En cas de besoin urgent, la Préfecture de police serait capable de déployer jusqu'à 1 000 policiers supplémentaires dans les banlieues.
La sanglante bagarre en gare de Lyon à Paris, opposant lundi dernier au petit matin plusieurs dizaines de jeunes descendus de Seine-Saint-Denis, de l'Essonne ou encore des Hauts-de-Seine et se soldant par un mort et deux blessés, est la dernière illustration d'un phénomène dorénavant connu : plus de la moitié des personnes mises en cause dans la capitale n'en sont pas originaires. Des années durant, une succession de stratèges policiers a caressé l'idée de donner corps à une police d'une nouvelle dimension, s'émancipant de ses carcans territoriaux pour mieux s'attaquer aux racines de cette délinquance mouvante, ignorant les frontières.
Les bouffées de violence qu'a connues la région parisienne lors d'expéditions punitives le mois dernier dans des écoles ou de guets-apens tendus à la police ont achevé de convaincre Nicolas Sarkozy, partisan de cette nouvelle donne policière. Lorsqu'il dévoile un ambitieux plan de lutte contre les bandes violentes le 18 mars dernier à Gagny (Seine-Saint-Denis), le chef de l'État a souligné que «ces phénomènes se développent aujourd'hui à l'échelle des agglomérations». Soucieux d'«accélérer la modernisation de nos outils policiers», l'hôte de l'Élysée a donc demandé au ministre de l'Intérieur de lui «proposer une réforme du commandement de la fonction de sécurité qui tienne compte de cette logique d'agglomération». Prévue à terme «pour l'ensemble de la France», Nicolas Sarkozy la souhaite «d'abord pour la région parisienne où le préfet de police doit avoir la responsabilité de la sécurité non seulement sur Paris mais aussi la petite couronne». Ce vœu avait été évoqué lors de son discours fondateur à la Grande Arche de la Défense, le 29 novembre 2007, où il avait exhorté les chefs de police à «travailler ensemble».
Sans attendre, la Préfecture de police de Paris a pris en compte le profil de cette nouvelle délinquance, violente et très mobile, en mettant sur pied des structures policières plus transversales. Ainsi, depuis 2003, le Service régional de la police des transports (SRPT) peut suivre à l'échelle de toute l'Ile-de-France les déplacements de bandes en temps réel : un «comité» d'accueil en civil et en tenue, coordonné à distance, permet d'intercepter les voyous avant leur passage à l'acte. Dans le même esprit, un plan régional antibraquage, imaginé en 2002, est déclenché à chaque attaque pour diffuser des signalements de suspects à l'ensemble des services répressifs régionaux.
Évoquant une «police intégrée sur le territoire de Paris et des trois départements de la petite couronne», soit 6,5% de la superficie de l'Ile-de-France, la Préfecture de police réfléchit à dégager des économies d'échelle par la création d'un seul et unique «état-major d'agglomération » pour mutualiser les forces sur le terrain.
Faciliter le renseignement
En respectant bien sûr les zones de compétences de la gendarmerie, un «directeur interdépartemental» de la police pourrait envoyer en urgence et en temps réel à travers l'agglomération parisienne des compagnies de sécurisation et d'intervention ou encore les brigades anticriminalité et cynophiles en banlieue en cas de besoin urgent. Outre la pacification d'une cité en ébullition ou en proie aux bandes, ces dispositifs concertés pourraient mieux réprimer certaines filières régionales de drogues. Au total, un vivier pouvant aller jusqu'à mille policiers parisiens franchirait le périphérique pour prêter main-forte à leurs collègues de banlieue, qui souffrent d'un manque chronique d'effectifs. Dans cette logique, la Préfecture de police participe déjà à la sécurisation de la Foire du Trône ou encore des puces de Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis. Ou qu'elle prend en charge la régulation de la circulation à certains nœuds routiers comme ceux de pont de Nogent-sur-Marne ou de Villeneuve-Saint-Georges. «Cette logique d'agglomération prendrait aussi tout son sens en matière de renseignement, note un haut fonctionnaire. Il est estimé en moyenne que sur 100 manifestants à Paris d'origine francilienne, 40% résident en petite couronne et 20% en grande couronne.» À la demande de Nicolas Sarkozy, Michèle Alliot-Marie est appelée à formuler des propositions à l'Élysée «avant l'été».
Source du texte : FIGARO.FR