Le Thème :
Depuis le col on aperçoit la mer, très loin, et plus au sud, sur la côte, quand le temps est assez clair, la tache claire de la capitale. Trois jours de marche suffisent pour s’y rendre. Des hauteurs de sa citadelle, on discerne les montagnes, couronnées par le pic de la Miséricorde qui semble une dent de fauve posée à l’horizon. On devine que la région serait un terrain de chasse idéal ; pourtant, nul ne s’en approche sans nécessité impérieuse. Ici est la Forêt qui vous laisse, ou non, passer, qui vous garde ou vous rejette. Ici sont les Gardiens des refuges, tel Antò, qui prennent soin de ceux qui s’égarent dans les chemins traîtres des montagnes, les guident ou les raccompagnent. Gardiens qui, choisis par la Forêt, ne redescendent plus dans la plaine où règne le tumulte des hommes. Ce tumulte qui, soudain, propage ses échos jusqu’au fond des vallées, accomplissant, semble-t-il, les anciennes prophéties…
Avec son recueil de nouvelles "Presque rien", je tiens "Antò" pour le texte le plus abouti de Jean-Christophe Heckers.
Atmosphère à la fois envoûtante et onirique, imprécision spatiale et temporelle, mise en retrait des thèmes habituels (sauf celui de la Quête) au seul bénéfice de l'étrangeté et d'une forme d'anticipation, autant d'atouts pour ce roman assez court (cent-vingt pages) qui peut se lire comme la traversée d'un rêve éveillé dont on ne saura jamais s'il est en fait rêve ou réalité.
Qui est le héros ? D'où vient-il ? Où va-t-il ? Le jeune Antò est-il son double ou lui-même revenu d'une autre période de son existence ? Si oui, pour quelles raisons ? Et comment tout cela finira-t-il ? ... En ce sens, la fin, loin d'être frustrante, colle parfaitement à l'ensemble du texte. ;o)