L'islam a su intégrer d'antiques cosmogonies du continent africain. On assiste régulièrement au mariage musical du visible et de l'invisible, une excellente communication entre le monde des génies et celui des humains, à la fois rite de fécondité (chez les africains en général les enfants ont de tout temps été ce qu 'il y a de plus important. On souhaitait toujours aux gens d'en avoir beaucoup. Ils faisaient la fierté, l'honneur et la joie des parents surtout de la femme) et transe thérapeutique durant laquelle, on observe une désorientation, voire même une distorsion du temps et de l'espace qui favorisent de nouveaux apprentissages.
kamal abdi.... aita safi
par elouassi
Le genre musical dit de la Aïta est pratiqué dans les régions de Abda, Chaouia et Doukkala, c'est-à-dire dans l'axe Casablanca-Safi au Maroc, c'est à dire au confin où les tribus arabes et bédouines cultivent cet amour pour l'improvisation poétique. Aujourd'hui encore, beaucoup de groupes s'inspirent de leurs compositions qui restent d'actualité.
La pratique de la aïta au Maroc est une coutume ancestrale qui conférait à des gens connus pour leur probité et leur modestie la faculté de décrire par le chant et la parole, la vie quotidienne, les problèmes et entraves de leurs semblables. Ces troubadours, transmettaient leur savoir oralement par l'entremise de la poésie, du chant et du jeu théâtral. Il est fréquent de voir ce groupe chanter et à l'intérieur même de la chanson, y introduire une saynète théâtrale.
A l'origine, cette musique est un appel de ralliement, elle est en rapport avec les pleurs et les joies et elle constitue, comme toute poésie digne de ce nom, un écho répertoire des joies et soucis quotidiens qui dessinent en filigrane le destin des êtres humains et à travers eux des peuples et figure la partie intime et toujours vivante de la mémoire comme un cœur qui bat. Les origines de cette musique de la plaine qui a pris naissance dans le domaine des tribus Abda, Doukkala et Chaouia au gré des fêtes et des circonstances.
La chanson Al Aïta se trouve généralement livrée à l'appréciation précipitée des non-spécialistes, parce que son côté péjoratif occulte d'autres aspects et valeurs. Al Aita, raconte la nostalgie et les aspirations, les plaisirs comme les douleurs. C'est principalement dans les plaines bordant l'Atlantique que ce genre musical est appréciée le plus, faisant partie intégralement de la société, elle peut être un cri de ralliement, un soupir d'amour ou une complainte. Par beaucoup d'aspects, elle s'apparente à la geste Hilalienne (une tranche importante des tribus des Béni Hilal).
Tous ces styles se retrouvent dans les mariages urbains ; Les orchestres chargés d'animer l'évènement sont tenus de jouer tous ces répertoires. Un mariage marocain célébré en ville est presque à lui seul un festival. Ces mariages ont permis l'émergence de beaucoup d'artistes dont l'expérience ne cesse de s'enrichir et de se renouveler au fil des manifestations. Cela est également vrai dans le domaine de la chanson populaire comme le chaâbi par exemple.
Il existe à Safi une variété de Aïta appelée Haçba. Son répertoire est limité à quelques exemples du genre. Son caractère triste et secret la rend inaccessible partout ailleurs pour un public habitué généralement aux styles francs et modulants. La aïta Jabalya est un genre musical issu du nord-ouest marocain, que les « Jbala » (montagnards) aiment profondément.
Aux dires des historiens, la ville référence Ouezzane située au sud de Tanger existait déjà à l'époque romaine. Elle est connue en particulier pour son artisanat du bois, de la laine appelée « El mharabla », lainage à bouclettes fait à la main. Les travaux de la laine servaient de modèle et il est fréquent de dire : " Kherqa Ouazzania ou lem rehbla". Mais il y a autre chose encore qui assure la réputation de cette ville, c'est le soufisme. Une confrérie appelée Tariqa El Ouazzania du nom de la ville s'est implantée donnant rapidement naissance à d'autres écoles religieuses, d'autres tariqa formant « Ahel el touat ». Tous les arts sont représentés et la musique occupe une place de choix avec la « Aïta Jabalya » appelée aussi la « Chanson de Jabala ».
Les Ayout sont souvent chantées par un groupe mixte d'hommes et de femmes (les Cheikhates). Dans le cas où celles-ci sont absentes, l'un des hommes les plus efféminé du groupe revêt des habits féminins et imite la voix et la danse des femmes. Al Aita de Wlad Hmar en est un exemple concrêt. Les plus jeunes parmi les "cheikhate" exécutent devant le public des danses sensuelles (jeu du ventre et des hanches, ondulations et frémissements du corps, balancement de la chevelure...).
Les inconditionnels d'Al Aita savent qu'à travers le cheminement des chants on découvre une histoire sociale, des héros, des personnages mythiques, une mémoire rurale ancestrale. L'on se rappelle encore de Fatima al Kobbas, de Chikha az Zahhafa, de Bouchaïb al Bidaoui et du Maréchal Qibbou ou de Hajja Hamdaouia qui continue à intéresser des nostalgiques. Il est peut-être utile de rappeler à ce propos qu'à l'origine, l'Aita est un appel de ralliement, qu'elle est en rapport avec les pleurs et les joies et reflète une poésie digne de ce nom, un écho des joies et soucis du quotidien et du mektoub (destin) des êtres humains et et de la mémoire collective du peuple. Les origines de cette musique de la plaine se situe au confins des fêtes familiales et des traditions tribales. Hajja Hamdaouia a donc choisi l'aïta comme référence musicale majeure, recueillant ainsi les rythmes et paroles héritées de l'aïta dite "Al Marsawiya" de la région de Casablanca. Hajja Hamdaouia en a fait un art avec une centaine de titres à son actif, en demeurant la chanteuse de «marsaoui» la plus prolifique et la plus adulée et sans aucun doute la plus célèbre ambassadrice de ce genre musical populaire.
Les Cheikhates et les amoureux d'Al Aita se donnent rendez-vous à Safi au Festival de l'Art populaire d'Al Aita! Les soirées de cette manifestation, se déroulent habituellement sur la Place My Youssef, et sont animées notamment par des groupes de Houariate Safi, Laâbat Settat, Oulad Ben Aguida, Mustapha El Bidaoui, Mazagan, Cheikha Khadija Markoum et Mustapha Bourgogne.
Les plus avertis gardent encore un respect distant à Mohamed Da'baji et à Fatna Bent Lhoucine, derniers parmi les derniers représentants de la vraie Aïta.
Aujourd'hui, le côté divertissant et parfois érotique prend le dessus sur le vrai sens de ce chant (il est parfois considéré comme impie, sulfureux et contre nature).
Voir aussi
- Mohamed El Houari et la Aïta Jabalya
- Le groupe Tagada et la pratique de l'aïta intemporelle
- Abdelaziz Stati