«Ségolène Royal me demande de lui organiser une série de rencontres avec des responsables américains. Nous sommes au début de janvier 2007 : une date impossible. La Chambre des Représentants vient juste d’être renouvelée. Je fais néanmoins jouer mes relations chez les démocrates et, avec l’aide de Jean-David Levitte, ambassadeur à Washington, mais aussi de mes amis Marion et Elie Wiesel, je parviens à monter un programme où elle pourra rencontrer Bill et Hillary Clinton, Nancy Pelosi, la première femme élue présidente de la Chambre des Représentants ainsi que… le sénateur Barack Obama, avant l’annonce de sa propre candidature présidentielle. Ce n’est pas simple. Il faut louer un avion pour rencontrer les uns et les autres entre Washington où se trouve Nancy Pelosi, New York où séjourne Hillary Clinton, Chicago où réside Obama, et Boston où Bill Clinton préside une réunion des élus démocrates à laquelle il m’avait convié. [...] Au dernier moment, revenant de Chine et du Proche-Orient, Ségolène Royal me dit : «Non, j’ai trop voyagé, je préfère ne pas y aller.» J’en suis un peu triste, et en même temps soulagé. [...] L’expérience me fait vite comprendre, malheureusement, que l’on est embarqué sur un bateau dont le capitaine change trop souvent de cap, au gré d’humeurs ou de sondages pour arriver à destination.»
Non, vous ne rêvez pas. Jack Lang, connu pour être un modèle de constance et d’insensibilité à la versatilité des sondages, est celui par lequel tout socialiste doit absolument passer pour avoir une chance de rencontrer le gratin du Parti démocrate américain. Ségolène Royal, en bonne cruche qu’elle est, n’a évidemment pas profité du coup de main de l’illustre Jack Lang, le confident des grands de ce monde…
Comment Ségolène Royal a-t-elle pu ignorer un homme qui possède un tel carnet d’adresses et qui, d’un seul claquement de doigts, pouvait lui ouvrir toutes les portes à Washington ? On comprend le soulagement a posteriori de Jack face à tant d’ingratitude.
On pourrait même généraliser le propos. Comment la France peut-elle continuer de passer à côté d’un individu aussi influent qui mériterait assurément de remplacer Bernard Kouchner au Quai d’Orsay ?
Le problème est qu’on ne manie pas la langue de pute impunément. Pour ce faire, il vaut mieux ne pas prendre ses fantasmes de puissance pour la réalité. Aveuglé par son sens grandiose du moi, Lang a oublié un point fondamental : il demeure un nain politique doublé d’un mythomane de la pire espèce.
Dans une mise au point, François Rebsamen, ancien codirecteur de la campagne présidentielle de Ségolène Royal, a eu l’occasion de le rappeler en des termes un peu plus diplomatiques que les nôtres :
« Nous découvrons avec surprise que Jack Lang aurait préparé un voyage aux Etats-Unis et même, quel talent et quel entregent, un entretien avec Barack Obama. Cet entretien et ce déplacement n’ont existé que dans l’imagination de Jack Lang. Il est dommageablepour lui de semettre ainsi en scène a posteriori et désobligeant pour Barack Obama d’être ainsi instrumentalisé. »
Il y a fort à parier que la surprise manifestée par Rebsamen est en réalité une marque malicieuse d’ironie, tant les socialistes sont habitués aux déclarations fantasques de Jack Lang.
Car de surprise, il n’y en a guère. En effet, Lang ne changera jamais. D’ailleurs, c’est le titre de son bouquin : « Demain comme hier ».