Cela vaut pour des lieux minuscules, de vieilles usines, ce genre d' endroits.
Il y a quelques années, j'avais été épaté par un coin de forêt où quelques gravats gisaient. Un panneau m'avait spécifié, un peu avant, qu'il y avait un village, naguère, et un plan montrait qu'ici c'était le maréchal-ferrant, là la forge, plus loin des maisons d'habitation. Le village avait été totalement détruit et finalement s'était rencontruit cinq cent mètres plus bas.
J'étais resté longuement sur le site, humant l'air, m'imprégnant de je ne sais quoi. Essayant de sentir cette ambiance d'avant, de me la représenter.
Lorsque je vivais dans l'Ouest de la France, c'est une ancienne mine qui m'avait épatée. Toute perdue qu'elle était dans une végétation ayant repris le pouvait. Tout était resté en l'état et si cela avait dû prendre en son temps des airs d'abandon de poste, plus tard, cela restait de l'ordre du musée à ciel ouvert. Plus tard, une ancienne acierie me fascina. Elle était en train d'être détruite pour que se construisent des établissements bancaires et autres salles de spectacles.
A bien y réfléchir, je me rends compte que ce sont les lieux restés en l'état qui me causent le plus, avec le patinage du temps, la rouille, l'éboulis. Syndrôme des villes fantômes telles que narrées dans Lucky Luke ? Peut-être bien :-)
L'autre jour, dans le cadre de mon boulot, la sensation m'est revenue.
Là, je visitais un fort érigé en 1874 dont la particularité est d'entourer complètement un villa. A l'époque, les villageois n'avaient pas accepté d'être délocalisés lorsque l'armée les pria de céder la place pour ériger ce qui devait servir à protéger la région en cas de nouveau conflit armé.
En arrivant, on le trouve à gauche, ce fort, et c'est une modeste bestiole qui s'offre aux regards. Pas de quoi fouetter un bouc, me dis-je. D'autant que cette partie là a été restaurée. Joli néanmoins. Au loin la campagne. On comprend le choix du lieu. Stratégiquement imparable.
Mais tout allait se passer à quelques centaines de mètres de là. De l'autre côté du village.
J'entre et me prend une vraie tarte dans la tronche. Dédale souterrain, escaliers, salles, passages. Il y eut toute une vie ici et je songeai à tous ces hommes qui ont construit ça. Ce qui en reste, plus d'un siècle après. Toutes ces pierres et ces murs, ces voûtes, ces passages. Tout cet acier.
On imagine. On n'imagine pas. C'est pas si vieux. C'est tellement loin.
Et puis maintenant, ce sont des passionnés bénévoles qui s'occupent de cela. Ils en parleraient des heures. Ils y passent leurs week-ends et pour certains leur retraite. Témoins. Passeurs. Chapeau.