Comprenez : j'avais hâte de voir Gab, parti il y a quelques semaines. Premièrement, pour lui remettre son chocolat de pâques, n'ayant pu le voir la semaine dernière. Deuxièmement, pour me rassurer : qu'il ne vivait pas dans une dump. Troisièmement, pour lui apporter des trucs : cafetière (j'ai brisé le récipient en verre ce matin dans mon excitation) et autres ustensiles de la vie pratique (j'ai cherché une batterie de cuisine et un set d'ustensiles à mon passage ce matin chez home depot puis chez loblaw's - sans succès). J'ai remplacé le récipient de la cafetière par une tasse en verre du bon format, ai pris deux autres tasses super kitch usagées dans mes vieilles affaires, ai lavé un vieux bac à recyclage et ai mis cela dedans. Partie en char faire des emplettes. Faute d'avoir cuisiné ces temps-ci, je n'ai pu apporter de la bouffe maman, mais j'ai acheté 2 pots de sauce à spag et 2 paquets de spagat, des mangues bien mures et des fraises bio (genre de trucs que les kids s'achètent pas en premier lieu).
J'avais peur qu'il ne veuille pas me voir. En fait, à cet âge-là, après avoir voulu rompre mon cordon ombilical avec maman depuis déjà bien longtemps, je me suis passée de sa présence pendant des lunes - des mois j'ai l'impression. Quand tu gagnes enfin ta liberté, il me semble que la dernière chose que tu veux voir, c'est une réminiscence de ta vie d'avant. M'enfin, j'avais une mince appréhension alors que moi, j'allais le voir avec tellement d'excitation. Je me suis dit : mon fils, il me prendra comme je suis, je suis sa mère et j'ai envie de le voir.
Suis arrivée devant chez eux à 2 pile, stationnée avec mon carosse de mère bourgeoise dans une mini-rue ensoleillée du centre-sud. Tu vois, aujourd'hui, la magnifique journée de printemps porte à l'allégresse, les gens se promènent, le sourire fendu jusqu'aux oreilles, même dans les quartiers moins nantis, plus centraux, populeux, populaires. À côté du métro Berri, au sud d'Ontario, sur St-Christophe. Do, tu dois connaître, quand on monte jusqu'à Ontario, on tombe sur le Cheval Blanc, en marchant vers l'ouest, on tombe sur le défunt Hasard qui était notre hang out de jeunesse il y a 22 ans. Un peu plus loin, le cégep de fils, cela se fait à pied.
Voilà, j'ai donc pour la première fois de ma vie, visité un appartement loué par ma progéniture. Quel drôle de feeling. C'est comme je l'imaginais (moins droit et moins coquet qu'un 2e ou 3e logement) mais en mieux encore. Les gars, fils et coloc, sont bien installés, il y a du linge sur la corde à linge et de la bouffe dans le frigo. Il n'y a pas de vaisselle qui traîne dans le lavabo. Gab a une superbe énorme chambre (je l'envie, je n'en ai jamais eu d'aussi grande!). Il y a un babillard en liège sur lequel sont tackés des documents (ça traîne pas partout).
Savez-vous à quoi on reconnaît un premier appart - d'étudiants, on s'entend? La couleur des murs est celle des anciens locataires et ne changera pas d'ici la fin du bail - Gab, si tu entends peindre, demande au proprio de payer la peinture. Au pire, on dessinera direct sur les murs (Do et JF avaient peint un cube dans un coin dans leur 1er appart du centre-sud - illusion d'optique). Il y a des affiches sur les murs (moi, j'ai trainé 37,2 le matin d'un appart à l'autre pendant quelques années quand même). Les instruments de musique jalonnent toutes les pièces. Il n'y a pas de rideaux. Ils sont divisés comme aucun appart conventionnel, souvent loués d'un proprio qui a pris le parti de faire 2 apparts en en séparant un plus grand, pour faire plus d'argent. Loyer de 600$ non chauffé quand même!
Les gars étaient ravis de la cafetière, même si le récipient est remplacé par autre chose. J'ai laissé un sac de café moulu Starbucks - un peu de luxe dans leur vie, ça sert à cela des parents à ce stade-là. Gab m'a dit que c'était pas nécessaire la bouffe, qu'il y en avait dans le frigo, ils ne manquaient de rien. Les gars voulaient mon opinion, trouvaient qu'ils ne payaient pas cher pour la localisation. Non, c'est très bien, très très bien même pour un premier effort! Keep on! C'est génial, j'en ai les larmes aux yeux de bonheur et de nostalgie. Un gros pincement heureux. Vraiment. On a parlé de choses pratiques, il m'a montré la confirmation de son ouverture de compte auprès d'Hydro, je lui ai ramené ses relevés d'impôt, non je ne les utilise plus, il est mieux d'en bénéficier lui-même, qu'il aille chercher sa déclaration provinciale chez Desjardins puis sa fédérale je sais pas où pis je t'aiderai à le faire Gab, faut commencer un jour, pis tu vas probablement retirer 100 piastres cette année.
Suis partie, les gars m'ont saluée. Coloc était encore une fois reconnaissant pour la cafetière, son rêve, qu'il disait. Suis rembarquée dans ma bagnole bourgeoise et m'en suis revenue par les rues étroites du centre-sud, puis du plateau, puis de la petite patrie. Me suis stationnée devant la maison et en ouvrant la porte, me suis dit que j'étais vraiment une mère comblée.
Comme tu m'apportes du bonheur, cher Gabriel, je suis tellement fière de toi, je te souhaite la plus grande et la plus belle vie! Bisous et câlins. Ta mère.
ps Gab : c' pas pour t'inquiéter, mais quand belle-maman vient nous voir, elle ramène tout le temps des kossins à son fils, un pot de moutarde, de confiture, du chocolat, des trucs tu sais, même si ça fait plus de 20 ans que chum a quitté la demeure maternelle. Des réflexes qui durent longtemps, dans le coeur d'une maman.