La futilite

Publié le 17 avril 2009 par Devotionall

Comme j’aimerais tant être quelqu’un ! Non pas que je nourrisse le moindre doute quand à mon identité à l’état civil, quand à mes racines et ma famille. Bien au contraire, je n’ai malheureusement que des certitudes sur ce point, et elles me pèsent et m’oppressent durant les nuits difficiles. Non, par être quelqu’un, j’entend quelqu’un de célèbre, de reconnu, un nom qui revient comme un mantra sur des lèvres qui chantent mes louanges, une image postérisée dans les chambres des adolescentes, une icône clickée et googlisée sur le net.
Curieusement, si c’était le cas, les masses adorantes ne connaitraient pas mon véritable nom ; j’aurais eu soin de me cacher pudiquement derrière un pseudonyme, un acronyme, un symbole abstrait ou même une onomatopée… qu’importe le choix, ce serait là ma nouvelle incarnation, celle de ma réussite et de ma gloire. Je voudrais qu’il précède même, sur les moteurs de recherche, les mots « sexe gratuit » ou « viagra cyalis », être incontournable et omniprésent, fanatiquement traqué et désiré, mais rester bien sur totalement inaccesible. Je tiens à préserver mon équilibre.
Cette idée peut vous paraître futile, voire saugrenue, mais moi, elle m’obnubile. J’y pense tout le temps, nuit et jour ça me travaille. Je ne sais pas précisément comment cette pulsion s’est emparée de moi, mais l’autre jour je m’en suis ouvert à mon psy. Selon lui, je suis contaminé. Atteint par le discours populiste et égocentrique, infantilisant et dérisoire, de ma télévision. Enfin, je dis « ma » télévision, mais ça pourrait tout aussi bien être la votre, et donc, votre cas. C’est juste que moi, j’ai eu parait-il le tort de passer trop de temps au contact de ce foyer infectieux, j’ai du contracter une kyrielle de bacilles et de germes particulièrement virulents. Il faut dire aussi que ces dernières années, entre les émissions de télé réalité, le journal télévisé et les frasques mondaines de nos politiques, il y aurait eu, toujours selon mon psy, une véritable épidémie dans le pays.
Mon psy me dit que ce n’est que de la poudre aux yeux. Que l’opium n’est qu’un anesthésiant, que toutes ces fantaisies et ces lubies que je nourris en mon sein, c’est comme le déni de la réalité, une fuite improbable, une chimère toxique. Mais moi, je ne suis pas vraiment d’accord. Mon psy est fort sympathique par moments, mais il a une tare évidente, dont il n’a heureusement pour lui pas conscience : il n’est personne.

to be continued ...