Et à l'écoute de ces chansons qui finalement, ne sonnent comme aucune autre - c'est bien là toute la singularité de ce groupe - il n'est pas interdit de penser que des exégètes comme Spiritualized (en fait des contemporains avec lesquels ils partagèrent un fameux split-single), The Olivia Tremor Control ou, plus près de nous, Animal Collective, sont allés puiser matière et inspiration pour leurs grandes oeuvres passées et à venir.
Ils auraient toutefois du mal à approcher la folie, l'esprit iconoclaste de ces cintrés qu'était la bande des Grasshopper et Jonathan Donahue, uniques survivants de la formation initiale de 6 musiciens. L'exode allait commencer avec le départ forcé du chanteur David Baker, chanteur au timbre voisin de Kim Fahy des Mabuses et à la psyché timbrée proche de celle d'un Syd Barrett; puis tous, méthodiquement et un par un, allaient quitter le navire !
Il faut dire qu'on ne pouvait imaginer plus parfait suicide commercial que l'introduction du disque par un morceau de plus de 10 minutes, et chassant sur les mêmes plate-bandes que l'inaugural "Chasing A Bee" de Yerself Is Steam : même flûte enchanteresse de Suzanne Thorpe, même ambiance gentiment bab communautaire propre aux bandes-sons jeu-video d'un Polyphonic Spree. L'objet du délit répondait au titre phonétique (autre marque de fabrique !) "Meth Of A Rockette's Kick", une ritournelle inoffensive qui devait s'achever dans une sorte de chorale improbable. Le même genre d'expérience serait proposée en ouverture de la face B, avec le très free single "Something For Joey", et ses enluminures de sax bruitistes.
Pour le reste, et dans le chaos ambiant, nous étaient réservées des chansons plus... classiques, avec les très noisy rock "Trickle Down" ou "Bronx Cheeer". Autre morceau de bravoure, la swingante et presque jazzy "Boys Peel Out" , avec ses brisures de synthé ou de vibra. Le calme avant la tempête ?
Sans doute, à l'aune de la déjà mentionnée face B, par le biais d'une chanson monumentale, bravache et intrépide entre toutes, perso ma préférée de l'album, ce "Snorry Mouth" fiévreux, inquiétant, agressif sous ses airs pop ! Car ce n'est pas la moindre réussite de ce disque que de convier à des atmosphères finalement bien plus abouties que le boxon et la folie ambiante le laissent supposer.
En ce sens, mieux construit et plus cohérent que son prédécesseur - mais sans l'effet de nouveauté -, Boces donne à découvrir, à l'exception d'une ou deux récréations, le meilleur de ce groupe mythique, qui peu à peu allait se découvrir une crédibilité mainstream. Adoubée par à peu près tout le monde, et se repaissant désormais d'un psyché-prog convenu, la formation de Buffalo, drivée par un Jonathan Donahue passé au chant, allait à partir de Deserter's Songs (98) et, à la manière de Radiohead, Flaming Lips et d'autres, un peu tromper son monde en livrant moult disques paresseux, mais "légitimés" par la production de Dave Fridmann, l'un de ses membres initiaux !
Une trajectoire Pinkfloydienne, qui ne saurait faire oublier la schizophrénie ainsi l'effrayante et foutraque inventivité de ce groupe hors-normes que fut Mercury Rev durant 3 petites années. Un disque foisonnant, à l'image de sa pochette plantureuse, mais qui n'offre sans doute pas le même confort d'écoute que le confortable appui-tête dévolu au petit bonhomme. Mais il est des écoutes qui se méritent, hein ?
En bref : pour ceux que le terme "psyché" rebute, et est synonyme de facilité fourre-tout, écoutez plutôt ce deuxième et ultime LP de la première mouture de Mercury Rev, la seule qui vaille : du rock inclassable qui louvoie entre noise, refrains pop désarmants et fornications free jazz. Indispensable.
le site, le Myspace
le Myspace de Shady a.k.a David Baker (plus intéressant)
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"Trickle Down"