Délocalisé pour travaux, seuls les amputés étaient restés dans la maison mère, les para-tétra-hémiplégiques dont j'étais étaient logés à la clinique Béthesda à l'époque, c'est là que j'ai réappris une autre vie. Les traumas crâniens étaient au centre de traumato à Illkirch en bordure de Strasbourg.
Me voilà donc jeudi à me préparer seule, j'ai opté pour de la rééduc le matin et non l'aprem, car: je suis SEPienne et l'aprem mes forces physiques commencent à décliner. Je suis élue départementale APF et la plupart de nos réunions ont lieu l'aprem, tout comme les interventions école.
J'ai mandaté le GIHP pour me suivre et me véhiculer dans cette aventure qui est censée, je le rappelle, me faire retrouver mes transferts WC car je n'en suis plus capable et cumule des infections urinaires sans fin, suis dans la même couche toute la journée et sévèrement incontinente. Et les transferts voitures qui me repermettront de prendre les taxis normaux ou ceux qui bossent avec le GIHP, mais aussi reprendre n'importe quelle voiture d'ami ou de collègue. Le fait de ne pas pouvoir a considérablement réduit ma liberté et mon autonomie sociale, ce qui est parfois déprimant.
De grands espoirs, donc... Et au final? On verra dans 6 semaines après deux jours/semaine de travail intensif!
Revenons-en à nos moutons: jeudi, départ 8h avec le transport spécialisé et zou... Au téléphone, on m'avait dit de passer directement au bureau infirmier de l'hosto de jour, ce que j'ai fait. Il s'avèrera que j'aurais du passer à l'accueil principal avant, vous comprendrez plus tard pourquoi le fait de l'ignorer a été un problème.
J'arrive, comme une écolière le jour de sa première journée de scolarisation, encore un peu dans les choux, timide et sage... Avec mon sac "Nipauvrenisoumis" sur le dos du fauteuil quand même!
Je salue, on me présente l'inf qui va renseigner mon dossier perso et qui m'explique comment on va fonctionner. Elle me donne le planning détaillé des activités en double: un pour moi et un pour le GIHP!
Puis, une de ses collègues me fait faire le tour du service, me montre la salle tv pour les pauses, la salle à manger où je mangerai deux ou trois fois car j'ai quelques jours où les activités déborderont jusqu'à 14h!
Elle m'accompagne au second étage où mon premier rdv est avec la neuropsy.
Alors là, que vous dire... Je résume: re dossier perso, j'ai parlé de mon parcours, de la façon dont a fini ma profession, et elle a TOUT compris, entendu, écouté, assimilé, m'a décodé ce que je pensais déjà avoir compris... C'est perso, privé, pas de détails. Bref, sur la même longueur d'ondes! Elle m'a parlé d'alsacep, mais comme j'ai déjà un suivi neuropsy ailleurs, pas d'urgence. On s'est quittées presque amies, elle m'a poussée devant la salle de kiné. Je ne la verrai que 3 fois à cause de ses absences, mais je n'en demandais pas davantage.
Kiné: devant la salle, qui est moyenne de taille, des patients bavardent, un monsieur a beaucoup d'humour malgré son atteinte importante. Ou à cause de...?
Je sais que c'est un homme qui s'occupera de moi, ça m'arrange. Olivier. C'est un jeune kiné (mi trentaine) au visage agréable qui s'y collera.
Puis on m'appelle derrière moi. Stupéfaite, je reconnais un des kinés d'il y a 10 ans qui avait remplacé ma kiné à Béthesda! Un gars super sympa plus tout jeune qui avait été opéré avec succès d'une tumeur au cerveau! Je vous raconterai nos liens à Béhesda, c'est rigolo! Il m'a reconnue de suite, me salue chaudement, je lui dis que j'ai une SEP...
Re-dossier, questions sur les pertes de moyens, la récup, la reperte des poussées, la perte récente, la kiné à domicile... J'explique mes objectifs. Il acquiesce et zou, on y va!
Barres parallèles! J'adore ça, moi, car il y a 10 ans j'y faisais ma première redéambulation avec une impression de liberté et d'autonomie énorme!
Je réussis à me verticaliser, attrape les barres, je stabilise. Pas de vertige, rien, tout va bien. Parfois les patients se sentent mal, debout pour la première fois depuis longtemps! Moi, j'ai la kiné à domicile et mes verticalisations persos pour rehausser pantalon ou descendre pull qui m'ont entraînée!
Il m'encourage à tenter des pas. Ok, on y va! Ben ça a marché! Rien de tel que deux barres pour empêcher de se latter! J'ai continué sous les "très bien" du kiné. Puis soudain, il me dit que j'ai eu une fuite et là, malheur, la cata, tout s'effondre en moi d'abord, puis "dehors": mes jambes s'enfoncent, se plient, je "tombe" en douceur de terreur, de honte et de gêne. Je vois la flaque d'urine entre mes jambes et ai tout juste le temps de me dire: ne pas marcher dedans sinon c'est la mauvaise chute!
Je suis déjà presque à genoux, station non tenable pour moi et le kiné et sa collègue courent. Pas moyen de me pousser mon fauteuil sous les fesses, il est trop large et ne passe pas entre les barres jusqu'au niveau que j'ai atteint!!!
Urgence, je m'enfonce en essayant de tenir vaille que vaille. Avec toujours mon pipi qui se rapproche et qui me nargue.
Les kinés posent une chaise normale sous moi et je parviens à me rehisser avec leur aide. Puis, redéambulation arrière pour rejoindre mon fauteuil ou LA kiné se coincera brièvement la main (zut!). moi, super embarrassée, je me suis rappelée les fuites d'il y a 10 ans, nombreuses chez tous, et pires (selles! Je vous raconterai un jour!), mais me suis rappelée que j'étais en milieu ami et ça m'a rezénéisée! (ça existe comme verbe? bon, je l'invente alors!). Mon kiné regarde l'heure, il est temps qu'on arrête, ça "tombe" (;) ) bien! Moi, je suis rassise sur l'alèse de mon fauteuil que je me félicite d'avoir emmenée, lui a cherché des lingettes désinfectantes et nettoie en attendant le passage d'une agent d'entretien, y compris les semelles de mes bottines. Un Mac Gyver, comme tous les kinés! On s'improvise dans tous les métiers selon la situation!
On prend congé, il me redit que c'était positif, qu'on reprendra la verticalisation en table les premières fois pour renforcer mes muscles. Je prends congé et rejoins l'accueil principal à l'entrée où je dois encore faire un dossier!