Pour laminer le XV de France, il aura suffit que son sélectionneur, actuel vendeur de jambon sous vide et futur (sous) ministre des Sports, leur impose la lecture de la lettre de Guy Moquet avant le match d’ouverture de la coupe du monde. Outre le fait que Bernard Laporte a par ce geste battu des records en matière de léchage de bottes présidentielles, comparer un simple match de rugby à la guerre en plus d’être malsain et aberrant, n’a pas, loin s’en faut, porter ses fruits en matière de motivation (faut dire qu’un texte commençant par "je vais mourir", on connaît mieux pour se motiver…).
Sans surprise ce que la technique Sarkozy a réussi pour le XV de France semble encore mieux fonctionner sur le PS. Et là nul besoin d’aller lire la lettre de Guy Moquet rue de Solferino. Une simple annonce un rien provocante au sujet des régimes spéciaux de retraites aura suffit aux éléphants et autres jeunes lions pour s’envoyer des invectives. A peine le temps pour Nicolas Sarkozy de confirmer, pour une fois, les propos de son Premier ministre en assurant que "ces réformes se feront" (quand il l’aura décidé) pour que le PS se retrouve, une nouvelle fois, à feu et à sang. Si François Hollande, prudent, s’est contenté de mettre en garde le gouvernement contre toute "précipitation" et toute "brutalité" sur le dossier, d’autres comme Arnaud Montebourg font un pas vers la négociation en reconnaissant que "la retraite à soixante ans à taux plein ne peut plus se justifier pour toutes les catégories. En raison des différences d'espérance de vie, un instituteur n'est pas dans la même situation qu'un maçon de même qu'un cadre supérieur et un ouvrier des abattoirs". Michel Sapin ne dit pas autre chose en affirmant que "cette réforme constitue l'un des sujets les plus délicats à aborder. Y compris dans nos rangs. Mais il n'est pas question d'en faire un tabou", tout en prenant soin de rappeler que "traiter la question des régimes spéciaux ne résoudrait en rien le problème des retraites du régime général".
Mais outre ses positions modérée, même si elles ne manqueront pas de s’attirer les foudres de l’aile gauche du parti, certains aiment à jouer la provocation. C’est le cas de Manuel Valls qui semble décidé à prendre le parti par la droite (à moins que le député-maire d’Evry ne cherche à se placer en prévision de la prochaine vague d’ouverture…) et qui se fait plus sarkozyste que François Fillon lui-même en affirmant qu’il "faudra aligner les régimes spéciaux sur le régime général, c'est une question d'équité et une question financière". Cela qu’il y a de bien au PS, c’est la maîtrise de la nuance : face à cette déclaration à l’emporte-pièce, la réponse de François Filoche de qui défend au contraire la généralisation des régimes spéciaux "progressive à d’autres catégories" pour les "travaux pénibles physiquement et mentalement", vaut le détour. Selon lui, Manuel Valls "dit des choses auxquelles il ne connaît rien et devrait retourner à l’école élémentaire du droit du travail avant de parler". Que c’est beau un parti soudé…
Une fois n’est pas coutume, c’est Benoît Hamon qui joue les arbitres avec une position sensée en centrale au sien du PS : "si une réforme est nécessaire, pour des raisons de financement. Nous exprimons notre inquiétude sur la méthode du gouvernement".
Quelqu’un lui a-t-il dit qu’il se tient exactement sur la même ligne que la CFDT, honnie par le PS en 2003, quand François Chérèque dit être "favorable à discuter d'une évolution des régimes spéciaux de retraite, pour une raison simple: si on ne fait pas évoluer ces régimes, ils seront en faillite et les retraites des personnels ne seront pas versées", mais que "si le gouvernement a décidé de passer en force, il y aura un conflit majeur"…