L'autre jour, je décide d'aller voir ma ville, de lui rendre une belle visite de courtoisie, comme il se doit. Entre deux rendez vous pour le mariage, je m'offre une promenade.
Me voilà donc entrain d'arpenter ses rues, monter ses avenues, faisant des détours par ses ruelles. Elle est là, sous mes pieds, je la sens. Le ciel est gris mais rien qui vaille la peine de s'inquiéter.
Soudain, le ciel s'assombrit et une pluie, tout d'abord fine et froide, se met à tomber, je me dis que ça me fera du bien un peu de fraîcheur, malgré ce maigre filet qui tombe et qui me dérange.
Je me dis aussi, peut être que ma ville est fâchée contre moi, après une si longue absence. Et plus je marche et plus la pluie s'intensifie. Le ciel devient de plus en plus menaçant puis c'est l'averse. Alors là, ma ville me déteste, j'en suis sûre.
Je m'abrite chez le suédois.
Ah le suédois, c'est comme avec ma ville, c'est un amour particulier qui nous lie, tantôt nous nous aimons, tantôt, nous nous haïssons. Enfin plutôt moi.
Je marche entre les rayons, le 1er étage a bien changé. Il est entièrement réservé aux vêtements masculins. Je me dis, tant qu'à faire, autant trouver quelque chose pour l'homme, histoire qu'il ne remarque pas l'acquisition d'un 18ème t-shirt blanc loose.
Mais c'est mal le connaître, le suédois. Il prend sa revanche sur toutes les fois où je n'ai pas voulu de lui. Je me retrouve devant un portant de chemises aux couleurs vives dont l'une est jaune, mais d'un jaune. Il est aveuglant.
Je me dis que si j'achète cette couleur à mon homme, voyante comme dirait l'autre, il n'y aura plus aucun mariage à organiser. Je rebrousse chemin. Si, ni ma ville, ni le suédois ne veulent de moi, j'irai là où on voudrait bien de moi.
En chemin, en passant devant une vitrine de vélos, si le lendemain il fait beau, je vais enfourcher le VTT de mes 18 ans et cheveux au vent, conquérir le monde.
Sauf que mon vélo, on ne lui l'a fait pas. Tout comme ma ville et le suédois l'ont fait la veille, il ne s'en laisse pas conter. Il en a vu d'autres.
Mais avant que ma ville ne me jette, celle-ci m'a offert quelques réserves, en prévision d'un maigre réconfort, comme si elle savait.
Alors, en croquant dans un macaron au citron, je me dis que ma ville peut s'écrouler, le suédois me bouder et mon vélo refuser de se laisser guider, ce petit goût de paradis, lui, ne peut pas me lâcher.
Mais c'est mal connaître le paradis.