Je suis arrivé hier soir au Maroc, pour une semaine de reportage sur place afin de mieux mesurer la réalité du développement des centres offshore de ce pays francophone. De facto, en identifiant en 2005 l’outsourcing informatique ou de processus métier (BPO) parmi les sept moteurs de la croissance du royaume (plan Emergence), le gouvernement marocain visait avant tout les grands comptes français qui restaient réticents face à l’offshore notamment indien, donc anglophone.
L’ingénieur marocain choyé
De façon assez ironique, le Maroc est confronté finalement à un problème similaire à celui que rencontre le géant indien : le low cost l’est de moins en moins. C’est en tout cas ce que je retiens de la conversation que j’ai eue hier soir avec Yves Poll, le fondateur et président de Fedaso. Créé il y a quatorze ans, le centre marocain de ce spécialiste du traitement de documents et de la capture d’information emploie 400 personnes environ à Fès. Majoritairement des techniciens et opérateurs pour lesquels les salaires sont cinq fois inférieurs à la France ou la Belgique (le pays d’origine de Fedaso). Mais aussi des ingénieurs. Qui eux sont payés juste deux fois moins que leurs homologues hexagonaux. Soit quelque 1 000 à 1 200 euros pour un débutant. Avec une progression rapide de la rémunération, Yves Poll évoquant couramment un doublement de la rémunération en cinq ans.
Ce constat m’amène à plusieurs réflexions :
1) D’abord l’ingénieur au Maroc vit mieux que son homologue en France, si on se base sur le niveau de vie moyen des deux pays.
2) Ensuite, ces salaires sont l’indice d’une certaine tension sur ces profils. Là aussi, en parallèle du plan Emergence, le gouvernement marocain a mis en place un plan destiné à renforcer le nombre de compétences disponibles localement. Mais la question est de savoir à quelle échéance ce programme portera ses fruits.
Le fait que le gouvernement local ait récemment fait des appels du pied aux ingénieurs marocains exilés pour qu’ils reviennent travailler au pays (en mettant même en avant les discriminations dont ils sont victimes en occident !) constitue un autre indice de cette tension.
3) Enfin, à l’image du virage déjà largement entamé par les prestataires indiens, l’offshore marocain ne peut plus se contenter de proposer des services moins chers. Comme me le disait Yves Poll, si on vise le low cost aujourd’hui, il faut aller à Madagascar ou au Vietnam (pour des besoins francophones). Aux centres marocains de s’orienter vers des services à plus forte valeur ajoutée. C’est d’ailleurs la voie suivie par Fedaso, qui, après avoir démarré sur des opérations de saisie de formulaires, a renforcé peu à peu le contenu technologique de ses offres et s’oriente de plus en plus vers la prise en charge de processus métier (BPO).