où l’on vient s’entasser dans un cadre idéal mais dévitalisé.
Relocaliser l’activité économique et favoriser le télétravail
Or, c’est de revitalisation dont ont besoin ses espaces. Comment penser le GCO sans ses effets collatéraux ? Les communes qu’il irriguera ont plus besoin d’acteurs économiques locaux que de nouveaux habitants. Il leur faut donc une revitalisation qui passe par le développement numérique (haut-débit) et un retour d’une vitalité économique de proximité par le biais d’activités utiles et sédentarisables : une véritable relocalisation apte à permettre le vrai retour de la vie et son enracinement durable dans ses bassins. Peut-être y-a-t-il là un plan de relance durable auquel personne n’a pensé à ce jour ?
Les efforts du Conseil Régional en matière d’irrigation numérique et de haut débit pourraient ici, conforter par des partenariats avec les autres collectivités locales en charge du développement économique, jouer un rôle capital sur l’implantation de nouveaux métiers et cyber-centres.
Impact écologique et effet durable ?
Enfin, on ne serait pas complet sans une évocation de l’impact environnemental. Les travaux de mise en place et la construction du GCO ne manqueront en aucun cas, en plus de l’impact sur les transports, d’avoir des conséquences sur la diversité et l’équilibre de l’écosystème et de ses composantes animales et végétales. La faune locale pâtira naturellement de voir son espace d’évolution réduit ou profondément morcelé
Toutes ces observations mises bout à bout, impliquent sans doute aujourd’hui non de jeter le projet du GCO à la poubelle, mais de le relire en prenant en considérant les impacts immédiats et futurs de celui-ci sur la nature et sur les modes de vie dont on souhaite faire bénéficier les générations futures. Alors une relecture, puis une réécriture seront possibles.
Il ne fait nul doute que la gestion des transports conditionne l’avenir, mais les choix d’aujourd’hui aussi. Or, comme nous l’enseigne Bernanos « l'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on le fait ».
Notre avenir commence donc avec les choix d’aujourd’hui, raison de plus de prendre le temps d’une vraie réflexion et de se donner les moyens de mesurer autant les impacts que les effets collatéraux de toutes les décisions !
Stéphane Bourhis - Ancien Conseiller Régional d’Alsace ( 1998-2004)